En 1917, la ville d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, est au centre de l’effort de guerre visant à approvisionner les alliés en armes, munitions et explosifs. Protégé la nuit par des filets sous-marins qui empêchent les U-Boats allemands de s’y glisser, le port abrite les convois qui affrontent l’Atlantique pour aller ravitailler les soldats. Profitant de cette manne économique, à l’abri des sous-marins allemands, les 65 000 résidents, marins et militaires qui animent la ville pensent n’avoir rien à craindre de la guerre… jusqu’au 6 décembre de cette année-là.
Une effervescence à haut risque
Halifax est une plaque tournante prospère: des millions de tonnes de marchandises arrivent par voie terrestre et maritime pour être chargées sur les navires qui s’organisent en convoi pour rallier l’Europe. Sur les quais de la zone nord de la ville, l’activité est incessante tandis que tout au bout du port, le vaste bassin de Bedford abrite les navires avant leur appareillage. Dans la zone nord se trouvent aussi les bases de La Marine royale canadienne et de la Marine royale britannique.
Le trafic portuaire est tel que le Capitaine de Port s’en inquiète ouvertement, mais l’heure n’est pas à la prudence tant il est urgent de mettre fin aux combats. Le matin du 6 décembre 1917, un navire belge, le Imo, s’engage dans la partie étroite du port pour gagner la haute mer, tandis qu’un navire français, le Mont-Blanc, s’engage en sens inverse pour rallier un convoi en partance pour l’Europe. Dans le désordre ambiant, le Imo percute le Mont-Blanc sur lequel un incendie éclate. Ce qui pourrait être une simple collision, va bientôt tourner au drame.
Une cargaison détonante
Le Mont-Blanc, un vieux navire bien mal manœuvrable, transporte un chargement pour le moins explosif: 62 tonnes de dynamite, 246 tonnes de benzol, 250 tonnes de TNT et 2366 tonnes d’acide picrique.
Quelques minutes après la collision et le début de l’incendie, le navire, abandonné par son équipage, se met à dériver vers le quai 6, situé dans le quartier Richmond, une zone ouvrière très peuplée, remplie de résidences, de magasins, d’une usine de sucre et du Collège militaire royal du Canada. Durant environ 20 minutes, le feu se propage attirant les curieux sur le quai.
L’explosion d’Halifax : une explosion sans précédent
À 9h 04 min 35 s, c’est l’explosion. L’onde de choc est telle qu’elle provoque un tsunami sur les rives de Dartmouth et Halifax. Le choc fait voler en éclats des fenêtres à Truro, situé à quelque 100 km de là, et le choc est ressenti jusqu’à l’Île-du-Prince-Édouard. L’explosion d’Halifax est la plus grosse explosion causée par l’Homme avant celle de la bombe atomique à Hiroshima.
Plus de 2,5 km2 de Richmond sont complètement rasés, soit par l’explosion, le tsunami, ou les incendies causés par les lanternes, les fours et les fournaises allumés sur lesquels s’effondrent les bâtiments.
2 000 personnes meurent sur le coup, 9 000 autres sont horriblement blessées et mutilées et 25 000 personnes (soit la moitié des résidents permanents d’Halifax) se retrouvent sans abri. Dans son livre “Curse of the Narrows”, l’auteure Laura Mac Donald, décrit ainsi la scène d’apocalypse:
« Le souffle de l’explosion s’engouffre dans les rues étroites, renversant les bâtiments et enfonçant portes, fenêtres, murs et cheminées avant de ralentir pour atteindre 1216 km à l’heure, soit 5 km de moins que la vitesse du son. Le choc écrase les organes internes, fait exploser les poumons et les tympans de ceux qui se trouvent près du bateau, dont la majorité meurt sur le coup. Ceux qui restent sont soulevés et projetés à une vitesse mortelle contre des arbres, des murs, des lampadaires. Des planchers défoncés s’amoncellent dans les sous-sols, piégeant des familles entières sous des tas de bois, de poutres, de meubles. Le danger est encore plus grand pour les maisons situées près du port, puisqu’une boule de feu, invisible à la lumière du jour, est projetée dans une zone de 2 à 6 km en périphérie du Mont-Blanc.Les demeures de Richmond prennent feu comme si elles étaient entièrement faites de petit bois. Dans celles ayant résisté à la première vague de choc, les fenêtres se tendent à leur pleine capacité jusqu’à ce que la vitre cède, créant une pluie d’éclats acérés qui traverse les rideaux, le papier peint et les murs. La vitre n’épargne personne. Certains sont décapités sur place, tandis que d’autres ne sont sauvés que par la chute d’un lit ou d’une étagère… D’autres encore, qui avaient les yeux rivés sur l’incendie, se rendent compte quelques secondes plus tard qu’ils ont perdu la vue. »
La reconstruction après l’explosion d’Halifax
Aujourd’hui, rien ne subsiste de l’explosion d’Halifax, cette catastrophe sans précédent, si ce n’est dans un des quartiers les plus agréables de la ville: le quartier Hydrostone.
Au premier abord, c’est un petit quartier comme les autres, avec boutiques, petits restaurants et beaucoup de verdure. On y trouve même l’amie de l’Heure de l’Est, l’Alliance Française de Halifax.
Mais, en y regardant de plus près, on trouve d’intrigantes différences.Le quartier est dessiné au carré, toutes les maisons sont en dur, au lieu de petites rues on trouve des boulevards avec au centre de chacun des parcs verdoyants et, derrière les maisons, se trouvent des allées de service pour le ramassage des poubelles, le stationnement et les lignes électriques de façon à ce que rien n’entrave l’accès principal aux résidences.
Le quartier date de 1920, il a été conçu et construit principalement par des architectes et équipes bénévoles venues de Boston pour prêter mains fortes à la ville d’Halifax dans sa reconstruction.
Ce qui ressemble à de la pierre est en fait des blocs de ciments enduits de pierre pulvérisée, un matériau à l’épreuve du feu, tandis que la disposition du quartier repose sur des principes modernes d’urbanisme et combine espaces verts et larges boulevards facilitant la circulation (surtout en cas d’urgence).
Le quartier à la mode
Mis à part le monument souvenir érigé dans le parc voisin, rien dans le quartier Hydrostone (aujourd’hui un des rares lieux historiques urbains au Canada), ne laisse supposer sa tragique origine liée à l’explosion d’Halifax. C’est, au contraire, un lieu charmant qu’on arpente en faisant du lèche-vitrine, avant de s’asseoir dehors pour prendre un café ou un casse-croûte.
L’Heure de l’Est vous recommande vivement d’aller le découvrir. En attendant, visionnez le court documentaire ci-dessous, préparé par Radio-Canada à l’occasion du centenaire de l’explosion de Halifax en décembre 2017.
Pour info, sachez qu’en ce 102ème anniversaire de l’explosion d’Halifax la dernière survivante de l’événement (que l’on voit dans le documentaire ci-dessous) n’est plus.
Ma grand-mère paternelle, Ann-Margaret Sullivan (Boulay) était une des survivantes de l’explosion d’Halifax. Elle avait 9 ans à l’époque. Elle a perdu ses parents et tous ses frères et soeurs dans l’explosion, elle était la seule survivante de sa famille. Elle témoigne même dans un reportage de Radio-Canada de 1987 au sujet de l’explosion. Elle nous racontait souvent cet événement. Elle est décédée le 20 juin 2001 à près de 93 ans.
Elle s’est mariée avec le Dr Romaric Boulay et ils ont demeuré à Kedgwick au Nouveau-Brunswick et elle a eu 10 enfants.