Dans les régions les plus au Nord de notre région, se cache la platebière, un petit fruit sauvage surprenant qui, dans le courant de l’été, fait l’objet de bien des convoitises. Vous n’en avez jamais entendu parler? Pas étonnant, si vous n’êtes pas natif de Terre-Neuve, de la Basse Côte Nord du Labrador, de Saint-Pierre et Miquelon, ou si vous n’avez pas grandi près des tourbières de Lamèque ou Miscou.
Quelques renseignements de base
Il s’agit d’une plante subarctique dont le nom scientifique est Rubus Chamaemorus, ou ronce du petit-mûrier. Dans l’ouvrage “Les parlers français d’Acadie“, Genevière Massignon évoque les noms donnés à cette modeste baie: En 1755, Duhamel du Monceau, la nommait “plat-de-bierre”, dans sa Flore Laurentienne, le Frère Marie-Victorin, écrit “plat-de-bièvre” (le bièvre, c’est un castor).
Aux îles de la Madeleine et en Acadie, Geneviève Massignon relève “plaquebières”, “platebières” à Saint-Pierre et Miquelon et au Québec “chicoutée” (on écrit aussi chicoutai), mot montagnais signifiant “feu”, sans doute à cause de la couleur rouge du fruit lorsqu’il n’est pas mûr. Les Anglais, on ne sait pas trop pourquoi, l’appellent “Bakeapple” et ailleurs, “Clouberry”.
Grâce à l’Heure de l’Est vous voici incollable sur ce fruit que j’ai toujours connu sous le nom de platebière.
On la trouve où?
Soyons clair: la platebière se mérite! On la trouve dans les tourbières des régions nordiques (en passant, on la trouve aussi en Finlande, en Suède et en Norvège) et, pour compliquer davantage la tâche, chaque plante ne donne qu’un fruit. Un seul!
Il faut donc arpenter les plaines, enfonçant ses bottes dans la mousse (le plus souvent gorgée d’eau) et ramasser les fruits un à un, tout cela accompagné par des nuées de mouches noires, moustiques, maragouins et taons. Un supplice, si vous voulez mon avis. J’en garde des souvenirs douloureux.
Heureusement qu’il y a ce qu’on appelle, à Saint-Pierre et Miquelon, des “graîneurs” acharnés pour qui ce genre de cueillette relève du sport de haut niveau, comme c’était le cas de ma mère et de ma grand-mère. Pour ces braves, la saison des cueillettes commence par les fraises sauvages, se poursuit avec la platebière et les bleuets et se termine avec “les graines” (atocas, grisettes, pommes de pré etc.).
Pour certains, l’amour de la cueillette et de la platebière en particulier, s’exprime même artistiquement, comme le prouve ce tableau d’une graîneuse de stature internationale.
La platebière n’est pas commercialisée, mis à part dans les pays nordiques où on en fait une liqueur, le Lakka, et par IKEA qui en fait une confiture (rien à voir avec la mienne!), qui dépanne quand on a le mal du pays. Mon frère qui vit à Toronto vous le confirmera.
Qu’est-ce qu’on en fait?
Si beaucoup de gens ne rechignent pas à prendre d’assaut les plaines de mousse à la recherche de platebières, c’est que le fruit est très prisé et fait d’incomparables confitures. Certaines personnes ramassent “pour vendre”, mais la majorité des gens gardent jalousement leurs cueuillettes durement gagnées!
Ceci étant, je dois vous dire clairement que la platebière c’est un peu comme le fromage de chèvre ou l’andouille: on aime ou on n’aime pas… du tout! Je connais bien des gens qui en ont goûté une fois et juré “plus jamais ça!”. Le goût est particulier, aigre-doux et très inusité.
On peut aussi déguster la platebière juste cueillie avec un peu de sucre; mon père y ajoutait un peu de vin. Elle se congèle aussi très bien car elle ne se défait pas en dégelant comme la fraise ou la framboise. En fait, dans notre famille, on en a longtemps mangé au repas de Noël en guise de salade de fruits. La confiture fait des merveilles sur le dessus d’un gâteau au fromage.
