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Dans tous les recoins de notre région on raconte des histoires dont on nous assure qu’elles sont “vraies”, même si elles relèvent souvent plus du conte que de la réalité historique! C’est particulièrement le cas pour tout ce qui a trait à certains naufrages, mystérieux parfois. Ceci dit, il est vrai aussi, que l’histoire dépasse souvent la fiction, alors, allez savoir!

Roger Etcheberry, fier Miquelonnais et historien à ses heures, nous a ainsi rapporté l’exemple du naufrage du navire Marie-Pauline sur lequel court, depuis très longtemps, une bien belle histoire.

Un conteur hors du commun

naufrage mystérieux

Le Cap de Miquelon

Comme pour toute histoire digne de ce nom, il faut un narrateur, un vrai, qui n’a pas peur de l’hyperbole. Quelqu’un qui n’hésite pas à donner une ampleur “originale” à une histoire trop terre à terre. Dans le domaine,  Saint-Pierre et Miquelon a eu son raconteur de taille, en la personne de Maurice Caperon.

Arrivé dans les îles en 1877, Maurice Caperon y restera 28 ans, occupant les fonctions de Chef du Service Judiciaire et de Président du Tribunal. Il remplace aussi, au gré de leurs allées et venues, les Gouverneurs en poste. Ses activités de “notables” devaient lui laisser beaucoup de loisirs puisqu’on le connaît aujourd’hui pour ses écrits bien plus que pour son rôle de magistrat (sauf, peut-être, dans l’affaire Néél, mais ça c’est une autre histoire qu’on vous racontera un jour…)

Des histoires improbables

Comme Alexandre Dumas, Maurice Caperon publie chaque semaine un feuilleton intitulé “l’Isthme de Langlade dans la Feuille officielle. Éventuellement, l’Imprimerie du Gouvernement en fera un livre du même nom.

 

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Ensuite, c’est au tour de “Chasse et pêche“. Les deux recueils offrent des portraits attachants des gens de l’archipel et des témoignages inestimables du mode de vie de l’époque.

Ce qui est essentiel chez Maurice Caperon et qui fait aujourd’hui notre bonheur, c’est qu’il avait le souci de ne pas s’ennuyer et ne pas ennuyer. (Andrée Lebailly)

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Maurice Caperon nous offre certaines des plus belles histoires fantastiques de Saint-Pierre et Miquelon. Il y a le chien aux yeux flamboyants qui “court la grève, à la tombée de la nuit et quand il se présente brusquement, c’est toujours devant vous, jamais derrière”. Et, la cloche fantastique, “dont les battements s’accéléraient et se précipitaient comme sous une poussée mystérieuse (…) effrayante à entendre au milieu de cette dune où nous nous sentions loin de tout secours.”

Personne ne croit vraiment ces histoires… Quoique!

Un naufrage mystérieux

Par contre, Maurice Caperon raconte une histoire qui a été longtemps considérée comme véridique. Celle du naufrage du Marie-Pauline:

« Parmi les naufrages dont la côte Ouest a été le théâtre, il y en a peu qui aient laissé des souvenirs durables dans la mémoire des hommes. Cela s’explique par la nature des cargaisons presque toujours les mêmes : des madriers, des bestiaux, de la farine, de l’anthracite, des produits de pêche, etc. … Toutes ces cargaisons manquaient un peu de prestige, il faut bien le dire, et ne se sont pas recommandées à la postérité comme celle qui était à bord de la Marie-Pauline, et qui consistait en un stock de violons. Ces violons jetés dans la colonie par centaines décidèrent d’un tas de vocations qui s’ignoraient. S’il ne sortit pas un Paganini de tous ces virtuoses improvisés, c’est que probablement les crincrins en question n’étaient pas des stradivarius.

Quoi qu’il en soit, depuis le naufrage de la Marie-Pauline, vous entendrez souvent dans les familles des jeunes demoiselles soupirer après un chargement de pianos qui devrait bien venir au plain. Elles voudraient, ces chères enfants, accompagner leur frère sur un menuet quelconque. ».

La fin d’une légende ?

Belle histoire, n’est-ce pas? Elle est aussi rapportée par Jean-Pierre Andrieux, dans son ouvrage Shipwreck, ce qui lui ajoute une once de légitimité. Plus important, on la raconte encore à Miquelon, “le soir à la veillée”.

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Pourtant, Roger Etcheberry, fait remarquer que ce navire ne figure ni dans la liste des naufrages autour des îles Saint-Pierre et Miquelon, ni dans les éphémérides locales.

Renseignements pris auprès du regretté Rodrigue Girardin, ancien directeur des Archives de Saint-Pierre et Miquelon, on apprend qu’il y avait des violons sur le manifeste d’un autre navire, le « Marie-Louise », trois mâts Belge qui a fait naufrage, au Diamant (à Saint-Pierre), le 17 mai 1875. Il est également noté dans les éphémérides que « ce bâtiment portait au Canada un stock de fusils».

Il est donc fort possible que, pour son histoire de violons, Maurice Caperon, se soit inspiré de ce naufrage du Marie-Louise, qui a eu lieu 11 ans avant la parution de « L’Isthme de Langlade » et tout juste deux ans avant son arrivée dans l’archipel, .

En passant, Il y a bien eu le naufrage d’un navire du nom de Marie-Pauline au large de l’archipel, à 9 miles dans l’ouest de Pointe-Plate, à Langlade, mais c’était le 19 décembre 1963, et, ça, Maurice Caperon ne pouvait pas le savoir!

L’océan de tous les possibles

naufrage mystérieux

On peut donc rajouter les violons du Marie-Pauline à la liste des histoires fantastiques que nous aura léguées l’inénarrable Maurice Caperon. On peut aussi décider, une fois pour toute, d’y croire. Et pourquoi pas?

Car les naufrages sont aussi l’occasion de légendes, d’épopées ou encore d’offrandes d’un océan prodigue pour les insulaires assurant le sauvetage des navires sinistrés ou allant au plain récupérer les épaves de toutes sortes que les vagues leur apportent.” (Leroy et Castelain “Images de Saint-Pierre et Miquelon”)

Pour information, la liste des naufrages autour de l’archipel Saint-Pierre et Miquelon recense 343 naufrages entre 1816 et 1959!

Et si les ouvrages de Maurice Caperon vous intéressent, sachez que “l’Isthme de Langlade” a été réédité à l’occasion de son centenaire, en 1986, par les Éditions JJO, et “Chasse et Pêche”, en 1993, par l’Imprimerie Administrative.

Et chez vous?

Vous connaissez de ces histoires dont on ne sait plus trop si elles sont vraies, complètement, en partie ou pas du tout? Comme Roger Etcheberry, n’hésitez pas à nous le laisser savoir…

 

L'Isthme de Miquelon-Langlade

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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