La côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse est le littoral le plus découpé que l’on puisse imaginer. Une myriade de petites îles, de caps et d’anses autour des cinq avancées terrestres principales qu’on appelle ici les 5 doigts.
Une main tendue vers l’océan et des habitants qui s’appellent eux-mêmes “les fermiers de la mer”. Nous sommes au pays des îles-dentelles, dans la région d’Argyle, au sud de la ville de Yarmouth, à une heure de route de la Baie Sainte-Marie. Nous sommes à Pubnico.
Le Par-en-Bas de Par-en-Haut
La Baie Sainte-Marie brille fort au sein de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. L’Université Sainte-Anne, la Société acadienne de Clare, les groupes de musiques et les danseurs folkloriques font rayonner l’histoire et les traditions du Comté de Clare de La Louisiane à Belle-Île-en-mer. C’est l’Acadie de Par-en-Haut comme vous l’entendrez quand vous serez sur place. (Parce que vous irez, non ?…)
Par-en-Haut (roulez le R, aspirez le H) ??? ça veut donc dire qu’il y a un … Par-en-Bas ??? Oui ! C’est la Municipalité d’Argyle, du Comté de Yarmouth. Un peu moins visité, peut-être un peu moins tourné vers le tourisme, Pubnico mérite le détour !
Impossible, en Acadie d’évoquer une communauté sans nommer une date et un fondateur. À Pubnico, il s’agit de Philippe Mius d’Entremont, baron de son état. Et la date ? Tenez-vous bien : 1653.
1653 ??? Mais à Clare, ils fêtent leurs 250 ans en 2018 !
Rapide calcul: la fondation de Pointe-de-l’Eglise remonte donc à 1768 : 115 ans après Pubnico !
Enfin, LES Pubnicos, puisqu’il faut compter :
- Pubnico-Est-le-bas
- Pubnico-Est-le-centre
- Pubnico-Est
- Pubnico-Ouest
- Pubnico-Ouest-le-centre
- Pubnico-Ouest-le-bas
Chez les D’Entremont
Bonita Boudreau, ma guide pour la journée, a déjà tout prévu : une visite de la région commence par un tour du musée. Quand vous irez vous allez y rencontrer Bernice d’Entremont, la très dynamique conservatrice du Musée Acadien des Pubnicos.
Cette façon qu’ont les Acadiens de toujours rester reliés à leur histoire et de vivre avec dans leurs actions du quotidien, c’est stupéfiant !
Ici, un musée, c’est un passage obligé. Un véritable lieu de vie.
- C’est donc normal d’installer un immense cadre de courtepointe à côté des restes d’un aboiteau. Les dames de la communauté s’y retrouvent pour y piquer ensemble – vous trouverez ensuite leurs réalisations dans la boutique du musée,
- les visiteurs du musée sont accueillis avec des boissons chaudes et des buns, j’ai adoré ça !
- les descendants d’Acadiens arrivant de partout viennent faire des recherches généalogiques dans les archives du musée,
- et si vous avez de la chance, en plus de Bernice vous rencontrerez Coral D’Entremont, un historien à la connaissance exhaustive de la population de Pubnico, sur plusieurs générations.
Ah … Je ne me lasserai jamais d’entendre un Acadien réciter sa filiation, comme une poésie, une suite de prénoms souvent disparus. Les générations défilent en quelques secondes pour arriver jusqu’au fondateur de la communauté, lui-même.
La particularité des Acadiens de la Municipalité d’Argyle c’est que, installés là un siècle avant le Grand Dérangement, les gens ensuite sont revenus sur leurs terres, chez eux. J’hésite à utiliser le terme tant cet épisode est douloureux dans la mémoire acadienne, mais si on voulait schématiser on dirait que le Grand Dérangement a été une parenthèse dans l’histoire de Par-En-Bas. Ils étaient là avant 1755, ils sont revenus après. C’est un cas unique dans l’histoire de l’Acadie.
