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Port-au-Port

La côte vue de Cap Saint-Georges

Quand on pense à la Péninsule de Port-au-Port à l’ouest de l’île de Terre-Neuve, on pense généralement à la pêche à la morue sur ce qu’on appelait autrefois la Côte Française. On pense parfois aussi au berceau de la francophonie terre-neuvienne et aux villages où on parle encore français, contre vents et marées, selon l’expression consacrée.

Il y a pourtant plus que cela dans ce petit coin de Terre-Neuve: on y trouve même un élan d’innovation, doublé de détermination. La preuve par l’exemple.

Un environnement avant tout maritime

Au bord de la mer à Port au Port

Dans ce coin de pays, le regard est presque toujours tourné vers la mer, même si de nos jours ses ressources se font rares, si ce n’est le homard.

La terre, de son côté, n’est pas particulièrement généreuse, beaucoup de cailloux, pas beaucoup de terreau fertile pour les cultures, ni de place entre les zones boisées et les falaises.

Jardinier à Port au Port

Une petite ferme à Cap Saint-Georges

Bien sûr, pour assurer leur subsistance et parce que les Acadiens avaient ça dans le sang, les familles qui s’installèrent dans la région au dix-neuvième siècle, cultivaient tous leurs jardins et élevaient des bêtes. Au fil des années c’est une habitude qui avait à peu près complètement disparue de la péninsule et qui refait surface aujourd’hui, timidement, il faut bien le dire.

Des rêves d’agriculture

jardinier à Port au Port

Dawson dans sa serre – été 2022

Ceci dit, rien ne prédestinait Dawson Greene, du village de La Grand’Terre, à se lancer dans l’agriculture, si ce n’est que ses parents avaient un jardin derrière leur maison.

Dawson, fier francophone derrière son nom de famille anglais, a effectué son parcours scolaire, en français, à l’école Sainte-Anne, littéralement au ras des vagues et des embruns. Mais l’été, alors que ses camarades jouaient au ballon, lui, cultivait des pommes de terre qu’il vendait ensuite sur le bord du chemin pour se faire de l’argent de poche.

Le goût des affaires et des défis

Dawson, vous l’aurez deviné, en plus de son goût pour la culture des légumes, a le goût d’entreprendre! Son diplôme de fin d’études en poches, il prend la direction de Corner Brook et de l’université Memorial pour étudier les affaires. Comme n’importe quel jeune, me direz-vous? Pas vraiment!

jardinier à Port au Port

Des débuts prometteurs

En effet, au moment-même où il part étudier à quelques centaines de kilomètres de chez lui, il fonde, à La Grand’Terre, son entreprise de culture hydroponique “Greene Head Growers“.

Il ne faut pas avoir froid aux yeux, mais il peut compter sur l’aide d’un parent, aussi intrépide que lui, son oncle Timothy Collier.

D’abord monteur de tuyaux, l’oncle a repris ses études pour devenir médecin. Il pratique à Grand Falls, au centre de Terre-Neuve. Séduit par l’idée de son neveu, il saute à deux pieds dans l’aventure et en devient le principal investisseur.

Des débuts à l’huile de coudes

Dawson et Timothy construisent eux-mêmes la première serre avec des coups de mains, durant leurs temps libres, vacances et fins de semaines. Un trajet de près de 10h pour aller et venir depuis Grand Falls, 3 heures depuis Corner Brook. Il faut vouloir!

Cet engagement permet de contrôler les coûts, puisque l’entreprise ne bénéficie au début d’aucun financement gouvernemental.

Le chauffage – pour le moins indispensable – s’effectue avec une fournaise à bois. Là encore, il faut beaucoup d’huile de coudes.

 

Un produit de grande qualité

La serre produit d’abord différentes variétés de salades, Dawson s’essaie aussi aux fraises et même, à quelques reprises, à la culture de cannabis – activité tout à fait légale au Canada.

Jardinier

Les salades

Le travail n’est pas facile, l’hydroponie ça ne s’invente pas et l’apprentissage se fait sur le terrain où toute erreur est coûteuse, à la fois en temps et en argent.

Très vite pourtant, Coleman’s, la chaîne terre-neuvienne de magasins d’alimentation (une entreprise familiale née à Corner Brook) s’intéresse aux salades de Green Head Growers et elle décide de les offrir à la vente dans certains de ses magasins, à travers l’île.

À peine les sacs de salade sont-ils mis sur les étagères qu’ils sont vendues! Il faut dire que la production initiale est modeste: environ 500 têtes de salades par semaine seulement.

La première année, une personne engagée durant l’été aide Dawson dans la serre. À deux, il y a fort à faire.

Voir plus grand

Dawson a de grandes ambitions et, à peine les premières boutures pointent-elles leur nez, qu’il commence à préparer la construction d’une seconde serre.

Cette fois, fort de sa première expérience il peut prétendre aux programmes d’aide gouvernementale à l’agriculture.

Les fournaises

Cette serre, plus grande, nécessitera la mise en service d’une plus grosse fournaise. La construction commencera à l’automne 2023, une fois la production saisonnière terminée.

Savoir jongler avec les tâches

Dawson Greene

 

Étudiant, homme d’affaire, agriculteur et pêcheur à ses heures, Dawson Greene est tout cela à la fois!

Ses études touchent à leur fin. Après ses cours d’été, il lui restera un dernier semestre d’études à finir.

Au mois de décembre 2023, son diplôme d’administration des affaires en poche, il se consacrera à plein temps et exclusivement à son entreprise.

En attendant, au début de la saison, il est tout de même allé pêcher le homard pour se faire un peu d’argent.

Avec une telle détermination et un tel désir de réussite, je parierais qu’on ne manquera pas de salade d’ici tôt!

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la ferme urbaine de Saint-Pierre et Miquelon

Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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