À Caraquet, Nouveau-Brunswick, la culture occupe une place de premier rang. Choisie comme “capitale culturelle du Canada” en 2003 et 2009, la petite municipalité de 4000 âmes a mis les arts et la culture à l’honneur, en se dotant d’une véritable politique culturelle et d’infrastructures, comme son Centre culturel, le Carrefour de la mer et le Cinéma du Centre, coup de cœur de l’Heure de l’Est.
Si Caraquet était une grande ville au lieu d’être un gros village étalé de tout son long au bord de la Baie des Chaleurs, on dirait du Cinéma du Centre qu’il est un cinéma de quartier. Mais ici, de quartier, point! Juste une rue qui va du village voisin de Bas-Caraquet jusqu’à celui de Bertrand. Au beau milieu, se trouve ce qu’on pourrait appeler le centre-ville: notre amie la librairie Pélagie, des cafés, la superbe église Saint-Pierre-aux liens, son presbytère, les ruines de l’ancien couvent, et de de l’autre côté de la rue, le Centre culturel et le Cinéma du Centre.
Je connaissais la réputation du cinéma comme lieu hors pair offrant un savant mélange de films “d’auteurs” et de grosses productions hollywoodiennes. Certains de mes amis me disaient y aller deux à trois fois par semaines durant la saison hivernale.
J’avoue, d’entrée de jeu, que j’étais un petit peu sceptique! Mon Dieu que j’avais tort!
Une affaire locale
Le cinéma, à Caraquet, n’est pas une nouveauté. Il existe, au même endroit, depuis 2004. Il était géré, jusqu’en 2011, par une compagnie québécoise. Le cinéma donnait alors, soyons polis!, des résultats mitigés.
Entre alors en scène le directeur actuel, Paul-Marcel Albert, homme de culture, d’engagement et homme habité de rêves qu’on croit fous jusqu’à ce qu’il les réalise! (pour référence, on lui doit Ode à l’Acadie, méga-spectacle qui a fait le tour du monde entre 2004 et 2010). Je n’aurais jamais dû douter un seul instant que Paul-Marcel Albert allait, là encore, faire des miracles.
Une équipe de choc et engagée
Bien sûr, une personne toute seule ne peut pas aller bien loin et s’il y a une chose que Paul-Marcel sait faire, c’est de bien s’entourer. Il peut s’appuyer d’abord sur le fait que le cinéma est un organisme à but non-lucratif qui relève d’un conseil d’administration et du Centre culturel auquel il est rattaché, physiquement et administrativement.
Il dispose aussi d’une équipe de bénévoles engagés qui travaillent dans une ambiance joyeuse (J’en ai fait l’expérience). Ils sont 20 au total. Certaines sont ouvreuses, d’autres travaillent à la caisse ou derrière le comptoir de la cantine. Des employés, en haut, sont “à la technique”.
Une équipe de bénévoles ça permet d’économiser beaucoup d’argent, admet Paul-Marcel, mais il est clair que ces bénévoles sont aussi l’âme de ce cinéma dont ils sont immensément fiers.
Une technologie de pointe
Derrière la bonhomie du directeur, la gentillesse de l’équipe, il y a aussi des outils techniques imposants. En entrant dans la salle de projections, j’ai repensé au film “Cinéma Paraiso“. Quel contraste!
Ne cherchez ni projecteur ni bobines de film proprement dit. Ici il y a des projecteurs électroniques (à gauche sur la photo ci-dessus) dans lesquels on insère une sorte de cassette (à droite) évocatrice du 8 pistes (si vous avez mon âge, vous saurez ce que je veux dire) et qui contient le film, les bandes annonces etc.
Une programmation soignée
La réputation du Cinéma du Centre découle de sa programmation unique, savant mélange de genres, de publics-cibles et de langues.
D’un point de vue pratique, Paul-Marcel se tient au courant de tous les films qui arrivent en salles en France, au Québec, aux États-Unis et ailleurs. Il lit les revues spécialisées, suit les critiques et évalue ce qui pourrait marcher pour sa clientèle dont il connait parfaitement bien les goûts et les intérêts. Ensuite, c’est une agente de Montréal qui négocie pour le centre avec les distributeurs, Fox, Disney et tous les autres.
La programmation combine donc films indépendants et grosses productions, films en français et en anglais, et même films en 3D! En gros, au Cinéma du centre environ 80% de la programmation est “commerciale” et 20% Ciné+, c’est à dire des films indépendants, “différents” disons.