Roger d’Entremont (bon, là vous avez compris qu’il y a des D’Entremont partout partout partout à Pubnico) du Village Historique Acadien de la Nouvelle-Écosse l’explique très bien :
Cette année on au eu presque 18 000 visiteurs au Village Historique Acadien, mais c’est la pêche qui est l’industrie principale et qui fait vivre la région. La pêche est vraiment bonne ici maintenant…
Bonita, originaire de l’Isle Madame, a beau être installée à Pubnico depuis une trentaine d’années, elle ne se sent toujours pas légitime pour en parler. Qu’à cela ne tienne, après notre visite au Village Historique Acadien on s’assoit pour déjeuner avec son mari, Réal (Boudreau ! oui !!! un pas d’Entremont !), avocat, natif de la région.
Ici, tout va bien !
Dans la municipalité d’Argyle, on est en pleine zone rurale. On en parle souvent, ces régions ont du mal à prospérer et perdent toutes petit à petit leur jeunesse, plus attirée par les grandes villes…
Toutes ? non ! A l’image du petit village gaulois d’Astérix, Pubnico n’est pas du tout en train de s’essouffler. C’est plutôt l’inverse :
“Le quai de Dennis Point est souvent considéré comme l’un des plus riches du Canada” Voilà, ça c’est dit. Vous aurez compris que le Roi Homard y est pour quelque chose….
Une population d’environ 2000 habitants pour Pubnico-Ouest, malgré tout le quai de Dennis Point abrite plus d’un centaine de navires de pêche au précieux crustacé.
Quand on sait qu’il faut compter 1,5 million de dollars pour une unité de pêche avec sa licence, on commence à prendre la mesure de la richesse produite dans ce petit port très actif. On compte 375 casiers pour une licence, c’est donc des milliers de cages à homards qui sont mises à l’eau durant une saison courte, mais extrêmement productive. Une saison qui coincide avec les fêtes de fin d’année. Ça tombe plutôt bien !
Je vous laisse imaginer les files de camions réfrigérés qui circulent entre Pubnico et le reste de la province, ou vers les Etats-Unis : le homard s’exporte frais et il n’attend pas !
Autant vous dire que les jeunes hommes ne quittent pas la région: ils s’achètent un bateau et deviennent pêcheurs, de père en fils. C’est d’ailleurs la voie choisie par les deux fils de Réal et Bonita. “Même les jeunes n’hésitent pas à emprunter pour se lancer dans l’industrie. On n’est pas du tout inquiet pour la relève dans la pêche, explique Réal. Et quand la saison du homard est terminée, ils partent à la pêche au poisson de fond et aux pétoncles. Tout va très bien pour eux.”
C’est bon d’entendre ça.
En quittant Par-en-Bas, je pense à ce Nouveau-Monde, fondé sous le règne de Louis XIV, il y a 365 ans. Les descendants des colons parlent toujours français, ils savent toujours très précisément d’où ils viennent et pourquoi ils sont là. Ils ont su tenir et prospérer contre vents et marées.
Il y a des leçons à en tirer.
À lire aussi :
J aime beaucoup votre style et votre ton enjoué.
Vous avez de bonnes accroches et les sujets sont bien trouvés et bien tournés.
Par contre…. Je suis perdue à propos de la localisation des sites cités. N hesitez pas à mettre fréquemment des cartes globales.
Merci
La bretonne de St Briac
Francoise
Bonjour et merci de votre commentaire et de votre suggestion. Souvent, nous incluons – à la fin d’un article – une carte qui peut être ajustée pour une version plus locale ou plus “globale”. Il s’agit de modifier la carte avec un bouton qui se trouve sur la droite de votre écran.
Bien cordialement.
Françoise et patricia
Ouest Pubnico ,nous sommes allés visiter à quelques reprises la famille de mon beau-frère, Philémon d’Entremont, des gens accueillants, très chaleureux ,et leurs parlés est magique…. un endroit à visiter, tous les bateaux sont magnifiques, le musée a une belle histoire et que dire des contrepoints ,impressionnant..Merci à vous tous. “J’viendré back “.