J’aurais aimé être archéologue! Il y a, à mes yeux, quelque chose de fascinant à extraire du sol et des gravats les vestiges d’un quotidien lointain. Comme si les pipes en terre, les tessons de bouteille et les morceaux de poterie, étaient autant de clins d’œil de ceux et celles qui vivaient ici bien avant nous.
On ne le sait pas assez, mais l’Université Memorial, à Terre-Neuve-et-Labrador, est une de seulement deux universités canadiennes qui ont un département d’archéologie à part entière (avec l’université Simon Fraser en Colombie-Britannique). Portés par des chercheurs hors pair, ses programmes attirent la crème de la crème en matière d’études archéologiques.
Une femme de chez nous
C’est donc avec bonheur que je suis allée rencontrer la professeure Catherine Losier dans son laboratoire d’archéologie à Memorial. Comme tous les professeurs que j’ai rencontrés dans ce département au fil des années, il est clair que Catherine fait ce qu’elle aime et elle a l’enthousiasme communicatif.
Née au Labrador québécois dans le village minier de Gagnon (aujourd’hui disparu), élevée à Fermont, une autre communauté minière située juste à côté de Labrador Cité, Catherine est à l’aise dans son rôle, dans sa ville et dans sa province. Diplômée de l’université de Montréal et de l’université Laval, elle est spécialiste des anciennes colonies françaises et a mené des fouilles en Guyane française et en Martinique. Alors, tout naturellement, en arrivant à Memorial, en 2015, c’est vers Saint-Pierre et Miquelon qu’elle s’est tournée.
Archéologie à Saint-Pierre et Miquelon
« Je voulais entreprendre un projet dans la région,» explique-t-elle «et j’avais les yeux depuis un certain temps sur Saint-Pierre et Miquelon.» Le premier Colloque d’histoire de l’archipel, en novembre 2015, allait lui permettre de venir une première fois sur place. Deux ans plus tard, elle y emmenait son équipe pour entreprendre les toutes premières fouilles de l’anse à Bertrand.
Le résultat a été très positif : 7200 artefacts ont été répertoriés durant cette première fouille : d’abord, en surface, des objets du vingtième siècle, tessons de bouteilles, morceaux de faïence et même une dent! Et puis, peu à peu, couche par couche, ont réapparu des objets des dix-neuvième, dix-huitième et même du dix-septième siècles.
Trésors de fouilles
Quand Catherine ouvre les grands tiroirs du laboratoire pour me montrer ces trésors, je suis comme une enfant le jour de Noël: pierres à fusil, pipes en terre (les cigarettes de l’époque) mais aussi morceaux de terre cuite provenant d’Allemagne, de Normandie ou de Saintonge attendent patiemment dans leurs petits sacs en plastique.
Je ne toucherai pas ces objets, mais j’ai au moins le plaisir de pouvoir les voir de très près et c’est émouvant. À l’anse à Bertrand, tout près de ce qui fut longtemps la piste d’atterrissage de l’aéroport de Saint-Pierre, il y a eu, très tôt dans la vie de la colonie, des graves pour la morue, un petit fortin, une chapelle, une vie et ces objets le prouvent.
Et maintenant?
Qu’y-a-t-il d’autre à trouver? C’est la question que la population de Saint-Pierre doit se poser et tout spécialement les gens qui ont grandi à l’anse à Bertrand.
« En 2018, on va ouvrir autour du nerf qu’on a trouvé en 2017, » explique Catherine qui confirme aussi qu’ils ont relevé quelques petites structures – murets et amas de pierre – qui laissent supposer, peut-être, d’autres belles découvertes.
De là à rêver de trouver les vestiges du fortin ou des habitations, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement, mais pas Catherine. Avec son équipe, elle se contentera, cet été encore, de fouiller méthodiquement, scientifiquement, jusqu’à ce que les conclusions surgissent d’elles-mêmes. Comme elle le dit, en bonne archéologue, « un site, ça se fouille une fois et après c’est détruit pour toujours », alors, à l’anse à Bertrand, comme ailleurs, la patience est de mise.