On vous a tellement parlé de l’hiver rigoureux qu’a connu la région atlantique, on s’est tellement esclaffé devant les congères de neige et le froid, qu’on a senti le besoin de vous montrer les beautés qui émergent lorsque la neige a fondu et que le soleil brille. Nous vous avons déjà parlé du merveilleux jardin public d’Halifax, aujourd’hui nous vous emmenons dans l’endroit le plus touché par les intempéries, l’hiver dernier: la Péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, et un merveilleux jardin d’Eden.
À Sainte-Anne du Bocage
L’endroit où je vous amène, c’est Sainte-Anne du Bocage (Côté nord de Caraquet, si vous préférez). Et vraiment, peut-on rêver plus beau nom pour abriter ce superbe jardin?
Pour l’occasion, une photographe professionnelle m’accompagne. Amie de l’Heure de l’Est (et amie des propriétaires), Julie D’Amour-Léger a accepté de mettre son art au service du jardin et de notre magazine. Vous dire mon soulagement!
Toutes les merveilleuses photos de cet article sont donc les siennes. Merci, Julie!
Le jardinier
C’est Luc Rondeau, le patient architecte de ce jardin d’exception, qui m’accueille.
Il a grandi sur les bords du Saint-Laurent, à côté d’un pépiniériste, ce qui lui a permis, très jeune, d’apprécier la joie que peuvent procurer les plantes et la culture.
Mais sa véritable aventure de jardinier a commencé, un automne, il y a 35 ans, lorsqu’il a pour la première fois planté ici des bulbes de tulipes, narcisses et autres.
À cette époque-là, il n’y avait rien du tout en terme de végétation autour de la maison “si ce n’est une seule et unique épinette!” précise-t-il.
Aujourd’hui, Je peine à imaginer l’endroit en friche. Les arbres sont grands, les fougères imposantes, les buissons éclatants de santé.
35 ans de travail, de patience, de détermination, de succès et d’échecs, ont créé un petit paradis pour tous ceux et celles qui ont la joie de le fréquenter, mais surtout un refuge hors normes pour les oiseaux, les insectes et… les grenouilles.
“Grenouilles?” vous dites. Tout à fait!
Le point central du jardin est, en effet, une mare aux nénuphars, en pleine floraison lors de ma visite, et repaire de choix des grenouilles. “Tout gravite autour de la mare,” m’explique Luc Rondeau, artisan, Ô combien patient!, de ce nid de verdure et de sérénité.
Plus prosaïquement, la mare sert aussi à drainer le terrain, assez marécageux à l’origine. Cela évite aussi au jardinier des corvées d’arrosage!
Un petit pont en bois d’inspiration japonisante permet de le contourner pour apprécier de plus près les magnifiques nénuphars.
Faire et laisser faire
Luc est un jardinier bienveillant, de ceux qui proposent et laissent la nature disposer. C’est là le cœur de sa philosophie de jardinier: “Je plante et puis je laisse faire la nature.”
L’herbe de la pampa n’a pas réussi, mais le gazon d’Espagne, oui. Les pommiers sont exigeants, va pour les poiriers, les cerisiers et les pruniers. Il ne sert à rien de s’obstiner.
Les fougères se sont imposées à côté de fleurs plus exotiques, tout cela en parfaite intelligence.
Ici, rien n’est tiré au cordeau, taillé ou travaillé, comme un jardin à la française. Et malgré les explosions de couleurs, de contrastes, de formes, on se sait en Atlantique, ce qui ajoute un je ne sais quoi au jardin; sans doute apprécie-t-on d’autant plus la dose d’entêtement requise pour arriver à ce résultat.
La cohabitation avant tout
L’objectif premier du jardin est d’attirer les oiseaux, d’où le choix de planter des arbres fruitiers et des buissons de petits fruits. Pas de bleuets (“il faut un sol trop acide”, m’explique-t-on) mais fraisiers, groseilliers et cassis.
Et de disposer ici et là des mangeoires, pour attirer, les chardonnerets et les colibris.
J’entends un sérieux vrombissement dans un des grands arbres. “Ce sont les abeilles,” m’explique Luc. Elles y vivent avec le plus grand bonheur, sans même devoir fournir leur miel au propriétaire de leur demeure. À juger par leur tintamarre, il doit y en avoir des milliers.
Plus tôt dans la saison, les chevreuils sont venus manger tous les boutons de fleurs de pivoines, de lys et même les fraises. Les lièvres grignotent aussi, mais la nature, c’est ça. Luc ne se formalise pas. Pour éviter toute frustration, il a même renoncé à faire un potager à côté de la maison. Depuis quelques années, il participe à un jardin communautaire, ailleurs, à Sainte-Anne du Bocage. C’est plus sûr.
Luc a même pensé aux couleuvres auxquelles il a pris soin de fournir des pierres, ici et là, pour qu’elles puissent se prélasser au soleil. (Je n’en ai pas vu, fort heureusement!).
Explosion de couleurs
Les marguerites cohabitent avec les crocosmias, le Kiwi avec le cerisier, l’épinette de Norvège avec le cèdre thuya et le tilleul chargé de fleurs.
Zénitude!
Une force sereine se dégage du jardin, apaisante aussi. À n’en pas douter c’est le fruit d’une nature qui s’exprime pleinement, sans obligations ni contraintes, avec un peu d’aide, de soutien et beaucoup d’amour et de soins.
C’est aussi le bonheur de toute la faune qui en a fait son jardin d’Eden. Rien, ici, n’est forcé à quoi que ce soit. Et le jardinier, lui, continue à rêver…
Ça manque de cailloux
Lorsque je demande à Luc Rondeau quels sont ses plans d’avenir pour son jardin, il me confie qu’il aimerait créer une rocaille, genre jardin alpin.
Au vu du jardin actuel, cela me semble plutôt aisé, mais pas du tout. “La difficulté, c’est de trouver des roches”, m’explique-t-il, le plus sérieusement du monde. Quand on vient de Saint-Pierre et Miquelon ou de Terre-Neuve, cela fait franchement rire! Mais, dans un bocage, je conçois que cela pose problème.
Et je n’ai aucun doute que Luc trouvera la solution.
Et l’hiver dans tout ça?
Entendons-nous, l’hiver est rude à Sainte-Anne du Bocage. La preuve…
Mais cette épaisse couche de neige protège les plantes, les isolant complètement du froid intense, du vent, de la poudrerie.
Plus l’hiver est dur, plus le jardin fleurit abondamment. C’est le cas cette année.
Pour cela, comme pour le reste, notre jardinier est pragmatique: la terre a besoin de repos l’hiver et, moyennant un soigneux émondage des arbres à l’automne, le jardin ne subit pas trop de dégâts.
D’ailleurs, les crocosmias d’Afrique du Sud ont très bien réussi, justement à cause de l’imposant couvert de neige.
Décidément, le jardin de Luc Rondeau, c’est un concentré d’optimisme!
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Magnifique
Merci de votre intérêt.
Françoise et Patricia
Superbe reportage paradisiaque
Superbe! C’est un bel article! J’aime vous lire…