Skip to main content

Que faire lorsqu’une église ne fait plus recette? La question se pose dans toutes les paroisses de notre région et du monde. Les réponses vont de l’abandon à la démolition pure et simple ou à la vente pour en faire maison, condos ou bureaux. Parfois, rarement, on trouve une solution viable à la fois pour l’Église et pour la société. C’est ce qui s’est passé avec la Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Moncton où le laïc, puis la technologie, ont secouru le religieux. Bienvenue dans l’exposition immersive MR21 !

Rêver de reconnaissance

Monseigneur Mélanson – Crédit: Archidiocèse de Moncton

Vous le savez – on vous l’a souvent dit et prouvé dans ces pages – le Peuple Acadien a toujours eu de l’ambition et un sens, pratiquement inné, de sa valeur.

Pendant longtemps, cette affirmation identitaire s’est renforcée en parfaite symbiose avec la religion catholique. Les Acadiens réclamaient un évêque bien à eux, puis un archevêque. Ensuite on voulut des ordres religieux féminins pour ne plus avoir à s’assimiler dans un ordre de “Sisters”. Ces revendications étaient tout autant d’ordre nationaliste que religieux.

Alors, lorsque, finalement!, le Vatican nomma Monseigneur Arthur Mélanson, éminent et fier fils d’Acadie, archevêque de Moncton, en 1937, il ne faut pas s’étonner qu’il ait tout de suite voulu construire une cathédrale.

Chartres, Reims… et Moncton

Monseigneur Mélanson était allé visiter les grandes cathédrales européennes, il savait ce qu’il voulait pour son peuple. Il se mit donc en demeure de construire la cathédrale de Moncton.

Vu sa  dévotion personnelle et celle de l’Acadie à la Vierge Marie, il consacra la cathédrale à Notre-Dame de l’Assomption et nomma l’édifice Monument de la Reconnaissance, sous-entendez “acadienne”. Ça avait le mérite d’être clair!

Un effort populaire

Comme c’était coutume, tout le monde mit la main au portefeuille pour réaliser – en un temps record: 2 ans entre 1937 et 1939! – ce monument à la gloire de Dieu et de l’Acadie. Des enfants aux aînés, on donnait un 5 sous par ici, un 25 sous par là.

L’archevêque sollicita aussi la diaspora. De Louisiane, du Texas, de France, du Québec et d’ailleurs les dons affluèrent pour financer ce glorieux symbole du peuple acadien.

La cathédrale, c’est la fusion de la croyance et de l’identité nationale. Robert Pichette, historien

Rien que du beau

Monseigneur Mélanson voulait le meilleur et, déterminé, c’est ce qu’il réussit à obtenir. Il confia les plans au grand architecte québécois Louis-Napoléon Audet.  L’extérieur de l’église est résolument Art Déco tandis que l’intérieur est un savant mélange d’architecture byzantine et d’art moderne.

Pour l’intérieur, l’archevêque réunit les meilleurs artisans et artistes, Acadiens pour la plupart.

Son coup de chance et de génie fut de s’assurer les services du grand artiste français de la mosaïque et du vitrail, Auguste Labouret. L’artiste se trouvait au Canada au moment du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale pour réaliser les mosaïques de la Basilique de Sainte-Anne de Beaupré. Monseigneur Mélanson eut tôt fait de le convaincre de venir à Moncton réaliser les vitraux de la cathédrale.

Tout ici, du chemin de croix aux bancs, aux ornements des piliers, aux vitraux, évoque la vie à cette époque dans la région. Homards, huîtres, barques de pêche, trains ou navires ornent les frises, les côtés des bancs. Partout où l’œil se pose on se sait dans la région Atlantique et partout on reconnaît l’histoire de l’Acadie.

Autre temps … Autre situation

Monseigneur Mélanson mourut juste après la construction de la Cathédrale. Il léguait à ses paroissiens et à l’Acadie un trésor architectural et artistique mais aussi un fardeau financier énorme. Les coûts pour opérer la cathédrale sont faramineux, sans même envisager travaux de réfection ou simple entretien.

Au début du nouveau millénaire, le diocèse, incapable de financer une cathédrale de plus en plus délaissée par des fidèles de moins en moins disposés à mettre la main au portefeuille, dut se résoudre à envisager l’impensable: abattre la cathédrale,

Sauvée in extremis

Mais rien que pour l’abattre le diocèse devait trouver au moins 2 millions de dollars.

Alors, pendant qu’on envisageait la question, la société civile acadienne, elle, se mit en demeure de sauver son Monument de la Reconnaissance. Mais comment? En diversifiant son utilisation.

