À l’occasion du mois de l’histoire des Noirs, une nouvelle collaboratrice et amie de l’Heure de l’Est, Lucie Lebouthillier, se joint à l’équipe pour aller à la rencontre du premier maire noir du Nouveau-Brunswick qui habite, comme elle, dans la Péninsule acadienne.
Conquise
Ce qui attire d’abord chez Kassim Doumbia c’est son sourire, sa gentillesse, ses yeux pétillants d’intérêt et d’intelligence qui nous disent « je suis content de te rencontrer ».
L’approche est ouverte, le contact facile et la joie de la rencontre est de la partie. On est conquis.
Monsieur le Maire
Nous nous étions donné rendez-vous à l’hôtel de ville de Shippagan, cette pimpante ville côtière de la Péninsule acadienne, au Nord-Est du Nouveau-Brunswick.
Une ville de pêcheurs avec son magnifique port de mer .
Une municipalité ouverte sur le monde aussi puisqu’en plus de sa tradition maritime, la ville abrite le campus de Shippagan de l’Université de Moncton et sa centaine d’étudiants étrangers.
Le goût de l’ailleurs
Tout jeune, Kassim voulait aller voir ailleurs. De son Sénégal natal et de la Côte d’Ivoire où il a vécu un moment, il voyait avec angoisse les grèves à répétitions dans les universités.
Il constatait aussi que plusieurs de ses compatriotes qui allaient étudier à l’étranger revenaient mieux outillés pour accéder à de meilleurs postes. En 12ième année, il rêvait, lui aussi, d’un futur meilleur. Il s’est donc senti attiré par l’Université de Moncton et son diplôme en informatique appliquée.
Nouvelle vie
Il arrive à Moncton en 2000, au tournant du troisième millénaire. L’aventure acadienne commence. Kassim ne veut pas seulement étudier, il veut s’intégrer à sa nouvelle patrie.
Puisqu’il ne peut pas travailler à l’extérieur du campus (il est limité par son visa étudian), il effectue de petits travaux sur le campus pour connaître le plus de gens possible, se créer un réseau autrement dit.
Avec son diplôme en poche, en 2004, le voilà en recherche d’emploi. Malheureusement, la sempiternelle question « avez-vous de l’expérience? » revient et complique les choses.
Assoiffé d’apprendre et de s’intégrer, Kassim accepte un poste dans un Centre d’appel. Il y travaille un été avant de décider de retourner à l’Université de Moncton pour faire une maîtrise en administration des affaires. C’est chose faite en 2006.
Direction la Péninsule acadienne
Grâce à son amoureuse, originaire de Shippagan, qu’il a rencontrée durant ses études, il s’est déjà fait plusieurs amis dans la Péninsule acadienne. Une occasion se présente : un poste de trois mois avec la Collectivité ingénieuse de la Péninsule acadienne ( CIPA) pour aller au Gabon présenter un produit. Le résultat doit être positif puisqu’on renouvelle son contrat.
Comme Kassim n’a pas de voiture et qu’il n’y a aucun transport public dans la région, il s’installe d’abord dans la Municipalité de Tracadie-Sheila pour pouvoir aller travailler à pied.
Port d’attache: Shippagan
Par la suite il rejoint Shippagan avec sa conjointe qui souhaite se rapprocher de ses parents. De là, il se joint au Réseau de développement économique et d’employabilité de la Péninsule acadienne ( RDEE) qui lui permet de bien saisir les défis des communautés acadiennes.
Faire une différence
Il fallait vraiment que je m’implique. Je voulais faire éclater le fameux préjugé qui veut que les immigrants viennent « voler les jobs ». Il était clair dans ma tête que si je voulais rester ici, il fallait que je m’implique. Mon expérience avec le RDÉE m’a fait comprendre qu’il faut se battre au quotidien pour préserver et faire avancer nos acquis
Il fonde le CAIENA-PA (comité d’accueil, d’intégration et d’établissement des nouveaux arrivants dans la Péninsule acadienne), en 2009, pour aider ceux et celles qui voudraient suivre son exemple et en assume la présidence jusqu’en 2020.
L’appel de la politique
En 2010, il devient adjoint politique à la campagne de Paul Robichaud, devenu par la suite ministre et vice-Premier ministre provincial.
Ce dernier lui sert de mentor et est une grande source d’inspiration pour Kassim.
C’est vraiment là qu’il prend son envol vers la vie politique : il parcourt la circonscription, de Miscou à Inkerman, pour rencontrer les gens et comprendre leurs préoccupations.
Au début, les électeurs veulent simplement parler au candidat en personne, mais Kassim insiste pour discuter avec eux. Il leur fournit de l’information, établit le dialogue et s’attire leur respect.
Kassim s’impose et sa vocation s’impose à lui. En 2012, il devient conseiller municipal, puis Maire adjoint de sa ville d’adoption jusqu’en 2021, année de son élection à la mairie où il devance deux autres prétendants.
On peut dire que les habitants de cette ville acadienne d’à peine 3 milles personnes n’ont pas manqué leur coup en lui accordant leur vote, élisant du même coup le premier maire noir au Nouveau-Brunswick.
En parallèle, pour servir l’Acadie toute entière, il devient vice-président de l’organisme porte-parole du peuple acadien sur les scènes atlantique, canadienne et internationale, la Société Nationale de l’Acadie.
Une belle leçon
Comme Kassim me l’a si bien expliqué:
on a tous le potentiel d’être raciste si les conditions sont là, c’est l’histoire du Monde. On ne peut pas toujours s’aimer, même en Afrique entre pays, entre ethnie dans un même pays.
Mais, pour lui, son expérience a été positive. C’est vrai que son attitude et son approche – toujours ouvert à discuter et son grand désir d’aider et de s’intégrer – lui a ouvert des portes, mais c’est vrai aussi, qu’une fois dépassées la curiosité sur sa couleur, ses origines et la peur de l’inconnu, les gens l’ont adopté.
Monsieur le Maire voit grand. Il s’attèle à ramener une croissance de la population en trois volets : la croissance économique, le culturel et communautaire et la jeunesse.
Déjà, il y a un conseiller jeunesse au Conseil municipal qui entame un dialogue pour intégrer les jeunes dans le développement de leur Ville.
Kassim Doumbia force l’admiration! Il est l’exemple d’une intégration réussie qui enrichit nos communautés par son savoir-faire et son savoir- être mais aussi, et surtout, par sa contribution inestimable qui est de rappeler … que les autres, ce sont aussi nous autres.
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