La rentrée est derrière nous! Les grandes fêtes et festivals aussi, l’occasion idéale pour un petit coup dans le rétroviseur. Et si notre région a ses festivals à grand déploiement, il y en a bien d’autres, plus discrets, mais tout aussi merveilleux.
Par exemple, depuis 28 ans, durant la première semaine du mois d’août, la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick s’offre, et offre aux visiteurs, une immersion poétique très originale.
Avec nous, découvrez le festival acadien de poésie de Caraquet , puis sous la plume de notre collaboratrice, Lucie Lebouthillier, l’attachant portrait de son “grand organisateur”, le poète Jonathan Roy.
NB: Toutes les photos sont de Jérôme-Luc Paulin pour le Festival acadien de poésie, sauf autres mentions.
Un festival précurseur
Créé en 1997, le Festival acadien de poésie de Caraquet est le plus ancien festival littéraire en Atlantique. Durant 25 ans, il s’est déroulé sous l’égide du Festival acadien (qui se déroule durant les deux premières semaines d’août), mais il vole maintenant de ses propres ailes.
Les bénévoles du festival (dont notre fidèle collaboratrice, Lucie,) sont entièrement dévoués à la chose poétique comme en témoigne cette session de poésie organisée chez la présidente du Festival, dans son jardin !
Un emplacement de choix
Dans un endroit aussi magique que Caraquet, village nonchalamment étiré sur le bord de la Baie des Chaleurs, la poésie prend une ampleur inégalée: elle se lit, se récite et se chante au quai ou à la plage, aux terrasses de ses cafés, sur un banc public, bref, “entre poésie et horizon“, selon l’expression-même du festival.
De tout, pour tous et partout
Pour l’édition qui vient de prendre fin, les 35 activités offertes au public par une trentaine de poètes dépoussièrent la parole poétique:
- Poèmes au noir – oui, vous l’aurez deviné – les poètes ont lu leurs œuvres dans la quasi noirceur, histoire de sublimer les mots.
- Fragments flottés visait à incorporer des extraits de poésie acadienne et de la région atlantique, à des morceaux de bois flotté, par l’artiste Michelle Smith, enfin,
- Les berceurs du temps ont permis aux participants de s’asseoir dans des fauteuils berçants pour écouter des berceuses pour enfants (il y avait le choix: quelque 2000 berceuses en 85 langues)
Le festival a aussi investi des liens insolites comme le phare de Miscou, la boulangerie Grains de Folie ou le Marché des fermiers.
De la poésie à l’année longue
Mais ce qu’il y a sans doute de plus attachant dans le Festival acadien de poésie c’est son désir de mettre la poésie au cœur du quotidien des chanceux résidents de Caraquet.
Et le public répond présent: on estime que 1200 personnes ont participé à l’édition de cet été, sans compter tous ceux et celles qui auront profité de l’exposition Fragments flottés/fragments flottants, exposée au Quai des artistes jusqu’au 15 septembre.
Pour son 20ème puis son 25ème anniversaire, le Festival a aussi offert à la ville un parcours de 25 bancs de la poésie, des bancs publics ornés d’extraits poétiques “pour rendre hommage à la puissance de la voix d’auteurs de l’Acadie”.
Depuis 2021, avec la ville de Caraquet, le Festival acadien de poésie porte aussi l’initiative du programme Poète officiel(le) de Caraquet. Cette année, c’est la poète et femme de théâtre Joannie Thomas qui a été choisie.
Franchement, nos villes et villages devraient en prendre de la graine!
Poète avant tout
Jonathan Roy, directeur général et artistique du Festival acadien de poésie depuis une douzaine d’années, est, d’abord et avant tout, poète. Il a même la distinction d’avoir été le tout premier poète de la ville de Caraquet.
Il a publié trois recueils de poésie:
“Apprendre à tomber” en 2012.
“Savèches à fragmentation“, en 2019, ouvrage qui l’a lancé et qui a depuis été adapté au théâtre,
et enfin “Mélamine méduse” en 2022.
Perfectionniste qui pèse et soupèse chaque mot et chaque expression, il explique que son dernier ouvrage lui a demandé de faire face à d’innombrables corrections, doutes et questionnements.
On sent la passion dans ses propos comme un long poème émis d’un souffle, sans compromis et sans pause. Une manière typique de Jonathan Roy de nous saisir immédiatement aux tripes, de nous suspendre à ses lèvres en allant directement à l’essentiel.
Un poète investi
Son rôle de directeur général et artistique du Festival de poésie est le prolongement direct de son rôle de poète.
Un festival c’est une création, c’est de l’organisation, un plan d’activité pour arriver à une décision; même si ça veut parfois dire, abandonner des coups de cœur pour créer un portrait harmonieux
Vivre de sa voix poétique
Après sa maîtrise en littérature, Jonathan ne s’imaginait pas vivre de la poésie. Pourtant, aujourd’hui installé dans la Péninsule acadienne, il sait qu’il peut vivre de son art, moyennant quelques adaptations en termes de travail et de style de vie.
Caraquet est chanceuse de compter un tel talent parmi les siens. On ne peut que l’admirer pour sa sensibilité profonde et sa capacité à saisir l’infiniment petit dans le cœur des gens qui nous pousse plus loin, vers la solidarité universelle.
Longue et fructueuse création à Jonathan, le poète!
icitte j’écrirai que j’ai besoin de votre chaleur pour écrire
le temps dense et sucré comme la plaine rouge
que même le merisier tordu fendra
sous vos verbes tranchants
et qu’au pire la lame de fond sera là
pour remplir la fournaise
des journées moins vargeuses
(Extrait de « vague.wav », Mélamine méduse, Éditions Perce-Neige, 2022)