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De retour de Nouvelle-Écosse où je participais à une conférence sur le patrimoine immatériel et les usages qui peuvent en être faits dans une perspective de développement économique de nos régions, c’est Voltaire qui me revenait en tête quand je quittais l’amphithéâtre de l’Université du Cap Breton, à Sydney.
Du récit initiatique et des malheurs traversés par Candide et sa Cunégonde il m’est resté la phrase finale; elle ne m’a jamais quittée depuis les années de lycée : «  Il faut cultiver notre jardin ». C’est de ça qu’il a été question toute la fin de semaine.
Parmi les nombreux exposés de la conférence, voici trois initiatives de transmission du patrimoine immatériel que j’ai envie de partager avec vous.
Oui c’est vrai quand on dit “patrimoine” et “intangible” ou “immatériel” par dessus le marché, ça sent un peu la naphtaline et, pour beaucoup d’entre nous, c’est plutôt une vague d’ennui qui nous submerge à l’idée de passer une fin de semaine entière à en discuter. Ou même de lire cet article jusqu’au bout !
Une vague d’ennui plutôt qu’un frisson de bonheur, pas vrai ? Et pourtant !

Prendre conscience de notre patrimoine immatériel

Le patrimoine intangible c’est ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes. C’est ce qui compose ce “lot culturel” que nous avons reçu et que nous laisserons à notre tour aux générations prochaines.
  • Quand vous chantez “Amstram-gram” c’est du patrimoine,
  • Quand vous partez cueillir des canneberges ou des platebières et que vous en faites de la confiture à la façon de votre grand-mère, c’est du patrimoine,
  • Quand vous apprenez à danser des danses callées ou du quadrille, vous vous amusez, et c’est du patrimoine.
C’est du patrimoine aussi quand vous montrez à vos enfants comment on joue au pirelle (ou à la marelle, c’est le même jeu) ou comment sauter à l’élastique,
Quand vous participez à la fête des marins, au Quinzou, à la Mi-Carême etc, vous vous recueillez ou vous faites la fête  et vous perpétuez une tradition que vous ne voulez surtout pas voir disparaître. Parce qu’elle est importante pour vous. Parce qu’elle a du sens et qu’elle vous constitue.
Vous voyez : vous “pratiquez du patrimoine” et vous le transmettez sans même y penser. Et c’est donc, chacun de vous, de nous et tout le monde qui a en main ce pouvoir de transmettre ces éléments de notre culture aux générations différentes.
En être conscient  c’est déjà une étape importante.
Dans notre région, la question des ancêtres et de l’héritage est au cœur des débats d’aujourd’hui plus que dans n’importe quel autre coin du monde que je connais.
Il se trouve que ces ancêtres-là avaient dans leurs traditions toute une richesse de musiques, de pratiques sociales, de recettes, de contes, de vocabulaire, des danses etc. Ces éléments sont utilisés et mis au goût du jour, ou pas, dans les nombreux festivals qui émaillent l’année dans la région Atlantique. C’est bon pour le tourisme et c’est très bien.

Chez Deslauriers, à Pomquet, N-É

L’exemple de Pomquet, 900 âmes, est intéressant parce qu’il est à contre-courant.
Chez Deslauriers à Pomquet patrimoine

Chez Deslauriers. Crédit photo : Pomquet Development Society

Pomquet est une toute petite communauté acadienne, située entre Antigonish et Canso. Ça fait des mois que je veux visiter le village mais cette fois encore, je n’y suis pas allée. Pourquoi ? parce l’attraction principale de Pomquet, la maison Deslauriers était fermée.
J’en ai quand même eu un aperçu puisqu’une conférencière, Katie McLeod, a présenté le projet.
Chez Deslauriers est une ancienne ferme, rénovée, où on a installé une scène pour des spectacles. On y a ajouté un tout petit “centre d’interprétation” et un salon de thé que les gens du coin adorent. Le secret ? On y joue de la musique et on y mange des plats traditionnels les vendredis de juillet et août (uniquement).
Un menu est annoncé en début de saison :
Le 8 juillet c’était du pâté acadien,
le 15 du Fricot,
le 22 des haricots au lard etc.
Ça ne désemplit pas. Et cet endroit est plein de “locaux”.
Pourquoi c’était fermé mi-septembre alors qu’on est toujours en été ?
Parce que les gens de Pomquet sont maintenant occupés ailleurs et que le tourisme n’est pas leur préoccupation principale.
Selon Katie McLeod la société de développement de Pomquet a créé Chez Deslauriers pour les gens de la communauté de Pomquet. Pour en faire un lieu de rassemblement, où les habitants apprécient ensemble la musique et la cuisine traditionnelles. C’est un endroit pour que les habitants du village et des environs s’y retrouvent, eux.
À tel point qu’écrire un article vantant les mérites d’un endroit aussi “authentique” (ça y est, le mot est lâché !) ne manquerait pas de donner envie à des visiteurs extérieurs de venir  manger Chez Deslauriers pour apprécier toute cette “acadienneté” 100 % pure laine.
Mais où iraient les locaux si les touristes prenaient toute la place dans leur petit endroit ? … Est-ce qu’un afflux de visiteurs ne dénaturerait pas Chez Deslauriers  ?… Il ne vaut peut-être mieux pas trop en parler alors …