Pourquoi parler de la platebière maintenant? En plein hiver?
Parce qu’un des grands plaisirs de la saison hivernale, c’est bien de prendre un pot de confiture, de l’ouvrir et de retrouver l’été, la chaleur du soleil, la douceur de l’air…
Allez, pour vous donner encore plus envie, on vous offre une recette de “buns”, celle de “Les P’tits plats dans les grands. L’art de la table à Saint-Pierre et Miquelon“. Le Bun c’est le support par excellence pour la confiture. avec un coup de thé, bien entendu.
Buns de tante Raymonde
Ingrédients: 1 3/4 tasse de farine – 1 pincée de sel – 3 c. à café de poudre à pâte (Baking Powder) – 1/4 tasse de beurre – 3/4 tasse de lait – 1 oeuf battu.
La marche à suivre: Tamiser la farine, le sel, la poudre à pâte, ajouter le beurre et mélanger grossièrement – Faire un creux au milieu et verser le lait et l’oeuf d’un seul coup – Mélanger avec les mains et former une boule. Attention de ne pas trop pétrir – Aplatir avec la paume de la main jusqu’à une épaisseur de 1cm environ – Découper avec un emporte-pièces ou, à défaut, un verre – Cuire à four chaud (350 degrés F, 180 C ou Th 5) jusqu’à ce que les buns soient dorés mais pas trop cuits, 10 minutes environ.
Variantes: On peut ajouter 2 c. à soupe de sucre aux ingrédients secs, ou 1/4 tasse de raisins secs. On peut aussi dorer les buns à l’oeuf avant de les enfourner pour qu’ils prennent une belle couleur.
Versez-vous une tasse de thé, ouvrez le pot de confiture, prenez un bun et… bon appétit!
Permettez que j’apporte une correction à l’orthographe Platebière qui s’écrit plutôt Plaquebière.
Sur la Côte nord du Québec on identifie ce fruit par le mot Chicoutai.
Dans d,autres régions nordiques on retrouve des synonymes tels Ronce des tourbières, Ronce faux-mûrier,…’
Si vous lisez soigneusement l’article vous verrez que je mentionne diverses orthographes pour ce fruit qui se nomme et s’écrit bel et bien “platebières” à Saint-Pierre et Miquelon.
C’est une vraie épopée pour ramasser ce fruit ..alors une bonne confiture de platebière sur un bun de tante Raymonde c’est bien mérité.. un fruit que je découvre sur cette île magnifique …merci.. Tata bisou.
Comme toujours un article parfumé, imagé et porteur des terres lointaines que la métropole ne peut pas mesurer et apprécier. Une belle vie à tous et à toutes
Commentaire un peu en retard, je découvre l’article que quelqu’un a partagé.
Si chaque pied donnait un fruit ce serait formidable. Mais ce qu’il faut savoir c’est que les fleurs mâles et les fleurs femelles poussent sur des pieds séparés (ce qui est peu commun dans la famille des Rosacées). Par conséquent, dans le meilleurs de cas, la moitié des pieds donnent un fruit.
Et c’est bien pour cela que je laisse le plaisir de les ramasser aux autres… une petite corvée car il y en a peu dans des terrains difficiles d’accès. J’y suis allée une fois. Très fière d’avoir bravé les tourbières, je suis revenue avec un bon bol de graines. Contente de pouvoir faire de la bonne confiture, je l’ai complètement ratée car trop cuite, elle avait perdu tout son goût. Depuis cela je préfère en acheter toute faite…
Les plaquebieres sont elles commencé ? Nous sommes le 29 juillet 2019. Je suis de l exterieur j habite sept iles depuis mars 2018.
merci
la réponse est oui pour Saint-Pierre et Miquelon. Elle sont un peu en retard cette année. C’est possible que ce soit aussi le cas à Terre-Neuve.
Cueillir des platebières, une corvée et un plaisir …Heureux lorsque on rempli son seau !!! le dos n’apprécie pas !!!!