Dans la région de l’Heure de l’Est, les micros-brasseries ont la côte. Il y en a un peu partout, de Caraquet à Bonavista, de Edmundston à Étang du Nord. Et, au circuit sans cesse croissant de la bière artisanale en Atlantique, il faut maintenant ajouter Miquelon et la Brasserie artisanale de l’Anse.
Une passion
Gwenaël Michel, originaire de Miquelon, et sa conjointe, Laura Bertrand, venue de France, prouvent qu’un simple passe-temps peut mener loin: en 2017, après des années à brasser de la bière pour leur consommation personnelle et pour régaler leurs amis, le couple a décidé de se lancer dans la fabrication et la commercialisation de bière artisanale. Cette fois, ce sont les amateurs de tout l’archipel qu’ils régalent, en plus des touristes et des visiteurs.
Comme tant de jeunes que l’Heure de l’Est rencontre aux quatre coins de la région, Gwenaël et Laura veulent créer quelque chose de nouveau et d’innovant, chez eux, là où ils ont choisi de vivre, de travailler et de fonder une famille. Dans leurs cas, il s’agit du village de Miquelon, 700 âmes, seul endroit de l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon qui dispose d’un petit secteur agro-alimentaire (on aura l’occasion d’en reparler!). Laura brasse à plein temps et Gwenaël aide à temps partiel puisqu’il a choisi de garder son emploi, pour l’instant.
Beaucoup de débrouillardise
Si la brasserie artisanale de l’Anse est encore de taille très modeste, ses propriétaires ne manquent ni de vision, ni de projets et encore moins de débrouillardise – élément essentiel pour réussir quand on travaille seul et loin des grands centres. C’est ainsi que certaines de leurs cuves étaient à l’origine des cuves à lait et que, faute d’une étiqueteuse automatique, Gwenaël en a bidouillé une (voir photo de droite) qui, Laura le souligne fièrement, lui permet d’étiqueter 300 bouteilles à l’heure.
Pour l’instant, la brasserie produit par mois environ 1500 litres de bière Miqu’Ale, c’est le nom de leur gamme de bières traditionnelle; il y a la blonde, la rousse et, la toute dernière née, la blanche. D’autres suivront. Les propriétaires souhaitent ensuite passer à la production d’une gamme éphémère dont les bières prendront des noms locaux “pour mettre en valeur la biodiversité de l’archipel”, et possiblement à des bières aromatisées avec des fruits sauvages. On ne m’en dira pas plus…
Une vision
Soucieux de leur empreinte écologique, Gwenaël et Laura souhaitent aussi produire de la bière en fût, ce qui leur permettrait d’approvisionner les bars de l’archipel et de fournir leurs produits aux divers évènements festifs des îles (DuneFest, Rock & Rhum, par exemple) de façon pratique et écologiquement responsable. C’est ainsi que j’apprends, à ma grande surprise, qu’aucun bar de l’archipel n’offre de bière pression. Logique quand on considère les coûts de transports pour amener les fûts à Saint-Pierre et Miquelon pour ensuite les renvoyer vides! Mais avec une bière locale… pourquoi pas?
Pour l’instant, la brasserie est située dans le sous-sol de leur grande maison de l’Anse. Il faut déjà agrandir pour installer des cuves supplémentaires de façon à augmenter la production. “On peine à fournir le marché local” explique Laura qui reconnaît que c’est là un problème, si on peut dire, “positif”.
À plus long terme, Laura rêve aussi d’une brasserie plus grande avec un coin de dégustation et de réception car les touristes demandent souvent à “visiter” quand ils apprennent qu’il existe une micro-brasserie à Miquelon.
Enfin, même s’il est impensable d’espérer cultiver de l’orge à Miquelon, Gwenaël et Laura s’essaient, cet été, à la culture du houblon. Comme on l’utilise en très petite quantité dans l’élaboration de la bière, 500 à 600 grammes de houblon pour 100 à 150 kilos d’orge (et oui!, on en apprend des choses à l’Heure de l’Est), ils espèrent bien, très vite, utiliser du houblon local dans leurs bières, ce qui serait véritablement une innovation remarquable.
Saisir le potentiel
Remarquée par les instances gouvernementales, la Brasserie de l’Anse a gagné plusieurs concours d’innovation et reçu une aide financière appréciable. Seule micro-brasserie de l’archipel, elle se trouve aussi dans une situation de commercialisation idéale avec des consommateurs conquis d’avance. On ne peut donc que souhaiter que leurs plans se réalisent comme ils le souhaitent et que la Brasserie artisanale de l’Anse prenne toute la place qu’elle mérite.