Beaumont-Hamel, dans le nord de la France, 1916. La bataille de la Somme a débuté. Le bataillon royal de Terre-Neuve, en Europe depuis quelques mois, s’engage dans le combat. Les hommes sont vaillants. Avec un brin d’insouciance ils ont traversé l’Atlantique avec la certitude d’être de retour sur leur île pour les fêtes de Noël. On est le 1er juillet 1916, il est 9h30.
L’été est bien installé.
Si on n’était pas en guerre, la plaine serait un champ. Le blé y serait en herbe.
Les hostilités débutent, un premier tir. Puis un déluge de tirs de toutes sortes. Un cataclysme sur la ligne de front. Le bataillon de Terre-Neuve est submergé. Il sera presque intégralement décimé en 30 minutes.
Trente minutes.
Terre-Neuve dans la Première Guerre Mondiale : un engagement méconnu
Lors de cette bataille, à Beaumont-Hamel, sur les 801 soldats présents, seuls 68 répondront à l’appel le lendemain.
Ce fait d’armes tragique était raconté à Saint-Pierre, au musée de l’Arche dans une exposition qui vient tout juste de s’achever. Elle s’intitulait “Les soldats de Terre-Neuve et la Grande Guerre” et relatait l’engagement des terre-neuviens dans la Première Guerre Mondiale.
Un devoir de mémoire pour les Terre-Neuviens et un souhait : faire savoir aux habitants de Saint-Pierre et Miquelon que Terre-Neuve aussi a payé un lourd tribut au moment de la Première Guerre Mondiale.
Terre-Neuve entre dans la guerre avec l’Angleterre
En août 1914, quand l’Empire Britannique déclare la guerre à l’Allemagne, il engage du même coup ses dominions à travers le monde. L’île de Terre-Neuve, qui est l’un de ces dominions à cette époque, est, au même titre que son grand voisin, appelée à combattre sous les couleurs de l’Union Jack.
12 000 jeunes hommes de Terre-Neuve s’enrôleront. À l’époque, outre-Atlantique comme en Europe, on est bien loin d’imaginer l’ampleur que prendra ce conflit qui reste le plus meurtrier de l’histoire.
Le régiment de Terre-Neuve prend d’abord part dans la bataille de Gallipoli en Turquie, à partir de 1915. Au printemps 1916 c’est la bataille de la Somme qui se profile.
Le 1er juillet 1916, bataille de Beaumont-Hamel, le temps s’arrête à Terre-Neuve.
« Tout le monde connaissait au moins une personne tombée à Beaumont-Hamel. L’impact de cette bataille a été énorme pour Terre-Neuve. »
C’est le Terre-Neuvien James Prowse qui parle. Passionné d’histoire militaire, membre réserviste du Régiment de Terre-Neuve, trompettiste au sein de la fanfare du même régiment, il est venu passer une journée au Musée de l’Arche. Bénévole et très bien renseigné, il répond aux questions des visiteurs dans un français parfait.
Il était en visite à Saint-Pierre et Miquelon pour apporter sa voix à cette exposition installée au Musée de l’Arche. Une collaboration entre le Musée de l’Arche et le Royal Newfoundland Regiment Museum, soutenue par le Consul Honoraire de France à Terre-Neuve, M. Gaël Corbineau.
Pour Lauriane Detcheverry, la directrice du Musée de l’Arche, l’exposition a joué son rôle : les visiteurs locaux ont été surpris de voir qu’au sujet de la Grande Guerre aussi nous avions des points communs. ” Ça a permis aux gens d’apprendre, ou de se remémorer que Terre-Neuve n’a pas toujours fait partie du Canada” précise-t-elle.
"Tout le monde connaissait au moins une personne tombée à Beaumont-Hamel. L’impact de cette bataille a été énorme pour Terre-Neuve."
James Prowse, membre réserviste du Régiment Royal de Terre-Neuve et Labrador.
James Prowse explique que, passé le choc et le deuil, les conséquences économiques de ces batailles ont été telles que certains avancent même que la province ne s’en est jamais relevée.
