Paris a sa Tour Eiffel, New York sa Statue de la Liberté, Toronto sa Tour CN, les îles Saint-Pierre et Miquelon ont leurs tambours (et je ne parle pas d’instruments de musique, non, non, non!). Avec le cimetière de Saint-Pierre (qui mérite lui aussi son article dans nos pages), les tambours sont les éléments les plus photographiés par les touristes et les plus appréciés par les habitants. (note de la rédaction: nous remercions Patrick Dérible pour son aimable contribution photographique à cet article!)
À tout sieur, tout honneur
Il y a bel et bien eu, à Saint-Pierre (à Miquelon, je ne sais pas), un joueur de tambour, qu’on appelait d’ailleurs tambour public. Son rôle? Arpenter les rues de la ville en annonçant les dernières nouvelles. Le dernier en titre était un Monsieur Lafitte, un basque de Ciboure, à la mémoire duquel un de ses descendants, l’auteur-compositeur-interprète Henri Lafitte, a fait une chanson que nous vous invitons à écouter.
Tambour, sas ou entrée
Ceci fait, tournons-nous vers le tambour, détail architectural très populaire dans l’archipel, depuis les tous débuts de la colonie.
Le tambour, c’est le joyau de ce que les professionnels de l’histoire aiment appeler l’architecture vernaculaire . D’ailleurs, si le sujet vous intéresse, rendez-vous à la section “architecture locale” de l’Arche Musée et Archives de Saint-Pierre et Miquelon et visionnez les nombreuses capsules vidéo sur le sujet.
À Saint-Pierre et Miquelon – cerné de toutes parts par la mer et les grands vents – on n’ouvre pas sa porte sans précautions! Vu le vent, la neige, la force des bourrasques (et parfois même des embruns, dépendant d’où la maison est située) il est bon de disposer d’un espace entre le confort du chez-soi et dame nature. Une zone tampon, si vous préférez. D’où l’intérêt du tambour.
Je m’empresse de préciser que dans notre région de l’Heure de l’Est, Saint-Pierrais et Miquelonnais ne sont pas les seuls à l’avoir adopté.
J’en ai vu dans les rues d’Halifax et même à Bonavista. Il y en a peut-être même chez vous, chers lecteurs et lectrices. Si c’est le cas, n’hésitez pas à nous le laisser savoir.
Quelle histoire!
Le tambour n’est pas une invention moderne, pas du tout! 35 ans après le retour définitif de Saint-Pierre et Miquelon à la France, en 1851, le Commandant de la colonie prenait un arrêté pour en spécifier les dimensions maximales. Il décrétait aussi l’utilisation exclusive du tambour temporaire. On le mettait, au plus tôt, le 1er novembre et on le retirait, au plus tard, le 15 avril.
Un petit porche en bois, très pratique mais peu élégant, pareil à une guérite, protège la porte d’entrée pendant la mauvaise saison. C’est le tambour qui est mobile, se plaçant en novembre et s’enlevant en avril. (Aubert de la Rüe, cité par Geneviève Massignon dans “Les parlers français d’Acadie”)
Ce type de tambour a existé longtemps. Il était fait en pièces détachées: trois panneaux de contreplaqué, un toit une porte. On montait et on démontait le tout facilement, un peu comme on installe un abri à voiture au Québec pour l’hiver.
C’est ce que nous avions chez moi quand je grandissais. Il y avait juste assez de place pour une personne, une pelle à neige et un petit seau avec du sel. On frappait ses pieds pour enlever la neige des bottes et puis on entrait dans la maison proprement dite
Le tambour moderne
Jusqu’en 1929, le tambour temporaire est la norme dans l’archipel. En mai de cette année-là, un arrêté municipal autorise le tambour permanent que l’on nomme alors “tambour vitré”.
Vous l’aurez compris, pour qu’un tambour reste à demeure il fallait qu’il ressemble moins à une guérite (sic, A. De la Rüe) et plus à un porche.
L’arrêté municipal est même rapidement amendé pour préciser: “Un tambour est réputé vitré quand ses trois côtés sont vitrés sur la moitié au moins de leur surface.”
Celui-ci à gauche, sur l’ancienne demeure d’un commerçant de Saint-Pierre, en est un très bel exemple. Notez ses carreaux vitrés de couleurs, sa grande taille, ses 5 pans.
Bien évidemment, plus on avait les moyens et plus on pouvait se permettre un tambour “haut de gamme”, avec de grandes vitres, de belles couleurs, des toits à plusieurs versants et de belles ornementations.
Ce sont ces tambours permanents qui font aujourd’hui la fierté des Miquelonnais et Saint-Pierrais.
Quelles vedettes!
Timbres, cartes postales, œuvres d’art, les tambours sont célébrés par les artistes locaux et de passage. L’artiste locale, Raphaële Goineau, en fait même parfois de merveilleux calendriers. Et puis, ils sont soignés aux petits oignons par leurs propriétaires .
L’inventaire des tambours
Ils sont même aussi patiemment inventoriés, photographiés et dessinés par l’artiste Patrick Dérible dont nous avons déjà fait le portrait.
Dans son livre “1000 tambours”, on apprend toutes sortes de choses fascinantes:
- Seules une poignée de personnes continuent à utiliser un tambour temporaire.
