Skip to main content

Depuis vendredi 19 février, le Musée de l’Arche de Saint-Pierre accueille une exposition sobrement intitulée “Terre-Neuvas, le leg de Maurice et Emile”. À l’initiative de Nadine Belin et de l’association Eaux Fortes, le public est invité à découvrir des clichés pris par deux marins terre-neuvas dans les années 60-80. Ils sont accompagnés de différentes réflexions artistiques de créateurs d’ici et d’ailleurs autour du thème de la mer et de la pêche. Si vous ne pouvez pas vous rendre jusqu’à Saint-Pierre et Miquelon d’ici le mois de juin, continuez à lire, ça vous concerne toujours : un livre vient de sortir. Il sera mis en vente dans les jours à venir.

Dès qu’on aborde le sujet des terre-neuvas, on a souvent tendance à se tordre les mains et à ressentir une vague culpabilité à l’évocation d’un métier si rude et si ingrat, rangeant les marins de toutes les époques et de tous les types de navires sous le vocable de “forçats de l’océan”. Une des nombreuses vertus de cette exposition est de balayer cette idée reçue et de nous montrer des scènes de la vie ordinaire en mer. Des hommes, clope humide au bec, concentrés ou souriants. Visiblement bien dans leurs bottes et à l’aise dans leurs cirés. Loin de la vision misérabiliste qui flotte souvent autour du monde de la pêche. On est en haute mer, ou à quai,  toujours au cœur de l’action. Maurice et Emile, entourés de beauté naturelle à couper le souffle, nous montrent des histoires de camaraderie. Toujours sur fond de grosse mer.

exposition Terre-Neuvas

Terre-Neuvas, le filetage sur le pont. Crédit photo Eaux Fortes

 

exposition Terre Neuvas

Terre-Neuvas, dans la bannette. Crédit photo Eaux Fortes

 

Expo Terre neuvas

Terre-Neuvas, le travail sur le pont. Crédit photo : Eaux Fortes.

Et voilà une première étape importante franchie pour Nadine Belin, fille de Cherbourg, dans ce qui est devenue une opération “boule de neige” qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Une mission qui lui est tombée dessus, un jour comme un autre, au cours d’une visite familiale au musée des Terre-Neuvas, à Saint-Malo.

Il arrive que tout aille très bien

exposition terre neuvas

Nadine Belin, à l’initiative de l’exposition.
Crédit photo Eaux Fortes

On pourrait parler d’un alignement de planètes cette journée de juillet 2019 quand Nadine croise la route d’Emile.

Quand elle décide de trainer un peu à la fin de la visite guidée qu’Emile Jenouvrier, guide bénévole de 85 ans bien sonnés, vient de conclure. Ce jour là, lui aussi a le temps de prêter attention à cette dame discrète qu’il avait trouvé réceptive et intéressée. Le courant passe si bien qu’ils se retrouvent chez Emile, autour d’un café et que de fil en aiguille il lui parle d’un fonds photographique qui repose dans ses tiroirs comme une Belle au Bois Dormant. Quelques 400 clichés, pris en majorité par son copain Maurice Geste et par lui-même. Ils étaient respectivement mécanicien et radio-télégraphe sur des navires de pêche français qui sillonnaient les Grands Bancs durant ce qui a été la dernière époque de la pêche au long cours.

Maurice, décédé sans héritier, avait remis la totalité de ses photos à Emile en lui faisant promettre “d’en faire quelque chose”.

Emile en fait de même avec Nadine. Et la voilà, héritière inattendue de ces photos. Face à un marin retraité dont les yeux pétillent quand il évoque le Grand Métier, les campagnes, les copains, et Saint-Pierre et Miquelon où il a laissé une part de lui-même et des amis proches.

Il n’aurait pas pu mieux tomber ! Emile ne savait pas que Nadine avait passé sa carrière à s’intéresser aux humains et à leurs différentes visions du monde. Diplômée des Beaux-Arts et spécialisé en ethnomédecine, elle est dans son élément quand il s’agit d’expliquer un groupe humain sans tomber dans les clichés.

Voilà, c’est comme ça, c’est le destin …

Une démarche individuelle, puis collective

À l’heure où le patrimoine bâti de Saint-Pierre et Miquelon est réduit à la portion congrue, cette exposition est un petit miracle qui réchauffe le cœur de ceux et celles qui craignent de voir notre histoire nous glisser entre les doigts. Elle vient nous rappeler que la volonté et la passion ont raison de bien des défis. Nadine Belin l’illustre magnifiquement.

expo terre neuvas

La pause photo avec les icebergs.
Crédit photo Eaux Fortes

Quelques semaines après sa rencontre avec Emile, Nadine arrive à Saint-Pierre et Miquelon pour sonder le terrain et déterminer si une exposition de ces photos trouverait un intérêt ici. Elle n’a pas besoin de chercher longtemps pour faire la connaissance des amis d’Emile, ses anciens collègues radio-télégraphes de l’archipel. Les pouvoirs publics “embarquent” eux aussi : la Collectivité Territoriale via le Musée de l’Arche et la Préfecture au titre de l’appel à projet pour le classement de l’archipel au patrimoine mondial de l’Unesco. Puis des rencontres, nombreuses, qui font en sorte que le séjour de Nadine se passe bien. Tellement bien qu’elle ne repart pas. Elle décide de rester et de poursuivre ce travail aussi loin et aussi longtemps que possible. À la façon d’un pêcheur qui fabriquerait un filet, elle tire une corde solide entre tout un groupe de gens qui décident de s’impliquer dans le projet.

Comme point départ, une campagne KissKissBankBank d’abord pour réunir des fonds destinés au livre et pour commencer susciter l’intérêt du public.