Beaumont-Hamel et l’engagement terre-neuvien, un souvenir à préserver
La bataille de Beaumont-Hamel est le fait d’armes le plus marquant de l’engagement terre-neuvien dans le premier conflit mondial. Pour James, il est important que les Saint-Pierrais et les Miquelonnais qui entretiennent des liens si étroits avec leurs voisins soient informés de cette page d’histoire tragique. Notre proximité géographique et cette région que nous partageons font qu’il faut inclure l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon dans cette démarche de mémoire. Elle concerne aussi sa population.
« Les gens de l’archipel ne connaissent pas trop l’engagement des terre-neuviens, mais c’est normal. On apprend l’histoire de notre propre pays : on n’apprend pas aux français l’histoire du Canada et inversement. À titre personnel, j’ai envie d’apporter ma contribution pour que les gens d’ici soient informés de cette page d’histoire qui les concerne aussi. »
Le 1er juillet : une double date pour Terre-Neuve
Parmi les nombreux visiteurs qui seront en vacances au Canada le 1er juillet, la plupart prendront part aux célébrations de la Fête Nationale.
Si vous faites partie de ceux là et que vous vous trouvez à Terre-Neuve le 1er juillet sachez que depuis 1917 cette journée du 1er juillet est aussi la Journée du Deuil à Terre-Neuve et Labrador. En raison de cette concordance des dates, les deux événements cohabitent.
Le matin est réservé au souvenir, avec des cérémonies et des dépôts de gerbes. James Prowse y prend part chaque année. Trompettiste du régiment, il joue The Last Post qui précède les deux minutes de silence en mémoire des morts des deux guerres. « C’est un moment toujours poignant et solennel. Il faut beaucoup de concentration pour jouer sans se laisser envahir par l’émotion. » avoue-t-il.
Si vous êtes à Saint-Jean à cette occasion n’hésitez pas à vous mêler à la population dans ce moment de recueillement.
Ci-contre, James Prowse, trompettiste, lors d’une cérémonie du Souvenir. Crédit photo : Newfoundland Royal Regiment Museum.
Sur le Sentier du Caribou
En France, à Beaumont-Hamel, le 1er juillet est aussi une date particulière. Les cérémonies se tiennent autour du caribou de bronze érigé dès 1925. Des liens forts existent toujours entre Terre-Neuve et des villages du nord de la France. Ils sont matérialisés par ces caribous de bronze, au nombre de six. Ils forment ce qu’on appelle Le Sentier du Caribou.
Le tout premier caribou a été placé à Beaumont-Hamel, dès juin 1925. Puis Gueudecourt, Monchy-le-Preux, Masnières et Courtrai.
C’est seulement près de 100 plus tard que la boucle a été bouclée avec l’installation du dernier caribou, entre 2021, en Turquie.
Merci pour ce pan d’histoire que je ne connaissais pas et que vous m’avez fait découvrir Patricia!
Merci de votre message, je suis contente de vous avoir appris quelque chose M. Lanteigne.
Merci beaucoup pour cet excellent article Patricia, et merci aussi au Musée de l”Arche et à Lauriane Detchevery et sa collaboration avec le Royal Newfoundland Regiment Museum pour cette magnifique exposition qui permet encore une fois de rapeller aux St Pierrais et Miquelonais que nous partageons non seulement une même géographie, mais aussi une même histoire. Une génération de jeunes Terre-Neuviens est mort pour la France!!
Et quand M. Prowse parle de désastre économique aprés cette guerre, ce désastre a surement contribué à cette immigration de beaucoup de Terre-Neuviens de la Péninsule de Burin à St Pierre et Miquelon qui fait que plus de 50% de la population des iles a des origines Terre-Neuviennes!!.
J’y serai. A bientôt, alors.
Merci pour ce bel article. Nous aurons l’honneur d’accueillir une délégation officielle de Terre-Neuviens le 29 juin dans notre village de Monchy-le-Preux dans le Pas-de-Calais, près de Arras. Nous nous souvenons.