- Le nettoyage des rues, l’hiver, est parfois compliqué par la présence de tambours au ras de la chaussée et il arrive régulièrement que des tambours soient endommagés par les chasse-neige.
- Les tambours abondamment vitrés servaient souvent de jardin d’hiver ou encore de serres, permettant, le printemps venu, de lancer les plans de poireaux ou de salades.
Bref, ce livre vous renseignera sur les moindres détails concernant les tambours. (Pour plus d’information, c’est ici)
Des tambours partout
Comme le tambour est bien pratique, on ne le trouve pas seulement sur le devant des maisons. On le trouve aussi à l’entrée des “administrations”, comme ci-dessous à Miquelon.
Autrefois on le trouvait aussi à l’entrée des caves à légumes pour empêcher le gel d’entrer dans la cave proprement dite. J’ai pu vérifier ce fait dans les nombreuses caves à légumes de Elliston, Terre-Neuve. On le trouve maintenant devant maisons mobiles, maisons de campagne, garages, bref partout où il importe, aujourd’hui comme hier, de s’abriter des intempéries.
Et, en cette période de fin d’année, les tambours font l’objet des plus belles décorations et brillent de tous leurs feux.
(Vous utilisez Pinterest& Merci d’épingler)
J’ai été fascinée par les tambours de St-Pierre et Miquelon lors de mon séjour il y a deux ans. J’ai tant arpenté les rues de St-Pierre pour en voir le maximum! Merci pour cet article très intéressant!
Nous avions aussi des tambours à Caraquet. Le tambours servait surtout à minimiser les pertes de chaleurs dans la maison et aussi à y ranger les pelles, les raquettes et les traineaux. Je me rappelle qu’il était important de bien l’attacher à la maison, de peur de le retrouver dans la cours du voisin lors des grosses tempêtes. De beaux souvenirs. Merci Françoise. Je dois avouer que les tambours de Saint-Pierre sont pas mal plus beaux que les nôtres.
Quel plaisir de revoir tous ces tambours que nous avons connus entre 1975 et 1979. Le nôtre était jaune. Nous habitions 18 rue de l’abbé Pierre Gervain. A côté des entrepôts Légasse.
Nous suivons de loin les nouvelles de l’archipel…
Les chansons d’Henri Lafitte, les tableaux de Raphaele Goineau et les photos transmises par des amis fidèles.
Dans l’île où nous habitons ( La Réunion), pas de tambours mais une chose en commun avec votre île, le bardeau.
J’ai connu les Tempo à Montréal pour les voitures, je ne connaissais pas les Tambours de St Pierre.
Merci pour cet article très intéressant
Bel article! J’ai connu les tambours en grandissant à Cap-Pelé; aujourd’hui c’est plutôt rare. Il y en avait des temporaires peu élégants (la plupart) et des plus “haut de gamme” mais tous étaient d’une utilité indéniable durant les tempêtes d’hiver et les vents glaciaux: ça servait à protéger les portes de maisons. J’avoue que ça fait des années que je n’avais pas entendu l’expression. Notre maison, un ancien couvent, avait un tambour lors de l’achat il y a trente ans mais depuis disparu.
Super article qui me ramène aux tambours de mon enfance ici, à Bas-Caraquet, sur le bord de la Baie des Chaleurs où le vent souffle, souvent, à décorner les bœufs! Merci Françoise de nous parler de ce patrimoine culturel et architectural qui résonne tant dans notre vécu commun.
Très intéressant cet article
Article extrêmement intéressant, bien documenté. Bravo et merci!
Merci pour ce joli coup de projecteur sur cette spécificité architecturale de notre région.
Je ne suis pas modeste dans mon dernier commentaire; c’est moi qui ai réalisé le timbre avec le tambour violet enneigé! 😉
Trés émue de retrouver le tambour de ma soeur en tête d’article! Il a souvent changé de couleurs, mais je sais que c’était avec celles-ci qu’elle l’aimait le plus. Elle aurait été fière de le voir figurer ici!
Bel article! Je “collectionne” les tambours depuis mon adolescence, je suis toujours heureuse d’en voir de belles images.
Très bel article! J’ai connu les tambours à mon arrivée à Sept-Iles sur la Côte-Nord en 1972. J’arrivais d’Edmundston N.B. et c’était nouveau pour moi. Il y en avait peut-être chez nous mais je n’avais pas remarqué. Depuis ce temps, j’aime beaucoup les tambours permanents bien agencés à la demeure. Merci pour les belles photos!
En Acadie, les tambours sont toujours permanents. Sinon, où déposer les bottes et manteaux enneigés en entrant dans la maison?
Je viens de Shippagan au Nouveau-Brunswick, donc en Acadie et il y a des tambours qui ne sont pas permanents! Les bottes et manteaux enneigés sont déposés dans l’entrée de la maison.
Très intéressant cette article. Où puis je me procurer ce magnifique livre : 1000 tambours st Pierre et Miquelon.
Je suis en métropole.
Cordialement
Maryline
Bonsoir,
Si vous retournez à l’article, il y a un lien pour rejoindre l’auteur de “1000 tambours”. Si vous n’arrivez pas, nous vous l’enverrons.
Épinglé dès la première lecture, tant le sujet et la jolie façon dont il est ici traité me plaisent. Merci Françoise et bravo.