Les Héritiers, un projet de santé culturelle aux Iles-de-la-Madeleine

En tant que natif d’un pays on est héritier d’une culture et de traditions. Nous sommes les experts de notre patrimoine immatériel; plus on est vieux, plus on prend de la valeur !

Les gens du Réseau Traditions Vivantes des Iles-de-la-Madeleine en font une démonstration très convaincante.

Devant le constat que les enfants madelinots d’aujourd’hui n’étaient plus assez en contact avec les traditions culturelles des îles ils ont décidé d’agir pour maintenir ces dernières vivantes et actuelles. Pour éviter  qu’elles ne disparaissent.

Le réseau a formé des animateurs culturels et a mis en place des ateliers dans l’école de Grande-Entrée. Ils ont rassemblé des experts, qui sont tout simplement des aînés volontaires pour passer du temps avec des enfants et ainsi “soutenir la transmission des traditions vivantes“. Grâce à cette initiative les élèves sont, durant le temps scolaire, exposés au patrimoine intangible des îles. Ça va de la construction de château de cartes aux anciennes chansons, contes traditionnels, habitudes culinaires etc.

Le résultat ? Aujourd’hui ces enfants-là savent, entre autres, se faire taper les pieds alors que leurs parents n’ont pas appris ce classique de la culture acadienne !

 

Patrimoine immatériel : les chansons traditionnelles 2.0

Dès qu’on s’intéresse au folklore acadien, on tombe très rapidement sur le Père Anselme Chiasson (1911 – 2004). Prêtre, il est connu pour son travail d’ethnographe et pour être à l’origine de l’Université de Moncton et du Centre d’Études Acadiennes. C’est peu dire que d’affirmer que c’est un personnage central dans l’histoire de l’Acadie moderne.

Parmi les nombreux legs du Père Anselme Chiasson, il y a des centaines d’heures enregistrements de chansons folkloriques qui semblent remonter à la fondation même de l’Acadie. Le travail de Robert Deveaux, folkloriste de Chéticamp, est de ressortir ces enregistrements-là et de les mettre entre les mains de groupes d’aujourd’hui qui sont capables d’en faire des chansons qu’on a plaisir à écouter.

Le groupe Le Vent du Nord, du Québec, reprend ces chansons sorties d’outre-tombe et en fait des arrangements qui vous donnent envie d’écouter en boucle des chansons du 17ème et 18ème siècles !

En voici un exemple :

 

Le groupe de Robert Deveaux,  Les Zorvenants (“les revenants” dit avec l’accent de Chéticamp) a pioché aussi dans les enregistrements d’une folkloriste, elle aussi incontournable, Helen Creighton pour alimenter leurs créations actuelles.

Voici, pour conclure, un avant/après qui en dit long sur le potentiel qui dort dans les archives. On est content que des passionnés travaillent à les exhumer régulièrement !

AVANT :

 

APRÈS

 

 

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Patricia Detcheverry

Après 10 ans en régie publicitaire, je me suis lancée dans l'hôtellerie et j'ai vécu (encore) 10 ans au rythme des saisons touristiques. Freelance depuis 2017 j'allie mon regard de femme de l'Atlantique et mes compétences en communication pour faire connaitre ma région. Ce que j'aime par dessus tout ? Faire découvrir les petits endroits paumés où personne ne va, les petites routes ignorées, les bouts du monde et les gens, toujours les gens !

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