La langue des ancêtres qu’il faut conserver, le souvenir sans cesse évoqué des fondateurs de la Baie Sainte-Marie et de leur courage, les 250 ans de Clare, les mots qu’on ne dit que là-bas, les luttes, les reculs parfois, et les forteresses à défendre. Quand on est jeune et qu’on a la vie devant soi, on en fait quoi de toute cette histoire qui prend tellement de place ? Ce n’est pas un peu lourd à porter à la longue ? C’est possible, mais pas pour tout le monde. Oh non ! Le hasard m’a fait rencontrer trois jeunes remarquables fiers représentants de leur région et de leur culture.
Mesdames et Messieurs, dans la catégorie “porte-flambeau”, section jeunesse, voici Réanne, Chad et Shane.
Réanne Cooper fait entrer la lumière avec Believe Apparel
Réanne Cooper termine son cursus en commerce international à l’Université Sainte-Anne. Elle a un amoureux et un chat … et elle aime le poisson sec. Voilà pour la vie de tous les jours.
A côté, son carburant, sa certitude – née de ses voyages humanitaires au Cameroun, c’est qu’elle veut aider ceux qui n’ont rien. À partir de Pointe-de-l’Église, Clare, Nouvelle-Écosse.
Attendre que tous les ans à la même date on lui tende un tronc pour qu’elle y glisse un petit billet plié en quatre, Réanne, c’est certain que ce n’est pas son truc. Elle a vécu deux séjours dans les zones rurales du Cameroun,… on n’en revient pas indemne. Une très douce, jolie blonde tranquille, … mais gare à l’eau qui dort ! A l’intérieur, ça bouillonne et Réanne a décidé qu’elle serait active.
Comment faire pour aider ceux qui n’ont pas encore accès aux commodités les plus élémentaires ? Eau, nourriture, éducation, santé … tout manque ! Réanne Cooper a choisi ce qui réunit tous ces champs d’action possibles : l’ÉNERGIE !
De retour d’un forum d’entrepreneuriat jeunesse à Moncton en novembre 2017, une lumière s’est allumée et tout est devenu clair : elle allait lever des fonds ici, chez elle, à la Baie Sainte-Marie, pour permettre de soutenir une association humanitaire, Mbissa Energy System, fondée par un canadien, Caleb Grove. L’objectif : fournir de l’énergie et en particulier de quoi s’éclairer aux gens qui vivent dans la noirceur après le coucher du soleil.
C’est ainsi que Réanne a fondé BELI’EVE APPAREL, une gamme de t-shirts colorés imprimés à la main, en sérigraphie. Ils sont vendus
- à la boutique de l’Université Sainte-Anne,
- pendant l’été durant Festival Acadien de Clare,
- dans différents marchés artisanaux.
Suivez la page facebook pour tout savoir des points de vente à venir. Vous pouvez aussi acheter en ligne sur le site.
Quand on sait qu’avec 20 $ on peut produire de l’électricité pour une famille pour … 4 ans. On se dit que les petits ruisseaux peuvent faire une différence ! Cette action, dans la vie des gens de là-bas, c’est tout de suite du concret :
- des enfants peuvent s’éclairer et faire leurs leçons le soir, après l’école
- des familles développent des petites activités économiques (rechargement d’appareils)
- des villageois sur place apprennent à installer des systèmes qui apporteront du courant à la communauté
Tous les bénéfices des ventes de Believe Apparel sont reversés à Mbissa Energy System.
Chad Comeau, culture et traditions de la Baie Sainte-Marie … en jeu vidéo !
Si un jour il a fallu choisir entre le français et l’anglais, Chad Comeau, de Methegan, s’est placé au milieu et il a dit “Est-ce que je peux prendre les deux ?”. Il est devenu traducteur.
Puis, entre tradition et modernité, il a eu la même réponse : ” Je prends les deux !!!! et j’invente quelque chose que personne n’avait encore jamais vu : le tout premier jeu vidéo acadien qui utilise le patrimoine. “
Ça a tout d’une histoire à succès : au début Chad et un copain “bidouillent” des jeux vidéos dans leur coin. Puis Chad découvre ce courant de la pop culture qu’on appelle les “jeux artistiques” (Art games). Des jeux vidéos indépendants, créés par des gens qui le sont tout autant. Ils ne répondent pas aux normes, ne ressemblent à rien de ce que vous connaissez si vous êtes adaptes des meilleures ventes d’Ubisoft. Mais ils sont, pour la plupart, amusants, fous, surprenants, et gratuits. Chad les appelle des “petits jeux bizarres”.
