Les Îles-de-la-Madeleine: les secrets de la réussite

Une vraie aubaine ! Un vol nolisé Saint-Pierre/Les Îles de la Madeleine. Une petite semaine fin septembre, certainement le meilleur moment de l’année pour se rendre « aux îles ». Pas question de manquer ça.

Je vous le confesse (mais il faudra que ça reste entre nous) mais ça fait des années que j’essaie de comprendre les « méthodes » des Îles-de-la-Madeleine, s’il y en a.  Pourquoi est-ce que tout ce qu’ils font est si … réussi ?

Ce qui est incontestable c’est que les Madelinots ont une façon de se tirer collectivement vers le haut. Ça mérite qu’on s’y arrête.

Je les regarde, je les scrute, je les étudie et j’ai bien envie de mettre à profit ces quelques jours pour lever un coin du voile sur leurs mystères; ou au moins réussir à identifier quelques uns des ingrédients qui font la recette de leurs succès.

Après quelques jours de recherche et de discussions, assise à l’une des tables de pique-nique en bois gris du banc de galets de la Grave, je revoyais ma semaine.

À mon dernier coucher de soleil madelinot, devant le ciel rose et parme qui s’assombrissait sur le buttereau des Demoiselles tout s’est mis en place, et j’ai vu apparaître …

Sorties des eaux brillantes du Saint-Laurent, un chapelet d’îles, très fin.

L’avion avait débuté son approche vers les Îles de la Madeleine depuis quelques minutes et petit à petit je voyais l’archipel se dessiner au loin. Une dentelle de sable blanc posée sur l’eau.
Dans le paysage, tout se mélange. La mer, le sable et le ciel.

Au hublot côté nord, le gracile cordon dunaire s’étale. Là où il s’élargit, il devient une île :
L’île aux Loups, Grosse Île et Ile de la Grande Entrée.

Côté sud, je devine à travers le hublot de gauche les falaises de la côte est de l’île du Havre aux Maisons, où nous nous poserons. Plus loin, les grandes îles du Cap aux Meules et du Havre-Aubert. À l’extrémité, tout au bout, comme un index pointé, la bande de sable de Sandy Hook indique la dernière île de l’archipel, l’île d’Entrée, accessible par bateau. 205.5 km² en tout.

Avec mes yeux de 2023, la fragilité extrême de l’archipel prend aux tripes. Impossible d’ignorer la menace des forces qui tiennent ces littoraux en tenaille.

Cette fragilité, même si elle s’accentue, est inhérente à la condition insulaire : tout est sensible pour les petites îles; un rien peut déstabiliser.

On peut avoir peur et se renfermer pour se protéger. Ou, à l’inverse, on peut décider collectivement qu’être des îles un peu difficiles d’accès avec 300 km de plages ça va être un atout.

Qu’on pourrait créer une expérience touristique idéale, finement travaillée, en incluant tout ceux qui le souhaitent, en « cercle touristique vertueux ». On déciderait qu’on se mettrait tous la tête dans la même tuque*.

Aux Îles-de-la-Madeleine ils ont choisi la deuxième solution.

*bonnet

Fin des années 60. La jeunesse occidentale s’habille en pattes d’eph et en chemises à fleurs. Elle a les yeux tournés vers les plages de la Californie, … qui est bien loin du Québec.

Pourtant, beaucoup plus près, dans le Golfe du Saint-Laurent, il y a ces îles que personne ne connait.

Ces petites îles ont des plages aussi belles que celles de la Californie. L’été, il peut y faire presque aussi chaud qu’à L.A.

Petit à petit, des jeunes du continent, en éclaireurs, vont venir passer leurs vacances d’été aux Îles-de-la-Madeleine. Le camping est en plein essor en Europe et en Amérique.

La petite communauté de pêcheurs et agriculteurs visionnaires accueille avec bienveillance ces jeunes québécois venus avec trois fois rien pour quelques semaines … parfois beaucoup plus. Certains ne sont jamais repartis et beaucoup de ces « anciens jeunes » reviennent tous les ans, jusqu’à s’y installer pour y prendre leur retraite.

