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Hors de nos grands centres  – comme Halifax, Saint-Jean de Terre-Neuve, Charlottetown, Moncton ou Fredericton, on ne trouve pas beaucoup de galeries d’art et de lieux d’exposition à travers notre région, surtout pas en milieu rural. Il y a bien, ici et là  quelques studios et galeries, mais ce n’est pas suffisant, pourrait-on penser, pour organiser un évènement d’envergure, comme une biennale d’art contemporain. Erreur!

(Photo ci-dessus: Crédit photo: Biennale de Bonavista. Œuvre de l’artiste sino-canadien Don Kwan)

Euréka

C’est en 2015 que l’idée de lancer un évènement artistique sur la péninsule de Bonavista est née dans l’esprit de Catherine Beaudette. Artiste québéco-terre-neuvienne, imprégnée des lieux qui nourrissent son processus créatif, elle souhaitait intégrer Terre-Neuve-et-Labrador – l’environnement et ses gens – en une activité artistique d’envergure.

Le but n’était pas seulement créatif. Il s’agissait aussi de redonner de l’élan à une région rurale saignée à blanc par l’arrêt de la pêche à la morue, en 1992.

Après 2 ans de préparation , cette vision – à la fois artistique et sociale – donnait naissance à la toute première Biennale d’art contemporain de Bonavista. La première édition eut lieu en août 2017, appuyée par divers regroupements artistiques du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador.

Cette année, on en est donc à la 4ème édition. Cette fois, on a innové en incorporant des performances scéniques en plein air. On a aussi installé des œuvres ludiques, comme ces énormes hameçons de l’artiste Couzyn Von Heuvelen, du Nunavut qui pendent à flanc de falaise.

Des hôtes de choix

Le thème de la Biennale 2023 était “hôte”. C’est un mot particulier, tant en français qu’en anglais, puisqu’il signifie à la fois  “celui qui donne ou qui reçoit l’hospitalité”. Double sens qui se prête bien à une exploration des points de rencontres entre les peuples et de leur interaction avec la nature.

Comme à Terre-Neuve-et-Labrador et au Canada on s’interroge beaucoup sur les relations avec les peuples autochtones, le thème de la Biennale prenait tout son sens. Et faisait une large part aux artistes des Premières Nations.

23 artistes venus d’un peu partout ont été sélectionnés. Certains ont amené avec eux des œuvres monumentales. Cette sculpture de l’artiste Billy Gauthier, Inuk du Nunatsiavut au Labrador, a été réalisée dans un crâne de baleine.

Comment ça marche

Mais où mettre tout ce beau monde? Dans un magasin à sel, dans une ardoisière abandonnée, dans une vieille école, dans un entrepôt, dans une cour, bref un peu partout.

À gauche, installation de l’artiste québéco-terre-neuvienne Cynthia Renard.

En tout dix communautés, 20 œuvres distinctes et 165 kilomètres de route pour tout voir! Pas étonnant que la Biennale dure un mois, de la mi-août à la mi-septembre.

Pour ma part en deux jours, j’ai réussi à en voir 12.

Mes coups de cœur

La courtepointe “Bison” de Wally Dion, artiste autochtone de la Saskatchewan

L’œuvre de l’artiste Jake Chakasim, de la nation Crie d’Ontario, évocation d’un chafaud pour sécher la morue, beau de jour, spectaculaire de nuit!

 

L’installation de Shelley Niro, artiste Mohawk, qui se sert des couvertures traditionnelles de la Compagnie de la Baie d’Hudson, symbole de la traite des fourrures, pour exprimer la relation difficile entre colonisateurs et autochtones.

Et bien entendu, les créations textiles jubilatoires d’Anastasia Tiller, artiste terre-neuvienne et francophone. Elle fera bientôt l’objet d’un article à part entière, car elle est aussi irrésistible que son art!

Un souffle nouveau

J’étais là durant les derniers jours de la Biennale et il y avait encore beaucoup de visiteurs, des gens de la province mais aussi des Européens, des Américains. Je n’étais donc pas surprise d’apprendre que l’évènement 2023 avait attiré 15 000 visiteurs dans la péninsule en 1 mois!

Et vu l’envergure de l’évènement et la distance entre les lieux d’exposition, il y a fort à parier que tout le monde est resté plus d’une journée.

Si Bonavista a déjà son lot de touristes, Elliston et Port Union aussi, les visiteurs de la Biennale ont dû pousser dans des endroits beaucoup plus isolés, par exemple jusqu’à Keels et son ardoisière pour voir l’œuvre étonnante de SK Maston.

La longue route jusque-là passe par de ravissants villages comme Duntara et King’s Cove où s’arrêter, ou bien décider de revenir en vacances (j’en rêve!). Autant de façon de présenter la péninsule.

Le côté humain

Dernier détail qui a son importance: la rencontre avec des gens du lieu puisque dans chaque site – usine de poisson, entrepôt, magasin, école etc – il y a toujours quelqu’un pour accueillir le visiteur et expliquer l’œuvre.

Ici par exemple, Betty Fitzgerald, ancienne mairesse de Bonavista, m’a expliqué avec grande fierté, et par A+B, le processus créatif et les détails entourant la courtepointe Bison. Voilà qui fait toute la différence.

Et que dire de la nature!

Ajoutez à cela la beauté des paysages, l’air du large, les macareux, les aigles, le scintillement des vagues, le bruit du ressac sur les galets.

En revenant de Keels, je me disais que j’avais vu des choses incroyables à la Biennale. C’est alors que Dame Nature, sans doute désireuse de participer, elle aussi, à l’évènement, m’offrit le plus beau des tableaux.

Franchement, que demander de plus?

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

4 Comments

  • Leroux Jacky dit :

    Bonjour Françoise,

    Moi même exposant, mais en photographie à Nantes, j’ai pu apprécier ce qui se fait loin de chez moi. merci pour ces beaux textes et images. Dès réception des courriels de l’Heure de l’Est, je “dévore” toujours leurs contenus. Cdt

  • Gilou dit :

    Le fauteuil d’Anastasia est ravissant et l’arc-en-ciel époustouflant !
    Merci à Françoise de nous avoir entraîné sur les beaux chemins de l’art contemporain. Belle aventure artistique que cette biennale de Bonavista.
    1.500 visiteurs lors de la 1ère édition en 2017, vous avez dit 15.000 pour cette année, jolie progression !

    • Françoise Enguehard dit :

      Merci! C’est un plaisir de participer à un tel évènement. Il y a non seulement l’art, mais une vision et une dimension humaine qui rend le tout irrésistible.

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