Durant mon séjour trop court à Bonavista, en septembre dernier, dans le cadre de la Biennale d’art contemporain, j’ai eu plusieurs coups de cœur artistiques, tout spécialement Anastasia Tiller, artiste multidisciplinaire de Terre-Neuve-et-Labrador, bilingue de surcroît.
Je suis allée à sa rencontre sur le lieu de son exposition (dans le cadre de la Biennale) dans un vieux magasin général du petit village de Port Rexton.
Une explosion de couleurs
Arrivée avant l’artiste, je suis entrée dans le magasin où la belle lumière automnale rentrait à pleines fenêtres et j’ai plongé avec délices dans un monde imaginaire totalement féérique! et je me suis aussitôt souvenue de ce qu’elle avait dit un jour à propos de la création artistique:
Pour maintenir notre bien-être nous devons pratiquer la curiosité et l’émerveillement
Dans la bonne humeur
Pour Anastasia, “le vivre ensemble est joyeux” et l’art, préférablement coloré plutôt que sombre. Les couleurs sont aussi pour elle une manière d’évoquer l’enfance.
C’est pourquoi elle aime que les visiteurs s’amusent avec ses œuvres, enfilent la couronne, s’assoient dans le fauteuil, s’enroulent dans son gentil monstre marin.
Ce jour-là, nous nous sommes tous (ou presque) exécutés, de très bonne grâce.
À l’image de son art
Quand Anastasia est arrivée, je l’ai reconnue tout de suite, car elle ressemblait à ses œuvres: petite et délicate, pleine d’énergie, souriante et dynamique! Elle portait en plus un T-shirt arborant une de ses devises préférées: “L’art pour l’art”. Impossible de se tromper!
La tradition du tapis hooké
Le courant a tout de suite passé et elle m’a présenté son exposition, majoritairement textile. Depuis quelques années, en effet, Anastasia Tiller pratique l’art du tapis hooké (crocheté, pour les puristes).
Pour vous rafraîchir la mémoire et pour comprendre le travail, petit retour en arrière sur nos publications:
- Hookeuses de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse.
- Coussins de l’église de Barachois, au Nouveau-Brunswick
Arrivée dans le village de Lethbridge, avec son époux terre-neuvien, il y a 18 ans, Anastasia, curieuse de tout, s’est très vite intéressée à l’art du tapis.
Elle y a été initiée par les Terre-Neuviennes qui pratiquent encore cet art, autrefois utilitaire, et s’est vite lancée dans des créations inimitables, comme elle.
Le tapis, explique-t-elle, c’est comme la peinture. Les teintes de laine offrent autant de possibilités que l’huile, la gouache ou l’aquarelle, le crochet autant de jeu que le pinceau.
Il ressort de son art une sorte de naïveté qui cache un art tout à fait maîtrisé. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire en admirant cette exposition, Anastasia, a reçu une formation artistique très académique, dans sa province de l’Ontario, puis plus spécifiquement dans les domaines du dessin et de la peinture à Florence, en Italie.
Inspirée par son environnement
C’est à Terre-Neuve qu’Anastasia dit avoir vraiment découvert les couleurs, réflexion qu’une autre artiste-peintre venue s’installer dans la province, Danielle Loranger, m’a fait un jour, quasiment dans les mêmes termes.
L’environnement l’inspire: la géologie du territoire et les animaux marins jouent les rôles principaux dans ses œuvres. Les macareux, par exemple.
Une vie artistique intense
“La vie culturelle à Terre-Neuve-et-Labrador est exceptionnelle” s’exclame-t-elle, et dans le domaine elle fait sa part en offrant des ateliers dans les écoles (entre autres dans les écoles françaises) et des cours pour les adultes de collage d’après Matisse et d’aquarelle d’après Monet.
L’inspiration l’a parfois menée sur des chemins plus conventionnels, comme ce tableau extrait d’une série intitulée “À la recherche du temps et de l’espace”.
Là encore, les sujets sont espiègles, rieurs, comme si la nostalgie ne devait jamais entraver la joie.
Ode à la nature
Au contact de Terre-Neuve et au fil de son développement artistique, Anastasia explique qu’elle a délaissé l’humain dans ses œuvres pour se consacrer à la nature et à ses merveilles.
“Les humains sont seulement les participants” explique-t-elle, ils représentent les destinataires de son travail.
À en juger par ma réaction et celle des visiteurs qui étaient là en même temps que moi, les humains sont amusés, ravis, captivés, émerveillés même!
Tout le monde en ressort avec “un supplément d’âme”. Pour une artiste, que demander de mieux!
Avec Anastasia, c’est l’enfance de l’art. Encore faut-il être douée (ce qui est bougrement le cas). Bravo à Anastasia pour son art du “tapis hooké”, aux couleurs chatoyantes.
Vous avez dit : “un supplément d’âme” ? On pourrait dire aussi une onde de bonheur.