Ils se présentent comme les jeux qu’on trouvait à l’époque des Game Boys, en 2 dimensions. Le déroulement un peu celui des romans interactifs : le joueur doit faire des choix, qui influencent la suite de la partie. Mais dans les jeux de Chad, au lieu de choisir entre une cape d’invisibilité ou un sabre laser, le joueur se positionne et se questionne sur son héritage identitaire et culturel. Pour son tout premier jeu,”La Vie d’Arcade“, Chad Comeau explique :
J’ai voulu intégrer la langue et la culture de Clare dans mes jeux. Faire vivre au joueur des situations de notre quotidien ici. Par exemple, quand le joueur va animer une émission sur la radio communautaire, il doit choisir s’il va s’exprimer en français standard ou en français acadien. Même chose quand il choisit son orientation : des études en français ou en anglais ?… tout le long du jeu il doit prendre position comme nous avons à le faire nous-mêmes tout au long de notre vie ici. Chaque choix à des conséquences, mais il n’y a pas de jugement.
Résultat : le beau succès de La Vie d’Arcade qui lui laisse entrevoir un monde de possibilités.
Puis, tout s’enchaine : le voilà en résidence d’artistes à Fredericton pour continuer à créer, en 2015-2016. Il s’en suit une série de jeux que vous allez retrouver sur son site, Fring-Frang.
En 2017 il débute un cursus en création de jeux vidéos à Cologne, en Allemagne.
Dans le même temps, il décroche des financements de Patrimoine Canadien qui lui permettent de se consacrer à la conception d’un “grand jeu” pendant deux ans.
Une future création très ambitieuse : un parcours à travers les mythes et légendes de la Baie Sainte-Marie. Le tout en français acadien (et fourni avec un glossaire !). Heureusement, il a de l’aide: le Centre Acadien de l’Université Sainte-Anne compile pour lui des éléments du folklore de Clare qu’il glissera dans son scénario.
Si tout va bien, Chad espère profiter du prochain Congrès Mondial Acadien de 2019 pour lancer ce nouveau jeu, – qui n’a pas encore de titre. On vous tiendra au courant !
Shane Robicheau, en route pour l’excellence
J’ai rencontré Shane Robicheau dans le restaurant de ses parents, La Cuisine Robicheau, à Saulnierville.
J’avais rendez-vous pour un entretien autour du “plat national” de la région : la râpure acadienne. (On reparlera de la râpure, c’est promis.)
Pour être parfaitement honnête, j’ai été plus séduite par le jeune homme charmant d’à peine 20 ans qui m’a accueillie que par le plat lui-même ! C’est bien tombé : il avait des choses passionnantes à dire.
Quand on discute un peu avec Shane, on sent bien qu’il sait où il va. Il sera cuisinier. C’est une affaire de famille chez les Robicheau, leur restaurant est d’ailleurs un incontournable de la Baie Sainte-Marie, très fréquenté par les locaux. Un signe qui ne trompe pas.
À la fin d’un long entretien sur les mérites comparés de la râpure de Par-en-Haut avec celle de Par-en-Bas, Shane m’apprend que les Jeux Olympiques ce n’est pas que pour le sport – ce que j’avais naïvement cru jusqu’à présent. C’est aussi une compétition d’arts culinaires. Et, seconde révélation de la soirée, il fera partie de l’équipe nationale junior pour les prochains Jeux Olympiques Culinaires avec l’Équipe Canada 2020 !
Waouh ! Il n’en sera d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’il a déjà participé à une compétition nationale en juin 2018 où il a terminé 3ème.
C’est simple, Shane Robicheau, sa vie c’est Top Chef, … tout le temps ! Il se prépare à ces importants rendez-vous dans le prestigieux institut culinaire de l’Île-du-Prince-Édouard, le Holland College où il étudie pour deux ans. Avec 8 autres de ses camarades originaires de tout le Canada, il se concentre sur la prochaine compétition de leur équipe : la coupe du monde Villeroy&Boch, au Luxembourg en novembre prochain. Une sorte d’exercice grandeur nature pour tenter d’aller chercher le Saint-Graal en 2020, aux Jeux Olympiques Culinaires de 2020, à Stuttgart, en Allemagne.
L’Heure de l’Est ne manquera pas de vous donner des nouvelles de ce jeune ambassadeur de Clare !
Et voilà, comment on est à Saulnierville, tranquillement en train de manger une râpure et qu’on rencontre un postulant champion olympique …. cette région est pleine de ressources et de talents… Elle peut être fière de ses jeunes !
Cet article fait partie d’une série que l’Heure de L’Est consacre à la Baie Sainte-Marie |
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