Côte à côte, au moment de ma visite, on jouait “L’incroyable histoire du facteur cheval” un superbe film français, “une femme en guerre“, un film islandais décapant, “le Roi Lion” et “Il était une fois à Hollywood“! De tout pour tous en quelque sorte. Et ce n’est pas à Moncton, ni Dieppe, ni Halifax qu’on voit ça.
Le côté culturel de la région fait une clientèle pré-disposée au cinéma de qualité
Et ça roule!
Le Cinéma du centre dispose de trois salles de projection et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles servent. C’est d’ailleurs une autre raison du succès de ce cinéma, en plus de la variété et de la qualité de la programmation.
Jugez vous même: Dans une semaine type, on offre 5 films différents, parfois même jusqu’à 9. La semaine où j’y étais, c’était 6. Il n’est pas rare que le cinéma ouvre ses portes à 9h du matin pour les refermer à 23h.
Et puis, on les joue plusieurs fois dans une même journée à des heures qui accommodent tout le monde. Il y a des projections le dimanche matin et ce toute l’année, des projections en après-midi l’été (bien quand il pleut!). Les grosses productions américaines seront présentés en moyenne 16 fois dans une semaine, 2 ou 3 présentation seulement seront en version originale en anglais.
Comme le dit si bien Paul-Marcel: “Un film nouveau avec de la pluie et des touristes et c’est le Jackpot!”
Un cinéma abordable
Une place au Cinéma du Centre coûte 10$ en soirée et 7$ en matinée, moins que les grands cinémas. La cantine est tout aussi abordable. Bien des touristes n’en reviennent pas d’ailleurs et le disent bien fort quand ils arrivent à la caisse.
Les cinéphiles et le public en général sont fiers de leur cinéma. Ils apprécient non seulement l’accueil et la programmation, mais également les prix accessibles, au guichet à la cantine.
Et puis, il y a les présentations gratuites! Oui, oui, gratuites! Au temps de fêtes par exemple, pendant les congés scolaires … avec des films pour toute la famille. Paul-Marcel explique: “À chaque fois qu’on offre une série de séances gratuites, on voit une augmentation significative de nos ventes de billets dans la même semaine. Le tout, je suppose, c’est d’encourager les gens à passer la porte du cinéma.
Ajoutez à cela les évènements spéciaux comme le Festival du Film Maritime de Caraquet qui est entièrement gratuit et vous comprendrez que le Cinéma de Caraquet est bien plus que trois salles de projection. C’est un moteur culturel!
D’ailleurs, c’est évident dès qu’on se rend sur son site web et qu’on aperçoit la colonne “Activités dans la région”. Encore là, Paul-Marcel est d’avis que dans le domaine de la culture c’est en faisant la promotion de tout le monde que chacun arrivera à prospérer. Il ne se trompe pas de toutes évidences.
Les gens viennent vient de partout dans la péninsule Acadienne pour aller au Cinéma du Centre. Certains font 45 minutes à une heure de trajet (aller seulement). Ils viennent de Bathurst, de Tracadie, de Petit Rocher ou Val-Comeau. En fait, ils sont tellement nombreux que le Cinéma fait en moyenne …. plus de 1000 entrées par semaine (non, je n’ai pas mis un 0 de trop!) Avouez que pour un village de 4000 habitants et une région très rurale, ce n’est pas rien.
Un cinéma rentable?
Alors, rentable le Cinéma du Centre? Tout à fait!
Pensez-y un peu. Dans les gros cinémas de nos plus grandes villes, il n’y a pas toujours beaucoup de monde au cinéma, c’est même très peu rempli mis à part les soirs de lancement ou pour les séances de soirée. Alors, le petit Cinéma du Centre, lui, réussit avec beaucoup de présentations de films qui restent longtemps.
Ainsi, le plus grand succès du Cinéma du Centre depuis 2011 a été le film La Famille Bélier qui est resté à l’affiche 16 semaines, faisant de Caraquet la ville canadienne où le film a joué le plus longtemps.
Paul-Marcel Albert est très fier de la grande réputation de son petit cinéma et toute la population avec lui. Il travaille à présent pour la construction d’une quatrième salle car, il en est convaincu et les chiffres le prouvent, il y a encore de la place pour la croissance.
Caraquet, Nouveau-Brunswick
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Merci Lucie!
Je m’ennuie de la Péninsule acadienne!
Lise