Ancienne salle – Crédit photo Acadie Nouvelle

Là encore, Monseigneur Mélanson semblait avoir prévu le coup, si on peut dire: la cathédrale comprenait un espace à deux étages sous l’église elle-même, des salles et des salles dites communautaires qui servaient très peu.

Sous MR21, c’est la Place de la cathédrale

5 associations acadiennes – dont la Société Nationale de l’Acadie – s’engagèrent à y installer collectivement leurs bureaux dans une section du bâtiment indépendante de l’église elle-même: Ainsi naquit Place de la Cathédrale. Les locataires s’y installèrent en 2018.

Outre un investissement initial, les organisations gèrent leur section, paient un loyer et s’occupent de l’entretien. Les bureaux du diocèse font de même dans une autre section du sous-sol, tout comme la Fondation pour la sauvegarde de la Cathédrale qui s’affaire à trouver du financement à long terme pour assurer la continuité de l’édifice.

Et la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption continue à opérer comme une église. La messe du dimanche est à 11 heures.

Cathédrale numérique

cathédrale numérique

En 2014, une maison acadienne de productions audiovisuelles pour la télévision et l’Internet, Améri Ka Productions, s’intéresse à toute la saga de la sauvegarde de la cathédrale de Moncton. Elle produit un film “On a bâti une cathédrale” dont on ne saurait trop vous suggérer le visionnement!

On y documente le rêve réalisé de Monseigneur Mélanson, la détermination des organismes acadiens à sauver la cathédrale et l’art inestimable qu’on y trouve.

Ce qui donna à Améri Ka Productions la géniale idée de faire de la cathédrale de Moncton une cathédrale numérique.

Le projet, et l’organisme laïc et sans but lucratif créé pour l’animer, s’appelle MR21 – Monument de la Reconnaissance au 21ème siècle, si vous préférez.

MR21, l’exposition immersive

La visite débute dans une chapelle latérale, autrefois la chapelle des mariages, aujourd’hui Chapelle Monseigneur Mélanson puisqu’on y trouve sa sépulture.

cathédrale numérique

Spectacle immersif

Assis sur des tabourets tournants (indispensables au spectacle), on offre aux visiteurs 20 minutes d’un voyage extraordinaire au sein de la vie de l’archevêque et de son rêve pour l’Acadie. Une immersion totale dont on sort bouleversé, je vous l’assure! Regardez plutôt.

MR21, c’est une visite pas comme les autres

cathédrale numérique

Panneau interactif

La visite peut alors commencer et, là encore, la technologie vient au secours de la cathédrale, révélant aux visiteurs et aux fidèles tous les merveilleux secrets de cet édifice, certains trop haut placés ou trop discrets, pour sauter aux yeux.

Deux grands écrans interactifs de chaque côté de l’autel permettent  de choisir où porter son regard. Des images haute résolution s’affichent alors et des textes expliquent l’œuvre choisie, son créateur, son sens etc..

C’est ainsi que, pêle-mêle, on découvre:

  • La signification des vitraux de Labouret, particulièrement les verrières magistrales du transept, d’un côté l’histoire religieuse de l’Acadie, de l’autre son histoire civique.
  • Les statues remarquables de l’artiste acadien Claude Roussel
  • Les vitraux latéraux consacrés exclusivement aux femmes dans la Bible
  • Les métiers de l’Acadie représentés sur la frise des piliers
  • L’orgue Casavant et ses 5176 tuyaux

Pour toute personne qui a souhaité, un jour, visiter et comprendre les détails d’un site historique sans avoir à “suivre le guide”, MR21 est une pure merveille.

Et Améri Ka Productions n’a pas l’intention de s’arrêter là: il reste tant de merveilles à présenter au public, tant d’utilisations possibles du bâtiment, comme par exemple, de transformer l’autre chapelle de l’église en salle d’expositions temporaires.

La prodigieuse aventure entreprise par Monseigneur Mélanson continue sous forme de cathédrale numérique, aidée cette fois par une Acadie plus laïque que religieuse, mais tout aussi déterminée à préserver et à valoriser son identité et son patrimoine.

(Vous utilisez Pinterest? Merci d’épingler)

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

4 Comments

  • Gilles POTIER dit :

    Remarquable article.
    Françoise, l’auteur de l’article, vous êtes remarquable !
    Et que je te mets une vidéo. Non pas un simple petit documentaire, mais carrément une vidéo d’une heure.
    Et que je te propose une exposition immersive.
    Rien que ça !
    Je suis béat d’admiration.
    L’histoire de cette cathédrale est passionnante. Bien sûr c’est une histoire de l’Acadie.

  • Marie dit :

    Françoise a un style si merveilleux et attachant : qui d’autre pourrait écrire une histoire aussi riche en informations et la rendre aussi charmante et intéressante ? Merci pour cette belle lecture et bravo pour les magnifiques photos!

Publier un commentaire