Besoin de relativiser? De mettre votre vie en perspective? Après le phare de Ferryland et son magnifique pique-nique, on ne saurait trop vous conseiller de vous rendre à Mistaken Point, la pointe Mistaken, tout au bout de la Péninsule d’Avalon, sur l’Île de Terre-Neuve. On vous le promet, ça va vous remettre les idées en place!
Méprise et hasard
Contrairement à son nom – Pointe de la Méprise, comme le traduit Le Pilote de Terre-Neuve de 1754 – on n’arrive pas à Mistaken Point par accident. Son nom tient plutôt au fait que les navigateurs ont souvent pris sa pointe pour celle du Cap Race et, tournant à babord en direction de Saint-Jean de Terre-Neuve ou de l’Atlantique Nord , se sont retrouvés sur les brisants.
La découverte de sa richesse géologique remonte aux années 1980 lorsque quelques personnes de l’université Memorial, venues sur le site pour effectuer des relevés, se sont assis pour prendre leur repas de midi et se sont retrouvés nez à nez avec des centaines de fossiles… Les plus grandes découvertes sont souvent le fruit du hasard!
Le Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador s’est aussitôt empressé de déclarer l’endroit “réserve écologique” et, en 2016, consécration suprême, Mistaken Point devient, tout comme le paysage de Grand-Pré, un site du patrimoine mondial de l’UNESCO
Comment se rendre à Mistaken Point ?
Le site se mérite mais il en vaut la peine.
De Saint-Jean, il faut deux heures de voiture sur une petite route pour arriver au tout petit village de Portugal Cove South, où se trouve le centre d’interprétation de Mistaken Point. Il est géré par la province et non par Parcs Canada, comme c’est généralement le cas.
Si les moyens sont moindres, le personnel est très informé et au fait de la géologie et de l’environnement social et naturel du site. Lors de notre visite, la géologue qui nous accompagnait était francophone ce qui a ajouté à notre plaisir!
Avant de partir, c’est indispensable!, il faut réserver. Un site écologique ce n’est pas un parc d’attraction et ça ne se visite pas quand on veut. Téléphonez donc au (709) 438-1100 pour réserver votre place. Il y a deux visites guidées par jour, pas une de plus et personne ne peut se rendre sur le site seul. Par jour, seuls 24 chanceuses et chanceux peuvent se rendre sur la Pointe Mistaken et cela de mai à octobre.
Et puis, il faut aimer marcher: la visite nécessite 6 kilomètres de marche aller-retour, sur un sentier facile d’accès, soit, mais assez long pour les enfants ou pour ceux et celles qui fatiguent vite.
Enfin, sauf vents soufflant en tempête, les visites ont lieu peu importe la météo. Il faut donc s’habiller en conséquence. Lors de notre visite, il faisait grand soleil mais il ventait à écorner les bœufs. L’endroit est aussi très brumeux… On vous aura prévenu!
En payant la visite au Centre d’interprétation, on vous remet une paire de chaussettes et on vous explique qu’il faudra les enfiler avant de pouvoir marcher sur les grandes pierres du site. Les parties exposées qui révèlent des centaines de fossiles se dégradent peu à peu à cause de la fréquentation du site et de l’érosion, bien sûr.
En route
Une fois équipés, vous reprenez votre véhicule et vous suivez le camion du guide jusqu’au début du sentier. N’oubliez ni la crème solaire, ni l’anti-moustique (au cas, peu probable, où il n’y aurait pas de vent!), ni le coupe-vent et c’est parti!
Le long du chemin, les guides vous expliquent la nature environnante et l’activité humaine le long des côtes.
On vous montre des exemples de forêts boréales, en passant dans une anse on vous fait remarquer les graves (les champs de pierre) utilisées par les pêcheurs pour sécher leur morue, on vous explique la végétation “typique d’une toundra, mais sans pergélisol”, explique savamment une de nos guides.
Bref, c’est un parcours charmant et intéressant. Mais le meilleur s’en vient…
À Mistaken Point, 560 millions d’années vous contemplent
Une fois arrivés sur le site proprement dit, tout le monde se déchausse et enfile les chaussettes. Puis, la géologue explique les caractéristiques de l’endroit, son activité géologique etc.
On vous remet une feuille détaillant un peu ce que vous allez voir et c’est parti pour une plongée dans l’histoire ancienne, très ancienne, avant même l’Histoire.
Debout sur les roches, vos chaussettes effleurent des organismes qui ont vécu à l’ère de L’Édiacarien, soit entre 580 à 560 millions d’années! Avouez que ça remet notre vie et celle de notre espèce en perspective.
Mistaken Point c’est le chaînon qui manquait à Darwin et qu’il a tant cherché: le moment charnière entre la plante et le premier animal. Ce qu’on voit ici, ce ne sont pas des plantes car ces organismes ne faisaient pas de photosynthèse et ce ne sont pas des animaux non plus parce qu’ils n’ont pas de système digestif. Ce sont des organismes transitoires
Le vertige!
Et comme si tout cette immensité de temps ne suffisait pas, la géologue explique alors que le rivage sur lequel on se trouve était, il y a 560 millions d’années, le fond de l’océan. Et que l’endroit qu’on foule se trouvait à une telle profondeur que la lumière n’y arrivait pas.
C’est là que vivaient ces étranges créatures en forme de cône, de feuilles, de tiges… que vous distinguez clairement dans la pierre, qui semblent onduler encore aujourd’hui, que vous touchez du doigt et qui vous “parlent” encore.
De quoi “vous virer à l’envers!”, je vous assure.
Fins des explications, on vous laisse alors vous promener à votre aise sur les deux zones dédiées à la visite, comparer votre feuille descriptive à ce que vous voyez, prendre des photos comme bon vous semble.
Ça ne parle pas beaucoup, tout le monde est saisi…
Sur le chemin du retour
Après environ une demie heure sur place, c’est le retour sur le même sentier.
Je vous assure que sur le chemin du retour, ayant pris conscience de l’énormité de ce qu’on a vu, le paysage ne se contemple plus tout à fait de la même manière qu’à l’aller.
Mistaken Point
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Cinq étoiles, Françoise, tu nous donnes grande envie de visiter «Mistaken Point»… Hélas, ton amie nonagénaire n’en reviendrait pas…
Grand merci et bonne continuation!
C’est renversant, il faut aller voir cela une fois dans sa vie. Merci Françoise pour nous avoir déniché ce trésor caché de notre belle region de l’Atlantique.
Remarquable et très original reportage