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caves à légumes

En entrant dans le charmant village côtier de Elliston, à 8 kilomètres à peine de Bonavista, au sein d’un tout nouveau Géoparc de l’UNESCO, on ne peut manquer de remarquer les affiches annonçant fièrement qu’on entre dans la capitale mondiale des caves à légumes! Un titre dont nous ignorions tout, bien à tort, vous allez le voir.

Celliers, caves ou caveaux

Naturellement, le principe de la cave à légumes – on dit aussi caveau, cellier – est répandu dans notre région. Enfant, j’en ai connu deux: un chez Louise et Eugène Olivier, fermiers à Langlade et un second, à la ferme de la Pointe au Cheval, à Miquelon.

Ceci dit, je ne m’attendais pas à en trouver littéralement partout à Elliston! On dit qu’il y en a 130 dont la moitié servent encore!

On sent très bien la fierté des habitants pour cette partie encore indispensable de leur propriété au même titre que leur garage, leur remise (le “shed”) et leur tas de bois.

Pourquoi donc?

L’idée de la cave à légumes – qu’on appelle à Terre-Neuve Root Cellar, littéralement “caves à racines” – est d’entreposer la récolte annuelle de légumes racines – patates carottes, navets, panais principalement – de façon à ce que la base de l’alimentation traditionnelle reste en parfaite condition d’une récolte à l’autre.

Caves à légumes

On fait ses provisions – Crédit Photo: Tourisme Terre-Neuve-et-Labrador

Au même titre que la morue salée, la chasse et la réserve de bois de chauffage, la cave à légumes était donc absolument indispensable à la survie de tous.

Comment ça marche?

Crédit photo: Barret & MacKay Photo

Avant l’arrivée des réfrigérateurs – communément appelés “frigidaires” du nom de la première compagnie à les commercialiser en Amérique du Nord – le secret de la préservation c’était d’assurer une réfrigération des aliments à la fois continue et stable – toujours au-dessus du point de congélation, même par – 30, en plein hiver. Trop chaud, les légumes pourrissent, trop froid ils gèlent et s’abiment, dans les deux cas, la disette n’était pas loin.

cellier à légumes

Entrez!

Pour qu’une cave soit à l’abri des fluctuations climatiques, il fallait donc qu’elle soit en partie sous terre et hors des maisons d’habitations qui généraient trop de chaleur.

L’idéal était donc de trouver une petite butte non loin de la maison, dans laquelle creuser une cave, étayée ensuite avec des roches, du mortier, du bois, plus tard avec du ciment. La porte d’entrée faisait toujours face à l’Est puisque les vents d’Est venant de la mer, ils n’amènent pas avec eux de risque de gel.

Pour éviter les changements brusques de température, certaines caves étaient installées très profondément dans la terre, comme en témoigne la longueur de ce couloir menant aux bacs à légumes. Certaines caves disposaient même d’un sas entre la porte d’entrée et celle du cellier proprement dit.

Souvent, la construction d’une cave donnait lieu à une corvée communautaire, exemple d’une entraide tout aussi indispensable que la cave elle-même.  On gardait la roche le plus possible, le plancher, lui, demeurait en terre battue.

Il ne restait plus alors qu’à construire des bacs surélevés du sol et bien aérés pour ranger les légumes. Parfois, on y mettait aussi de la morue salée, de la viande, du gibier, du lait, de la crème ou du beurre, mais seulement de manière sporadique.

Utilitaires mais coquets

Inutile de préciser que nous avons arpenté le village au complet à la recherche de la centaine de caveaux à légumes qu’on y trouve. Nous n’avons pas été déçus.

celliers à légumes

Il y en a partout, des étagés, des discrets, des jeunes et des moins jeunes, certains ont des portes peintes –  avec un bouquet de fleurs ou un heurtoir! – curieusement, les seules caves désaffectées que nous avons trouvées étaient les plus récentes, celles construites en ciment!

Et les jardins ?

On nous l’assure, la moitié des caves servent encore. Alors, pour le vérifier, nous avons aussi pensé à chercher les nombreux jardins supposés les achalander.

Jardin maritime

En tout, en cherchant bien, entre Elliston et le minuscule village de Maberly tout à côté, nous en avons trouvé… deux!

Jardin à Maberly

Pas de quoi remplir une soixantaine de caves à légumes! Alors, on a demandé où étaient les jardins? Nous flairions l’arnaque mais en fait, les jardins sont tout simplement situés derrière les maisons, bien à l’abri du vent du large, au milieu des sapins et des aulnes et cachés à la vue. Logique!

Leur utilité en 2020

À l’heure de l’autosuffisance alimentaire, les caves à légumes sont plus populaires que jamais. Toute personne qui jardine sérieusement vous le dira, on n’a pas inventé meilleure manière de préserver sa récolte.

Ce faisant, on préserve aussi un mode de vie, une tradition, un sens d’attachement à la terre.

Et à Elliston, la cave à légumes préserve aussi le merveilleux: C’est par là, en effet, – je vous le donne en mille – qu’arrivent les bébés, pas avec les cigognes et certainement pas dans les choux (même si on les garde parfois dans les caves à légumes!).

Les caves à légumes d’Elliston en images

 

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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