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En mars 2024, la librairie Matulu, célèbre ses 25 ans d’existence!! Alors, le moment est parfaitement choisi pour partager cet article. Bravo à l’ami Alain Leblanc et longue vie à Matulu!

Ne pensez-vous pas, comme moi, qu’une ville, si petite soit-elle, se doit d’avoir une librairie indépendante ? Pas une de ces monstruosités multinationales qui vendent du livre comme on vend du ketchup, non! Une de ces petites librairies de quartier où il fait bon entrer, flâner et feuilleter, avant d’acheter, bien sûr!

 

Combler un vide

Figurez-vous que jusqu’au tournant du millénaire, Edmundston, Nouveau-Brunswick, ville universitaire puisqu’on y trouve un des trois campus de l’Université de Moncton, n’avait pas de librairie. Jusqu’à ce qu’Alain Leblanc, cuisiner de formation, se retrouve tout à coup sans emploi et qu’un beau jour de janvier 1999, au coin d’une table, un dimanche, il décide d’en ouvrir une. Ainsi est née la Libraire Matulu, une des plus ravissantes librairies de notre région.

Librairie indépendante

Sise au 114 rue de l’Église, au centre-ville d’Edmundston, Matulu a belle allure. De grandes baies vitrées, une belle lumière, des livres partout et un libraire avide de toutes les rencontres, passionné par le livre et la lecture et de bon conseil. Comme il le dit lui-même: “Je trouve toujours le livre qu’il faut, même pour quelqu’un qui n’aime pas lire.” Parfois, (à mon avis, souvent), Matulu décide aussi de vendre un livre tout simplement parce qu’Alain y croit; parce que le sujet, l’auteur, lui plaît.

Librairie indépendante

Librairie Matulu

Tout un apprentissage

Comment passe-t-on de l’enseignement de la cuisine au développement d’une librairie indépendante? Pas facile! Alain a suivi des cours de gestion et de service à la clientèle. De tous les gens qui suivaient la formation en même temps que lui, “un seul réussira” avait prédit le professeur. “Ça a été moi” dit-il fièrement.

Pour le reste, il a appris sur le tas, au fil des bons coups et des déconvenues, des rencontres, des suggestions des uns et des autres. Ce n’est pas facile d’être le seul libraire à des centaines de kilomètres à la ronde, éloigné des grands centres littéraires que sont Montréal et Québec. Alors, on développe des réseaux: Matulu fait partie de ces quelques librairies indépendantes du Nouveau-Brunswick affiliées au réseau des librairies indépendantes du Québec, ce qui permet d’avoir plus de pouvoir d’achat et de convoiter les plus grosses commandes effectuées par la province du Nouveau-Brunswick.

Librairie indépendante

Un avenir incertain…

25 ans plus tard, Alain Leblanc (comme Édith Piaf) ne regrette rien! Grâce aux six bibliothèques de la région, à l’université, au collège et aux écoles environnantes et grâce aux achats de livres effectués par la province, Matulu tient le cap. Mais son propriétaire reconnaît qu’à l’heure actuelle, il n’est pas sûr qu’il trouverait l’appui financier pour se lancer dans l’aventure. Le monde de la vente du livre est en profonde mutation et les libraires indépendants très vulnérables.

“On avait très peur du livre numérique”, explique-t-il, “mais ce n’est pas lui qui nuit aux petites librairies; ce qui nous fait beaucoup de tort, c’est la vente en ligne.” Aujourd’hui les livres numériques représentent environ 5% des ventes de Matulu, le reste des ventes va au bon vieux papier.

Mais une clientèle fidèle

Après les bibliothèques et les écoles, les particuliers sont les meilleurs amis de Matulu. En près de 20 ans, Alain Leblanc a su fidéliser une clientèle qui vient commander chez lui des livres qu’elle pourrait acheter meilleur marché via internet. “Mes clients le savent bien mais ils font le choix d’appuyer leur librairie, parce que c’est important pour eux.” C’est aussi parce que le libraire sait leur suggérer le bon livre, les appeler pour les prévenir lorsqu’il reçoit quelque chose qui pourrait les intéresser, bref parce que le libraire connaît leurs goûts et sait les servir. Et on ne trouve ça que dans une petite librairie où le client reste roi.

