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Phare de Cap Spear

Photo: l’Heure de l’Est

Élément iconique de toute région maritime, le phare! Installation essentielle pour tous les navigateurs, monument incontournable de notre patrimoine, chaque phare a ses histoires – grande et petites.

Après vous avoir présenté le phare du Cap Race  , celui de Ferryland à Terre-Neuve et le Phare de Miscou dans la péninsule acadienne, je vous emmène maintenant à la découverte du phare du Cap Spear. En fait, je devrais dire “des phares”, il y en a deux. Sur le site, géographie unique, histoire ancienne et récente, nature et découvertes vous attendent.

Le phare le plus à l’Est du continent

Les publicistes de ma province de Terre-Neuve-et-Labrador ont le sens de la formule. Aux touristes qui se renseignent sur Cap Spear, ils suggèrent, en arrivant, de se mettre dos à la mer, tout au bout du cap, pour imaginer le continent américain étalé tout entier “à la vue”.

Napoléon avait déjà utilisé l’idée devant les Pyramides d’Égypte pour évoquer le poids des siècles, cette fois l’image sert à évoquer l’emplacement le plus à l’est, de la province la plus à l’est du continent américain.

Pour ma part, je préfère me mettre face à la mer et imaginer l’Europe, droit devant, à vol d’oiseau, mais chacun ses goûts!

Cap Spear, en hiver, vu de la tour Cabot – Crédit photo René Enguehard

Le Cap Spear se trouve, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Saint-Jean de Terre-Neuve. Du haut de la ville, près de la tour Cabot, on l’aperçoit, dernière langue de terre avant la haute mer. Endroit stratégique pour tous les marins.

Une lumière d’occasion

Le premier phare de l’histoire de la province de Terre-Neuve, est celui de Fort Amherst, juste à l’entrée du port de Saint-Jean, inauguré en 1811. Le second, c’est celui du Cap Spear, inauguré en 1836.

Pour la petite histoire, la lumière avait été achetée d’occasion! Elle provenait du phare d’Inchkeith, sur la côte est de l’Écosse, en opérations là-bas depuis 1815. On venait d’y installer un système plus moderne, c’était une occasion unique pour Terre-Neuve d’acquérir à bon prix ce qui était, pour l’époque, une lumière d’excellente qualité.

Le mécanisme fut amené d’Écosse et installé sur place par un certain William Shields qui mourut d’un bête accident de chasse, 8 jours seulement après avoir fini sa besogne,

17″ – 43″

Le mécanisme du phare était composé de 7 brûleurs Argand alimentés d’abord avec de l’huile de baleine et  produisant un faisceau de lumière blanche de 17 secondes suivi de 43 secondes d’obscurité. Si l’équipement a changé depuis, le signal lumineux demeure le même.

L’entretien du phare ne cessait jamais.  Il fallait approvisionner le système en huile, s’assurer de nettoyer les réflecteurs de toute la suie engendrée par l’huile de baleine, en plus de gratter régulièrement le vitrage vite recouvert de sel, de neige ou de glace durant l’hiver.

En 1878, on ajouta une corne de brume, encore plus d’entretien!

Enfin, en 1955, un nouveau phare entra en opération avec un mécanisme dioptrique “dernier cri”. La technologie venait de soulager le travail des gardiens de phare, assurant aussi leur éventuelle disparition.

Qui veut être gardien de phare?

Le premier gardien du phare de Cap Spear était un dénommé Emmanuel Ware que l’histoire a complètement oublié. Il faut dire qu’il est plus aisé de se souvenir de tous ses successeurs: ils étaient issus d’une seule et même famille, les Cantwell.

Le premier du nom avait commencé sa carrière comme pilote du port de Saint-Jean. L’histoire raconte qu’il dut, un jour, mener un voilier jusqu’au port dans une brume très épaisse. Concours de circonstances, à bord se trouvait un Prince de la famille royale des Pays-Bas. Le dignitaire avait dû craindre pour ses jours au moment de la manœuvre puisque rendu au port, il demanda au valeureux pilote ce qui pourrait bien lui faire plaisir. James Cantwell aurait répondu “Je voudrais être gardien du phare de Cap Spear”. Et comme dans toutes les belles histoires, “ainsi fut fait”.

L’entrée de Saint-Jean vue du Cap Spear

James Cantwell s’était engagé pour lui. Il ne se doutait pas (ou peut-être l’espérait-il?) que 5 autres générations de ses descendants allaient le suivre dans l’aventure.

C’était tout un engagement. Il fallait s’installer à demeure sur ce bout de terre, balayé par les vents et perché au bord de falaises impressionnantes.

La famille au complet devait être prête à vivre en autarcie: pas d’école, d’église, pas de docteur, pas de commerces. Impossible aussi de se rendre à Saint-Jean par mauvais temps ou d’avoir de l’aide rapide en cas d’urgence.

Le phare d’origine a servi une première génération de Cantwell, puis il fallut faire des agrandissements pour la famille en pleine expansion.

 

Des bâtiments supplémentaires ont donc été construits au fil des générations qui ont aujourd’hui disparu.

Le dernier gardien, Gerry Cantwell, est resté en poste jusqu’à l’automatisation du phare en 1997, mais il a été le premier à ne plus habiter sur place, préférant faire le va et vient de Saint-Jean.

Le phare d’origine

Le lieu du Cap Spear étant devenu un site classé, le phare d’origine fut restauré par Parcs Canada qui l’a ramené à son état d’origine, circa 1839.

Inauguré par nul autre que le couple royal, Charles et Diana, lors de leur visite officielle de 1983, le phare se visite bien entendu!

Phare du Cap Spear

Intérieur du phare – Photo: Tourisme TN&L

De la solitude à la foule

Un des deux canons de la batterie du Cap Spear

La solitude des Cantwell se trouva brusquement brisée en 1941.

Pour en découdre avec les sous-marins allemands qui rodaient dans les alentours, les forces canadiennes et américaines investirent les lieux pour installer une batterie de canons.

On installa deux canons de 25 cm. Puis on construisit un réseau de passages souterrains, une poudrière et des salles d’entreposage d’équipements.

Enfin, on installa des barraquements et 300 soldats furent stationnés au Cap Spear.

Du jour au lendemain et jusqu’à la fin de la guerre, les Cantwell eurent chez eux (et à leur disposition), salle de sport et de spectacles, terrain de baseball, médecin et dentiste.

Histoire de grand air

Crédit photo: Tourisme TN&L

Ce qu’il y a de bien au Cap Spear, c’est qu’après avoir fait le tour de l’Histoire, il reste encore la nature! À contempler et, si ça vous tente, à arpenter. Les sentiers du East Coast Trail peuvent vous ramener jusqu’à Saint-Jean ou vous emmener plus loin vers Petty Harbour et Ferryland même.

Si la marche ne vous tente pas, de nombreux spectacles naturels uniques en leur genre s’offrent à vous:

Crédit photo: Tourisme TN&L et Istock

On vient sur place pour voir la mer, surtout quand elle est déchaînée (attention: danger!), pour admirer au loin les falaises de Saint-Jean et des environs.

Au début de l’été, généralement en juin, les icebergs peuvent être au rendez-vous.

Ensuite ce sont les baleines, rorquals et autres cétacés qui se donnent en spectacle et, bien entendu, les oiseaux de mer. Une bonne paire de jumelles et vous vous en mettrez plein la vue.

Enfin, si vous aimez vous lever de bonne heure, venez donc immortaliser le tout premier lever de soleil d’Amérique!

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Phares de Terre-Neuve

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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