Avant de rencontrer l’artiste Claude Bourque, des Îles de la Madeleine, je n’avais jamais entendu le mot “dinandier” et savais encore moins ce qu’il voulait dire. Habitué au regard perdu des gens qu’il rencontre pour la première fois et à qui il mentionne sa profession, Claude explique gentiment: “La dinanderie, c’est le travail du cuivre”. Il paraît qu’il faut apprendre un mot nouveau tous les jours, c’est fait!
Les dinandiers ne courent pas les rues, j’en suis certaine, sinon ça se saurait. Mais Claude Bourque est un habitué des médiums inusités: après des études en beaux-arts à l’université de Moncton (spécialisation en céramique et gravure), il rentre aux îles et commence à travailler le sable pour une entreprise locale qui produit des objets d’art, principalement pour le marché touristique.
Il y reste 27 ans, avant de suivre une formation en dinanderie pour se lancer – les îles, le vent, la navigation aidant – dans la réalisation de girouettes. Logique!
Inspiration maritime
En fait, Claude Bourque est inspiré continuellement par son environnement immédiat. D’abord le sable, puis les girouettes et voilà qu’à force de ramasser sur les grèves et plages de ses îles des os de mammifères marins, il commence, petit à petit, à les incorporer dans ses œuvres en cuivre. Naissent alors d’autres animaux familiers des lieux, harfangs des neige ou poisson, ou encore des animaux sortis d’un imaginaire fantastique, autant d’évocations puissantes de l’écosystème magique qui l’entoure.
Sculpture et dépeçage
De cette fusion entre le cuivre et l’os naît alors une formidable passion pour ces géants de l’océan, une curiosité nourrie par une rencontre importante avec Pierre-Henri Fontaine, biologiste marin, spécialiste du dépeçage et du squelette des cétacés et qui amène Claude, un peu comme Jonas, dans le ventre d’une baleine.
“C’est comme ça que j’ai appris à les aimer, à les comprendre. Ce sont des mammifères comme nous: colonne vertébrale, cage thoracique, radius, cubitus, ils font de l’arthrose et de l’arthrite, comme nous.” Pour Claude, nous sommes issus de la même matrice, la mer, et avons simplement évolué différemment.
Parallèlement à la création artistique qui l’anime, le voici donc de tous les dépeçages de mammifères qui viennent mourir sur les côtes des îles de la Madeleine; il participe à remonter des squelettes de rorqual ou de cachalot (dont celui en montre au Musée de la Mer), tout cela dans le but de favoriser une meilleure compréhension de ces animaux.
Espèces menacées
Aujourd’hui sur la côte Est du Canada et surtout dans le Golfe du Saint-Laurent, les baleines connaissent de graves difficultés et leur survie dépend de mesures de protection draconiennes qui entravent l’industrie de la pêche et frustrent les pêcheurs de crabes, entre autres. “Il faut en parler,” explique-t-il, “moi je n’ai pas de solutions magiques, j’offre mon point de vue d’artiste pour qu’on en discute.” C’est ainsi que dans l’aéroport des îles trône une de ses sculptures “Baignade interdite” qui évoque la menace qu’exerce la pollution sur les mammifères marins.
Souffle artistique
Ce qui est formidable chez Claude Bourque, c’est sa curiosité et l’amplitude de sa création. Les os de baleines et le cuivre donnent un souffle remarquable à toutes ses œuvres, un souffle artistique mais aussi un souffle tout court: avec deux autres amis, il crée (décidément c’est le jour des découvertes!) l’Ossuaire – l’orgue à feu. Vous ne savez pas ce que c’est qu’un orgue à feu? et bien, moi non plus je ne le savais pas… Je suis allée me renseigner et j’ai découvert que c’est un très ancien instrument où le feu sert à extraire des sons de tuyaux. Jugez plutôt.
Qu’on se le dise
Claude Bourque est un artiste à part entière qui vit uniquement de son art. Modeste, il ne me dira pas durant notre conversation qu’en 2017 il a gagné le prix du Conseil des arts et des lettres du Québec pour l’oeuvre artistique de l’année aux Îles de la Madeleine. Ses œuvres sont disponibles pour la plupart aux îles de la Madeleine et dans quelques galeries à Québec. Son rêve: exposer ses grandes pièces dans des galeries ou des musées en dehors des Îles et continuer à créer.
Enfin, fort de toutes ses expériences, Claude Bourque donne des conférences sur les baleines là où on veut bien l’inviter. Verve, enthousiasme, passion et savoir sont au rendez-vous, je vous le garantis.