En toile de fond, le travail sur l’expo. Les photos dont Nadine dispose sont sur papier dans des petits formats et non sur des négatifs. Comment faire pour les agrandir au format expo tout en gardant leur qualité ? C’est simple, il suffit de contacter un photographe Meilleur Ouvrier de France et on verra bien ! Si on a envie de plonger dans le creux des vagues figées par Maurice c’est grâce au splendide travail de tirage photo de William Moureaux. Et si les 70 photos exposées forment un ensemble cohérent et harmonieux, c’est grâce au travail de restauration minutieux et acharné de Nathan Cauvin.

Les Terre-neuvas et plus encore

Pourquoi est-ce qu’il n’y aurait que des photos dans une expo photo ? pourquoi pas d’autres expressions artistiques ? À l’invitation de Nadine Belin, ou spontanément, des artistes contemporains se sont mobilisés et donnent un relief supplémentaire à l’exposition.

Entre autres :

  • Des installations en feutre de laine et soie : des bulles, des luminaires-laminaires, des algues abyssales. Ils sont l’œuvre de Murielle Romera.
  • Des sacs en cuir, fruits du travail de recherche et de création de deux maroquinières de l’archipel, Bianca Detcheverry et Laetitia Renaudin.
  • Une parure en cuir de poisson qu’on verrait bien au cou d’une sirène, issue du talent de Marine Cauvin

Et Benoit Pouplard, et Tilaï Cohen et aussi la jeune Péma, 14 ans, auteure et interprète de la chanson qui accompagne la bande-annonce de l’exposition.

expo terre neuvas

Laurent a bien connu Emile. Pause souvenir pendant la mise en place de l’expo.
Crédit photo Eaux Fortes

https://vimeo.com/user122925210?fbclid=IwAR016MVi91q3tyKcogyjJHItlhk1mTWENYNvqN_DIX35viz1q6oNEUEmB0Y

L’UNESCO dans le viseur

expo terre neuvas

L’affiche de l’exposition

S’il y a une personne qui avait un grand sourire (derrière son masque) au vernissage de l’exposition c’est Rosiane de Lizarraga, la représentante du Ministère de la Culture à Saint-Pierre et Miquelon. À sa charge un agenda en forme de montagne et ce qui ressemble à un défi : présenter un dossier de candidature pour un classement de Saint-Pierre et Miquelon et ses 5 siècles d’histoire au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour elle, l’exposition Terre-Neuvas, soutenue par ses services, est un excellent exemple de ce qu’il est possible de faire pour inviter les Saint-Pierrais et les Miquelonnais à s’approprier cette démarche. Rosiane de Lizarraga explique :

Cette exposition fait partie d’un premier groupe de 6 projets associatifs qui, en 2021, visent à mobiliser la population locale. L’objectif est que, petit à petit, la population s’empare du projet de classement au patrimoine mondial. C’est un processus à long terme, il nous faudra des années peut-être pour que la France, qui présente un unique dossier par an, désigne le dossier Saint-Pierre et Miquelon pour un dépôt à l’Unesco. C’est un projet collectif que nous, les gens de l’archipel, nous avons à imaginer et à mener. Il sera ce que nous en ferons.

À la clé, au bout du parcours une reconnaissance et une visibilité mondiale comme Lunenburg et Grand-Pré, en Nouvelle-Écosse. Une affaire à suivre … et une expo à ne pas manquer !

 

 

Patricia Detcheverry

Après 10 ans en régie publicitaire, je me suis lancée dans l'hôtellerie et j'ai vécu (encore) 10 ans au rythme des saisons touristiques. Freelance depuis 2017 j'allie mon regard de femme de l'Atlantique et mes compétences en communication pour faire connaitre ma région. Ce que j'aime par dessus tout ? Faire découvrir les petits endroits paumés où personne ne va, les petites routes ignorées, les bouts du monde et les gens, toujours les gens !

9 Comments

  • CAROLINE PENSIER dit :

    Super article, sur une expo qui semble superbe!
    je languis de voir le livre! Pour se le procurer l’éditeur est il Mon Autre France dont j’ai déjà plusieurs ouvrages?

  • Patrick FOURNIER dit :

    Bonjour,

    Pouvez-vous indiquer quand le livre-expo sera disponible à la vente et comment se le procurer ?
    Merci.

    Patrick Fournier

  • Patrick Dérible dit :

    Bel article pour présenter une belle expo. Bravo.

  • Patrick FOURNIER dit :

    Bonjour,

    Pouvez-vous nous indiquer quand le livre-photos sera disponible à la vente et comment se le procurer ?

    Merci encore à vous pour les informations, paysages et émotions partagées.

    Cordialement.

    Patrick Fournier

  • FONT Florence dit :

    bonjour Patricia

    où et quand ce livre sera-t-il dispo ? l’expo m’aurait intéressée mais voilà… trop loin… elle ira peut-être faire un petit tour en Bretagne ou ailleurs ? qui sait 🙂 Bonne journée ?

  • Marie MESPOULET dit :

    Bonjour,
    Ca fait un moment que j’aimerai venir mais voilà, avions extrêmement couteux, y a t’il une solution par bateau depuis le havre ou ailleurs et les logements aussi sont trop élevés pour moi, n’y a t’il pas d’auberge de jeunesse.
    Merci devotre reponse.
    Marie

  • D'Amour-Léger, Julie dit :

    J’aimerais tellement voir cette exposition! Où dois-je m’adresser pour commander le livre?

    Julie D’Amour-Léger

  • Belin dit :

    Article très complet. Nathan Cauvin a restauré les photographies et Tilai Cohen a fait la reliure de l’édition Collector reliée en cuir de morue.

Publier un commentaire