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Sur la Côte d’Argyle, à l’île-du-Prince-Édouard, face au détroit de Northumberland, à deux pas de la mer, se trouve un endroit nommé Canoe Cove.

Dans cette communauté agricole où les champs descendent doucement jusqu’au rivage, est établie une nouvelle famille d’apiculteurs.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est venue de loin pour reprendre, avec brio, l’entreprise de production de miel Canoe Cove Honey et lui donner un coup de jeune.

 

La famille Jauneau

Crédit photo: Daniel Brown (tout comme la photo de couverture)

Laissez-moi vous présenter Jennifer, native de Colombie-Britannique, sur la côte Pacifique du Canada, et son époux Mickael, natif du pays de la Loire, en France. Jeunes mariés, ils décident de faire un long voyage de noces: un an en Nouvelle-Zélande, munis d’un visa tourisme-travail.

Mickael est mécanicien spécialisé dans les engins agricoles, il trouve donc du travail sur une ferme, chez un producteur d’asperges qui est aussi, allez, vous l’avez deviné!, apiculteur.

N’est-ce pas comme ça que commencent les plus belles aventures?

La piqûre des abeilles

Pris de passion pour l’apiculture, Mickael et Jennifer restent en Nouvelle-Zélande et travaillent à la ferme. Comme la saison estivale, là-bas, c’est l’hiver de l’hémisphère nord, ils rentrent en France une fois la saison néo-zélandaise terminée pour chercher un apiculteur susceptible de partager son savoir-faire.

Par ce genre de hasard qui ne s’invente pas, Mickael en trouve un, à deux pas de son lieu natal de Conflans sur Anille, qui lui propose un travail saisonnier, en plus.

Ainsi, pendant trois ans, l’apprenti apiculteur fera deux saisons apicoles par an! Une formation accélérée en somme!

Un déménagement calculé

Reste que la Nouvelle-Zélande est loin de leurs familles. Avec l’arrivée du premier bébé, le couple se met à chercher une entreprise apicole à vendre, idéalement située à mi-chemin entre la famille de Colombie-Britannique et celle de la Sarthe.

C’est bien connu, on trouve tout sur Internet! Même une entreprise apicole à vendre dans un minuscule village de l’Île-du-Prince-Édouard. Mickaël vient inspecter les lieux en mars 2018 et, en juin de cette année-là, la petite famille débarque à l’Île et se met au travail.

Des abeilles et du miel

Le travail d’apiculteur c’est toute l’année que ça dure même si la période intensive se situe de juillet à la mi-septembre et c’est aussi beaucoup plus que la seule production de miel.

Les Jauneau ont aujourd’hui 280 ruches qu’ils groupent en ruchers de 20, ça fait déjà 14 sites différents à superviser. Au début du printemps, il faut contrôler toutes les ruches, faire l’inventaire des abeilles mortes durant l’hiver (c’est inévitable, m’explique-t-on). Chez eux, c’est environ 10% de pertes. Il faut aussi vérifier que les abeilles ont encore assez à manger avant l’arrivée très attendue des pissenlits, égaliser les ruches, bouger les cadres.

La transhumance des abeilles

Quand le printemps est là, les Jauneau, comme les quelque 10 autres apiculteurs de l’Île, louent leurs ruches pour la pollinisation.

Les abeilles s’installent d’abord sur les terres de propriétaires de bleuetières ou de vergers. Un peu plus tard elles iront butiner dans les champs de canneberges. (Pour information, en Nouvelle-Zélande, les abeilles se dévouent dans les champs de carottes et d’oignons et aux États-Unis dans les amandiers.)

Mickael loue ainsi la majorité de ses ruches pour une période de 3 semaines à chaque fois. “On ne pourrait pas survivre sans ça” m’explique-t-il.

Une fois ces voyages d’agrément terminés, les abeilles rentrent au bercail pour produire leur miel.

La production de miel

 

Si tout se passe bien – c’est à dire s’il ne pleut pas trop, car la pluie empêche les abeilles de voler – le premier miel récolté est le miel de bleuet. Ensuite, c’est le miel d’été – miel de trèfle blanc puis miel toutes fleurs. Deux à trois récoltes durant la saison.

En règle générale, une ruche produit 20 kilos de miel par saison, Mickael n’est pas peu fier de me dire que, chez eux, c’est en moyenne le double qu’on récolte. Multipliez par 280 ruches pour avoir une idée de la production totale de l’exploitation des Jauneau.

C’est Mickael qui produit le miel, liquide ou crémeux. Jennifer est en charge de la production des bougies à la cire d’abeille et de quelques produits de beauté comme le baume pour les lèvres et la crème de corps à base de Propolis.

Et encore?

Quand tout cela est fait, c’est loin d’être fini: Mickael Jauneau élève aussi des reines fécondées pour la vente et même des essaims avec reine qu’il vend aux particuliers qui souhaitent acheter une ruche pour leur propriété. Il espère bientôt commencer à vendre des essaims et des reines fécondées aux professionnels qui perdent beaucoup d’abeilles à cause des pesticides, parfois jusqu’à 25%.

Les Jaumeau ont de la chance car il n’y a pas de champs de pommes de terres autour de leurs ruches ce qui les protège de cette hécatombe.

En fin de saison, une fois toutes les activités terminées, il reste le grand nettoyage – laver, frotter, gratter – et la réparation des ruches, des cadres, des hausses, de l’équipement. Ce qu’on appelle la “basse” saison!

Et la vente

Les nouveaux exploitants ont eu à cœur de continuer la tradition établie par les premiers propriétaires: sur le bord de la route, au début du chemin qui mène à leur maison, se trouve un minuscule poste de vente: quelques étagères remplies de pots de miel, de bougies et une boîte en fer fermée dans laquelle mettre l’argent de ses achats. Personne pour vérifier. La confiance règne!

On a un peu de vol, mais c’est pas grave.

Jennifer est aussi présente au marché fermier de Charlotttetown tous les samedis matins et, pandémie aidant, ils ont ouvert un petit magasin à la ferme où ils vendent leurs produits et ceux de certains autres artisans du coin. Canoe Cove Honey vend aussi via internet.

Enfin, on peut s’inscrire pour des tours guidés des ruchers, pour en apprendre plus sur le travail des abeilles et celui de ceux et celles qui les soignent.

Crédit photo: Daniel Brown

Au fait, le couple s’occupe seul de toute l’exploitation, tout cela avec deux enfants en bas âge. Vous comprendrez que je n’ai pas demandé s’ils avaient du temps libre!

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

3 Comments

  • Fleury gerard dit :

    Très intéressant l’exposé sur le miel

  • Céline Tousignant dit :

    Extraordinaire!Tout ce travail fait pour élever les abeilles,avoir leur miel et collaborer au mieux-être des populations
    de ce coin de pays.Vivre en harmonie avec la nature et de façon plus saine pour leur petite famille!Beau projet de vie pour ce
    couple et bonne réussite!!!

  • Lucie LeBouthillier dit :

    Quelle belle histoire! Ce sont les abeilles qui vont sauver le Monde grâce à des jeunes allumés. Bravo Françoise pour nous avoir fait connaître cette formidable aventure. C’est une lumière dans la grisaille de l’époque.

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