À noter également que la librairie Matulu (tout comme sa consœur la Librairie Pélagie) soigne sa clientèle éloignée (c’est mon cas!) et qu’on peut lui passer commande via les libraires.ca, ce que je ne fais régulièrement . C’est peut-être un tout petit moins rapide que les mégas-compagnies de distribution, mais on sait exactement à qui profitent nos achats!

Au Salon du livre

Si Alain Leblanc ne participe plus directement à l’organisation du Salon du livre d’Edmundston, il continue à apprécier les rencontres avec les auteurs, à organiser des lancements de livre à la librairie, animant ainsi le centre-ville. Alain suit tout particulièrement les nouveautés dans le livre jeunesse, un marché important pour Matulu. “On voit beaucoup de grands-parents qui achètent des livres pour leurs petits-enfants,” explique Alain, “et des jeunes adultes qui reviennent au livre après s’être absentés à l’adolescence”. Un autre secteur “porteur” chez Matulu, c’est le livre de cuisine.

Librairie indépendante

L’âme d’un lieu

On ne peut que souhaiter longue vie et succès à Alain et à Matulu. Il y a dans notre région d’autres libraires indépendants qui offrent un contact direct avec le livre, qui donnent gratuitement et avec beaucoup de bonheur des conseils, des recommandations, qui se mettront en quatre pour vous trouver le cadeau idéal. Pensez-y avant de vous précipiter sur le web et imaginez à quoi ressemblerait votre communauté, votre ville ou votre village si votre librairie fermait ses portes.

 

 

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

2 Comments

  • Chapelot jean dit :

    Chère madame
    Votre plaidoyer pour les libraires se comprend et est important mais il y a lecteur et lecteur. J’habite en région parisienne et j’ai toujours travaillé dans Paris. Pendant des années l’un de mes bureaux était au ministère de la culture avec devant la bouche de métro une grande librairie. Je passe en rer sous la Fnac des Halles. Donc une situation idéale. J’ajoute que j’ai à mon domicile 120 mètres linéaires de livres et que j’en achète plusieurs par semaines
    Malheureusement ce sont des livres scientifiques et très souvent en anglais… jusqu’il y a douze ou quinze ans je commandais ou faisais commander par mon université ces livres chez des libraires parisiens spécialisés : coûts très élevés, délais souvent interminables. Il m’est arrivé de devoir aller trois fois sans succès la Fnac des Halles pour acheter un livre banal : vendeuse partie déjeuner, livre introuvable en rayon et autres explications de ce genre.
    Désormais et depuis des années je commande tout sur internet. Je ne suis pas un lecteur classique mais je suis un gros acheteur de livres. Je viens encore d’en commander ce matin deux parus récemment sur l’histoire de terre neuve. J’en avais besoin pour un article urgent que j’achève sur la genèse du plan de la ville de saint-pierre en 1763. J’ajoute que je ne pourrais pas le lire en Bibliotheque non seulement à cause du confinement mais aussi parce que les bibliothèques publiques françaises n’achètent pas les ouvrages sur l’histoire du Canada et des USA …
    la vie est dure ….
    Très cordialement
    Jean Chapelot

    • Françoise Enguehard dit :

      Cher Monsieur Chapelot, Merci de votre constance comme lecteur, et ce depuis la première heure. Il est certain qu’il y a librairie et librairie, mais surtout il y a livres et livres! Clairement, vos besoins de documentation ne sont pas ceux et celles de la majorité d’entre nous et dans ces cas-là, en effet, la commande reste la seule option. Ici, vous l’aurez compris, nous parlons d’autre chose: de l’importance de la lecture et de la librairie dans des endroits éloignés des grands centres et/ou en milieu linguistique minoritaire. Et cela est vrai qu’on soit francophone ou non. À Saint-Jean de Terre-Neuve où je vis, il n’y a plus de librairie indépendante, il ne reste qu’une FNAC (version canadienne) où le livre est quasiment devenu accessoire, cédant le pas aux jeux vidéos et aux babioles en tous genres. Dans un tel contexte, un “vrai” libraire au diapason de ses lecteurs comme l’ami Alain Leblanc à Edmundston ou Isabelle Bonnin à Caraquet sont des trésors nationaux!! Nous reprenons cette semaine, le cours plus ou moins normal de nos publications. Au plaisir. Françoise

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