J’aurais juré que les LP, 33 tours, disques, appelez-les comme vous voulez, étaient dépassés depuis longtemps! Remplacés par les disques compact et maintenant par les sites qui proposent de la musique en ligne, il me semblait qu’ils n’avaient plus aucun avenir! Eh bien, détrompez-vous! C’est tout le contraire.
C’est en tous cas, le pari de Ghislaine Cormier, de la région Évangéline à l’Île-du-Prince-Édouard, et de son partenaire d’affaires Gideon Banahene, originaire du Ghana mais installé à l’Île depuis plus de 12 ans. Tous deux cherchaient à développer un projet novateur pour aider les artistes locaux à se faire connaître et à diffuser leur musique. Ils ont d’abord envisagé un lieu de spectacles, une boutique et puis, en fin de compte, ils ont lancé Kaneshii Vinyl Press, une entreprise de fabrication de disques vinyles basée à Charlottetown.
Un projet bien pensé
N’allez pas croire qu’ils ont choisi ce projet en particulier, sur un coup de tête. Bien au contraire, leur plan d’affaires prend en compte la nette et constante progression des ventes de platines (autrefois, vous souvenez-vous?, on disait des tourne-disques!), ainsi que l’augmentation des ventes de disques vinyles, +22% au Canada et 13% aux États-Unis en 2017. Il y a de l’avenir dans ce domaine, semble-t-il. Mais il y a plus, comme me l’explique Ghislaine:
Le vinyle, c’est de la valeur ajoutée. Une chanson achetée en ligne coûte moins d’un dollar, mais un disque se vend entre 25 et 30 dollars. C’est d’autant plus de revenus qui vont à l’artiste.
Un projet artistique à part entière
Le disque vinyle, je l’ai découvert chez Kaneshii Vinyl, c’est aussi un moyen pour un artiste de créer un objet qui renforce sa création: couleurs, effets spéciaux, comme le disque marbré ci-dessous du groupe local East Pointers, le produit devient une extension de l’oeuvre.
Kaneshii ne fait pas encore de graphisme mais travaille avec des compagnies (locale, du Québec et d’Ontario) pour fournir aux artistes un produit fini de qualité avec une personnalité et une présentation propres.
On me dit aussi que les artistes qui distribuent leur musique avec d’autres médias, décident souvent de faire tirer une édition limitée de leur travail sur vinyle, pour leurs fans, leurs promoteurs ou tout simplement comme objet de collection (“collector”, dirait-on en France); un peu comme, dans le monde de l’édition, on fait souvent un tirage réduit d’un livre sur papier de meilleure qualité.
Vite et bien
Convaincus d’avoir la bonne idée, il manquait à Ghislaine et Gideon une machine compacte pour produire les disques. Comme ça arrive souvent dans la vie, c’est en feuilletant un journal national que Ghislaine est tombée sur un article mettant de l’avant une compagnie de l’Ontario qui lançait justement une nouvelle presse correspondant exactement à leurs besoins.
Le processus est simple et rapide (voyez le vidéo ci-dessous): tout commence avec du PVC – couleur au choix – et en 30 secondes environ, le disque est fait. Les tirages sont en moyenne de 300 à 500 copies par oeuvre. Cette petite machine peut en produire jusqu’à un million et demi par an.
Inutile de vous dire que Kaneshii Vinyl n’atteint pas encore ce niveau de production, mais la compagnie consacre beaucoup de ressources et d’énergie à promouvoir son produit au Canada et aux États-Unis. Ce qui aide, c’est qu’ils disposent de la seule presse du genre à l’est de Toronto. Pour l’instant, 50% des artistes de la compagnie proviennent du Québec et de la francophonie canadienne, 30% des États-Unis (“il y a un beau marché dans l’État de New-York” me dit Ghislaine), 5% du local et 5% d’ailleurs dans le monde.
Voir plus grand
Kaneshii Vinyl voit aussi plus loin. Toujours dans le but d’aider les artistes, la compagnie travaille avec des studios et des étiquettes de disques pour tenter de développer de nouvelles plateformes pour faciliter l’accès aux disques. La compagnie développe dores et déjà un réseau avec des presses similaires ailleurs dans le monde. Ainsi, un artiste canadien qui irait se produire en Australie, par exemple, n’aurait pas à emmener ses disques dans les bagages. Kaneshii Vinyl pourrait demander à un partenaire australien d’assurer l’impression, sur place, le moment voulu. Du sur mesure.
Avis aux musiciens de notre région qui sont nostalgiques du vinyle et qui aimeraient y revenir.