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Sel de mer

Peter Burt & Robin Crane – Crédit photo: Nfld Salt Company

Quand on entend parler du sel de mer produit par la Newfoundland Salt Company, on se dit “mais pourquoi donc, jusqu’ici, n’a-t-on jamais fait de sel à Terre-Neuve?” Jusqu’à ce qu’on considère que Bonavista n’est pas Guérande et que la météo de l’Atlantique Nord se prête mal à l’implantation de marais salant!

Tout un défi

À Terre-Neuve, entre la brume, le crachin, la pluie et le froid, produire du sel de mer en extérieur, c’est mission impossible. Imaginez déjà l’endurance requise pour faire sécher la morue sur les graves (ou les capelans sur les vigneaux en plein été), alors pour produire du sel…

Mais Peter Burt et Robin Crane, deux Terre-Neuviens partis jeunes de chez eux  pour mieux y revenir dans les années 2010, tenaient là une bonne idée et ils n’étaient pas à la veille de baisser les bras. “Qu’à cela ne tienne,” se sont-ils dit, “on le fera à l’intérieur!”

Cuisinier de profession puis chef de cuisine dans le prestigieux restaurant Raymond’s de Saint-Jean, Peter avait déjà eu l’occasion de fabriquer un peu de sel local. Il voulait maintenant voir plus grand.

Un enracinement rural

Sel marin

Newfoundland Salt Company – Bonavista

Pour ce faire, ils ont commencé par s’installer à Bonavista dans un ravissant petit bâtiment rénové qui abrite leur laboratoire et leur petite boutique.

“Pourquoi Bonavista?” demandez-vous? Tout simplement parce que la disponibilité d’un bâtiment rénové selon leurs besoins et au loyer plus qu’abordable les tentait.

Il leur fallait surtout de l’eau de mer de qualité donc, nécessairement pompée loin des grands centres ou de ports très occupés, une eau au plus près de la haute mer.

Une ressource de qualité

Une fois rendu à Bonavista, on fait pleinement face à l’Océan Atlantique, on peut difficilement être plus près de la ressource!

Nos ambitieux producteurs, soucieux de la qualité de leur eau, ont privilégié  l’anse de Spillars Cove, tout près de Bonavista, mais du côté de la Baie de Trinité. Moins de bateaux de pêche, mois de résidents, pas de pollution.

Sel de mer

Spillars Cove – Crédit photo: Newfoundland Salt Company

Été comme hiver, c’est là qu’ils s’approvisionnent. Le plus simplement possible. L’eau de surface est pompée dans des cuves installées à l’arrière de leur camionnette et emmenée dans l’arrière-boutique où se trouve l’atelier.

sel marin

Les cuves

Comptez 25 voyages pour faire les provisions et remplir les deux immenses cuves!

Et il faut de la matière première. Pour référence:

  • 35 000 litres d’eau donnent 1000 kilos de sel.

Et, entre ces dizaines de milliers de litres d’eau de mer et les jolis bocaux alignés sur les étagères, il faut compter environ 2 semaines de production.

Alors justement, comment fait-on, quand on ne peut pas compter sur l’évaporation à l’air libre, pour produire du sel de mer?

Une technique à inventer

Voilà le procédé élaboré, avec beaucoup de gros bon sens, par Peter en utilisant uniquement l’énergie électrique.

Étape #1: 

On vient d’en parler, on va chercher l’eau de mer et on la ramène au laboratoire.

Étape #2:

On transfère l’eau de mer, des cuves jusque dans de grosses chaudières – “les slow pots” qui sont en fait des bacs industriels pour faire de la soupe – et on fait bouillir en ajoutant régulièrement de l’eau pour que la salinité du mélange augmente.

Étape #3:

À un certain moment – je n’ai pas demandé exactement quand, à l’inventeur ses secrets! – le mélange est de nouveau filtré.

Étape #4:

Le mélange filtré est alors placé dans bassins – des séchoirs si vous préférez (fast pots) – où le reste de l’eau s’évapore. Le design est de Peter et les séchoirs ont été confectionnés localement à Bay Bulls.

sel marin

Patience requise!

Sel marin

Vous l’aurez compris, ce procédé prend du temps: il faut compter 6 jours l’été et 8 jours l’hiver rien que pour l’étape #4 du séchoir.

Bien entendu, vu la taille des chaudières et des séchoirs … quand on a fini, on recommence, jusqu’à ce que les cuves soient vides et qu’on reprenne la route de Spillars Cove pour “faire le plein”.

Toutes les étapes terminées, le sel produit est placé dans des paniers qui sont pendus pour la finition.

En bon terre-neuvien débrouillard, c’est Peter qui a “patenté” un système de filins et de poulies qui lui permet de finir de sécher et de trier son sel à l’air.

Et la production?

sel marin

Le sel – crédit photo: L’Heure de l’Est

Quand Peter et Robin ont commencé l’aventure en 2012, ils produisaient environ 5 kilos de sel par semaine; cette année, ils en produisent entre 300 à 400 kilos (comptez plus ou moins 20 semaines de production par année).

  • 20% de ce sel est “le top du top”, le meilleur des cristaux de sel. Ce sont ceux qui sont vendus dans la boutique, un peu partout dans la province et dans le monde entier par correspondance.
  • 60% de la production est du sel de table en gros cristaux. En Amérique du Nord anglophone, on appelle ça du “sel Kosher”. Il est vendu aux boulangeries, pâtisseries, brasseries.
  • les 20% restant, ne peuvent pas être utilisés en alimentation, mais peuvent servir pour saler les rues l’hiver. La compagnie l’offre donc aux pompiers de la région.
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Les trois sels – Crédit photo: L’Heure de l’Est

En plus de produire des cristaux de sel marin de qualité, la Newfoundland Salt Company produit  deux sels de finition aromatisés. Cette tradition, très nord-américaine, célèbre l’endroit où il est produit:

  1. Sel au café – Le café de la brûlerie locale est lyophilisé, réduit en poudre et mélangé aux cristaux de sel.
  2. Sel fumé au genévrier, essence incontournable de la région.

Les trois sels, conditionnés en une seule boîte font un très joli cadeau.

 

Et la vente?

Peter ayant longtemps bourlingué dans les cuisines du pays (et même du monde), il a un bon réseau de contacts. Au début de l’aventure, tous ses amis cuisiniers ont donc reçu des échantillons gratuits, ce qui fait qu’à l’heure actuelle la majorité de sa production part tout droit dans les grands restaurants, de l’Ontario et du Québec principalement.

Cependant, pas besoin d’être Ricardo ou Michael Smith! n’importe qui peut commander en ligne et, depuis le début de la pandémie, c’est ainsi que se vend la vaste majorité de la production. Le reste est disponible dans la charmante boutique, rue Church à Bonavista, et dans certains magasins de la province.

Pas de plastique nulle part: bocaux en verre, étiquette et sacs en papier uniquement. Les emballages sont très design, très simples, comme les propriétaires dont la devise reflète bien leur amour pour ce qu’ils font

“Nous aimons le sel et nous faisons le sel que nous aimons”.

On ne saurait mieux dire!

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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