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Au Labrador et au Nord du Québec vit un peuple autochtone: les Innus. Installés sur le territoire depuis des dizaines de milliers d’années, ils sont de tradition nomade – et parcouraient autrefois des milliers de kilomètres pour la chasse et la pêche.

Et lorsqu’on vit ainsi en perpétuel mouvement sur un énorme territoire, tout ce qu’on transporte se doit d’être utile, y compris les jouets.

La Nation Innu

poupées innu

poupées de théMalgré leur sédentarisation forcée qui remonte à la première moitié du XXè siècle, les Innus continuent de “courir les bois”.

Selon les saisons, ils se déplacent sur leur territoire, sans égards aux frontières entre le Québec et le Labrador, à la poursuite du caribou ou de la perdrix. En famille, ils campent dans des tentes de simples toiles qui semblent bien légères et qui, pourtant, les protègent du froid intense.

Dans cet environnement qui est le leur depuis des siècles, ils continuent à perpétuer les coutumes et les traditions de leurs ancêtres liées à la vie quotidienne, à la chasse, à la pêche et à la nature.

La vie nomade

poupées de thé

Imaginez vivre sous une tente et vous déplacer au gré des aléas de la chasse. À pieds, bien entendu! Avec des raquettes durant l’hiver. Hommes, femmes, bébés, enfants, aînés.

Inutile de préciser que vous n’emporteriez que l’essentiel: les toiles qui formeront votre abris, le petit poêle et la cheminée en tôle qui vous éviteront de mourir de froid, le strict minimum en terme de vêtements, de quoi coudre, chasser (les hommes et les garçons porteront fusils et munitions), de quoi pêcher et faire des trappes.

Il faudra enfin un soupçon d’intendance: de la farine, du sel, de la levure pour faire la bannique, le pain traditionnel de la majorité des autochtones du Canada, du sucre et du thé, complément indispensable de tout repas.

Tout le reste viendra de la terre: les poteaux pour les tentes, les branches de sapin pour confectionner le plancher qui vous isolera de la neige et de la glace, les baies sauvages, les truites, le saumon, la perdrix, le caribou.

De l’utilité d’une poupée

poupées de thé

Dans ces circonstances, vous en conviendrez, il importe que chacun fasse sa part pour le bien collectif. Alors, pour que même les enfants participent au transport des biens de première nécessité, les Innus ont eu l’idée de confectionner des poupées de chiffon dans lesquelles les feuilles de thé serviraient de rembourrage. On appelle ce jouet, Innikueu.

Le thé qu’on y dissimulait était réservé “aux coups durs”, à ces mauvais moments où les vivres venaient à manquer. Rendu à la dernière extrémité, on enlevait alors le thé d’un bras, d’une jambe de la poupée pour réchauffer toute la famille. Plus tard, on rembourrait de nouveau la poupée avec de la mousse séchée jusqu’à ce qu’on puisse arriver à un poste de traite, ou, plus tard, au magasin général, pour refaire des provisions.

La poupée de thé remplissait donc ces deux fonctions essentielles, d’amuser les enfants et de garder au sec une précieuse réserve de survie.

Aujourd’hui, ces poupées traditionnelles constituent surtout un trésor patrimonial sur les traditions vestimentaires des Innus, sur leur manière d’emmailloter les bébés (voir image ci-contre) et sur le tannage et le fumage de la peau de caribou utilisée pour le visage, les mocassins et même pour la confection de la coiffure.

Une passeuse de tradition nous a quittés

poupées de thé

Dans la communauté de Sheshatsiu, au Labrador, la grande artiste des poupées de thé s’appelait Anishene Antene, ou Angela Andrew pour nous les Blancs. Elle savait, mieux que quiconque, réaliser des poupées habillées à la façon traditionnelle et leur donner un regard expressif avec quelques simples points de broderie.

Ses poupées étaient tellement prisées d’ailleurs qu’elles ont été offertes au Pape Jean-Paul, à la Reine d’Angleterre et au Président Georges W. Bush! On les trouve également dans les musées, comme celui des Rooms à Saint-Jean de Terre-Neuve et chez certains particuliers qui ont eu la chance de les acquérir directement de Angela, c’est mon cas, ou dans certaines galeries d’art ou d’artisanat.

Poupées de théSi vous en avez une, gardez-la précieusement car Anishene vient de nous quitter, à l’âge de 72 ans, laissant derrière elle un patrimoine inestimable. Fort heureusement au sein de sa grande famille se trouvent plusieurs femmes déterminées à perpétuer l’art de leur mère ou grand-mère, comme une de ses petites-filles, Victoria.

Pour en savoir plus …

… sur la tradition des poupées de thé, écoutez la courte entrevue ci-dessous que nous a donnée Peter Armitage qui connaît bien les traditions du peuple Innu.

 

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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