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Expo Terre neuvas

Terre-Neuvas, le travail sur le pont. Crédit photo : Eaux Fortes.

La grande aventure de la pêche à la morue sur les Bancs de Terre-Neuve continue à fasciner: la toute dernière exposition à ce sujet, Terre-Neuvas (dont cette superbe photo est extraite), encore en montre au Musée de l’Arche à Saint-Pierre et Miquelon, connaît un franc succès et voici que l’auteur-compositeur-interprète madelinot Georges Langford y consacre un spectacle inusité, intitulé Radio-Morue.

Radio-Morue?

Terre-Neuvas

Radio-Morue – Georges Langford – Crédit: municipalité des Îles

 

Georges Langford, ami de la première heure de l’Heure de l’Est, s’intéresse aux Terre-Neuvas, ce n’est pas nouveau! Comment en serait-il autrement pour un enfant de la mer et des îles, grand observateur de l’âme humaine à qui on doit des chansons mémorables sur la navigation comme 48 degrés et des étoiles.

Au fil de ses lectures, Georges découvre l’aventure du Saint-Yves, navire hôpital de la Société des Œuvres de Mer et de son plus célèbre aumônier, le Père Yvon.

“L’Oeuf des mers” comme l’appellent gentiment les marins, a pour but “d’apporter sur les lieux de pêche même, des secours matériels, moraux et religieux, aux marins isolés et retenus pendant de longs mois loin des leurs, en des mers tourmentées.”

 

 

 

Qui est le Père Yvon?

Le Père Yvon est un religieux d’origine bretonne qui attache très tôt sa vie et son ministère aux Terre-Neuvas. Que ce soit à la maison des Œuvres de Mer à Saint-Pierre et Miquelon ou sur le navire-hôpital, il se dévoue à ces hommes partis loin de chez eux, gagner leur pain quotidien, dans des conditions extrêmement difficiles.

Terre-Neuvas

Le Père Yvon

Ce qu’il redoute plus que tout, c’est  “le cruel démon de l’ennui que les marins appellent “le cafard”. Au début des années 1930, il a donc l’idée d’une émission radio qui s’appellerait Radio-Morue.

Dans son livre “Avec les bagnards de la mer” il explique comme il a dû batailler pour installer un émetteur à bord du Saint-Yves et des récepteurs à piles sur les navires de pêche, il faut le préciser: sans aide des armateurs, réfractaires à toute distraction même salutaire, ni même de la Société des Œuvres de Mer qui trouvait que ça coûterait trop cher.

Il faut plus que ces refus répétés pour arrêter ce capucin déterminé qu’on avait surnommé “le Typhon”. Il cajole, prie, s’emporte, pour obtenir l’équipement nécessaire. De 1937 à 1939, Radio-Morue entre en ondes tous les soirs à 18h pour une heure d’émission.

 

Quel contenu pour cette émission?

Extrait de “Avec les bagnards de la mer”:

Attention! Voici d’abord le “top” – le top c’est l’heure exacte, si nécessaire pour faire le point. Puis c’est “météo” qui annonce le temps et met en garde contre les coups de Trafalgar.

Puis leurs dépêches personnelles, à eux, marins, qui jadis ne leur parvenaient pas, la position des bateaux étant inconnue. Puis le “Bulletin paroissial” de chez eux. De sa voix chaude et cordiale, le P. Yvon lit, au micro, les naissances de leur village… Ils apprennent ainsi, parfois d’un coup, qu’ils sont papa de jumeaux (…) les fêtes, les séances … Mais pas les décès.

Puis les nouvelles de France. Puis le Saint-Yves indique son itinéraire pour qu’on lui apporte les malades. Puis un mot de l’aumônier pour le réconfort spirituel des âmes. Le P. Yvon annonce une messe pour les péris en mer. Il y en a une moyenne de un par semaine.”

Un peu de musique, quelques chansons, et il est temps de se séparer jusqu’au lendemain, même heure.

Ainsi, pendant 60 minutes, les côtes de France se rapprochaient, les êtres chers aussi, repoussant le cafard et ses idées noires.

Et le spectacle?

Terre-Neuvas

Radio-Morue – Crédit: Municipalité des Îles

Georges Langford a eu la brillante idée de reprendre le format de Radio-Morue pour son spectacle d’environ une heure.

Terre-Neuve

Livres du P. Yvon

Il présente d’abord l’histoire de la pêche à la morue et pour contextualiser le sujet, un texte du P. Yvon sur la géographie des Bancs, comme celui-ci:

L’ensemble des Bancs de Terre-Neuve comprend: le Banc de Saint-Pierre, le Banquereau, le Platier, le Grand Banc, le Banc de sable, le Banc de Misaine, le Banc Vert et le Bonnet Flamand (…)

Pour se rendre compte de ce que représente pour le navire-hôpital la découverte des navires sur les lieux de pêche, il faut faire glisser la carte de France sur la carte des Bancs (…).

On s’aperçoit que si l’on place Saint-Pierre à Niort, Saint-Jean de Terre-Neuve correspondra à Orléans, le Banquereau se trouvera au-dessus du golfe de Gascogne près de la côte d’Espagne, le Banc de Saint-Pierre couvrira l’Aunis et la Saintonge et le Grand Banc tout le Massif Central, une bonne partie de la Bourgogne, du Dauphiné et de la Provence et le Platier correspondra à peu près au Comtat Venaisien. Le Bonnet Flamand se trouvera en dehors de la carte, bien au large de la Franche-Comté.

Suivent la lecture de quelques textes d’auteurs spécialisés dans la grande pêche, comme De Loture ou Jean Recher, et d’auteurs célèbres – Dickens, Balzac, Hugo, Kipling.

G. Langford – Radio-Morue

Le tout entrecoupé de chansons de marins bien sûr comme “le gabier de Terre-Neuve” de Théodore Botrel, mais aussi “La morue” de la Bolduc et un pot-pourri de chansons de Tino Rossi ou Maurice Chevalier qu’on diffusait dans l’émission originale.

Tout suite, ça a mordu!

À quand la tournée?

Il est clair que l’histoire des Terre-Neuvas intrigue. Le spectacle de Georges, organisé par la Municipalité des Îles a été présenté trois fois, malheureusement avec des restrictions de place pour cause de pandémie. Les billets se sont vendus dans le temps de le dire et à chaque fois, il y avait des listes d’attente.

À l’Heure de l’Est on rêve de voir ce spectacle se déplacer dans notre région lorsque la situation sanitaire le permettra.

En conjuguant savoureusement textes, anecdotes et chansons, c’est toute l’épopée de la pêche à la morue que Georges Langford fait revivre.

C’est aussi un superbe et rare clin d’œil fait au Père Yvon qui a été aux Terre-Neuvas ce que l’Abbé Pierre a été aux sans-abris de l’après-guerre.

(vous utilisez Pinterest? Merci d’épingler)

 

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

2 Comments

  • Diane Moreau dit :

    Bravo et merci pour cet article si élogieux et documenté qui alimente la rencontre. Il y a tant à apprendre de cette pêche.
    Que nous aimerions voir cette exposition sur les Terre-Neuvas et revisiter St-Pierre. À bientôt peut-être!

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