Dans des archives de Radio Canada datant de 1970 un élu martèle
« Il faut intensifier la pêche et il faut que les îles de la Madeleine implantent le tourisme. »

Cette tendance est rapidement soutenue par la CTMA, la compagnie de transport maritime des Îles-de-la-Madeleine, qui renforce son offre dès 1971 avec un premier roll on / roll off d’une capacité de 300 passagers et 45 voitures. Un point de bascule décisif pour les îles.

Aujourd’hui, 50 ans plus tard, on peut parler d’une industrie touristique mature qui a su prendre tous les virages.

Son défi pour les années à venir sera de maintenir l’âme madelinienne et de ne pas laisser s’installer une tendance qui ferait des Îles-de-la-Madeleine le Martha’s Vineyard du Québec.

Aux Îles-de-la-Madeleine, on compte en moyenne un peu plus de 60 000 touristes par saison estivale  pour 13 211 résidents. Parfois plus. Voilà de quoi occuper beaucoup de monde ! Faites une recherche rapide sur Google et vous verrez des milliers de ressources au sujet du tourisme : sites officiels, média, influenceurs, blogs voyage etc.

Par ailleurs, savez-vous combien de navires se sont élancés vers le large au moment de la 148ème édition de la Mise à l’Eau des Cages à Homard en mai 2023 ? 325 !

À cette mise à l’eau de 2023, il y avait 20 nouveaux capitaines. Vingt jeunes qui ont choisi le métier de pêcheurs et d’emboiter le pas aux générations qui les ont précédés.

Sources : Document « Choisir la mer » de Desjardins Caisse Populaire des Ramées.

Ce premier grand événement de la saison, la Mise à l’Eau (première semaine de mai) est d’abord un événement identitaire propre aux gens des îles puis, par ricochet, un spectacle unique pour les visiteurs.

Je me demandais à quel point l’Acadie serait visible aux Îles-de-la-Madeleine. Réponse : elle est partout, profondément constitutive du territoire, j’aurai l’occasion d’y revenir.

Mettre la jeunesse au centre de la communauté est l’un des piliers de la culture acadienne. Construite sur une tradition orale, l’Acadie subsiste à travers ses traditions, son vocabulaire, ses savoir-faire, la connaissance de son histoire et de sa généalogie.

Pour illustrer ceci, les écoles organisent des tours des îles de la fierté madelinienne, pour que les enfants connaissent et s’approprient leur territoire. C’est simple et efficace.

Et à 4 heures du matin, pour cette fameuse mise à l’eau des cages, les enfants de tous âges sont au quai pour faire partie de la fête.

Aux îles, on sait ouvrir les bras à la jeunesse avec des stratégies innovantes et bien ciblées :

Et si les îles est une initiative de la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine dont on vous a parlé au moment de son lancement et qui perdure avec succès. C’est la stratégie d’attractivité dédiée à la jeunesse, résultat : un solde migratoire positif et des jeunes « du continent » qui viennent s’installer aux Îles. Mission réussie !

Quel est le point commun ces trois entreprises madeliniennes :

Toutes les trois incontournables, elles font partie du parcours obligé des touristes des îles.

Réponse : toutes les trois sont dirigées par la seconde génération. Albert Cummings et Nicole Grégoire ont fondé les Artisans du Sable qui a muté en L’Atelier Côtier. François Turbide a le premier soufflé dans les tubes de la Méduse, sa fille a pris le relais. Eloi Vigneau a fait le pari d’un verger à fleur d’eau, ce sont les deux fils de la famille qui poursuivent l’aventure.

Pour chacune de ces entreprises, ce sont les enfants des fondateurs qui prennent la suite et qui continuent à développer l’entreprise familiale.

On dirait que cet usage du territoire n’a pas de limite. « Voyons, …  on a du sable et des belles plages, on va lancer un concours de château de sable. »

C’est devenu le plus grand concours de château de sable du monde.

Il existe depuis 1987  … en moyenne 15 000 visiteurs et 500 bâtisseurs.

On a de beaux paysages, on va faire le Sentier Entre Vents et Marées qui balisera l’ensemble de l’archipel à la façon du chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Il accueille des centaines de randonneurs depuis 2017.

Allez, je vous laisse méditer sur tout ça … Il y a encore beaucoup à dire sur les Îles-de-la-Madeleine, on s’en reparle !

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