Le temps passe vite quand on vit à cent kilomètres/heure (sur les routes pas sitant belles en ce printemps farfelu et humide)! Cette lapalissade comme introduction, c’est ma façon de m’excuser d’avoir pris autant de temps avant d’écrire au sujet du gala des Prix Éloizes qui avait lieu à Edmundston. Hélas! Le temps passe à toute vitesse, et écrire demande quand même un peu de recul et de concentration. N’empêche, je tenais à vous en donner un compte rendu. Quitte à revenir sur mes pas, et quitte à parler d’un événement passé. On a droit à un peu de nostalgie, non?
Ce qui est intéressant dans le concept des Prix Éloizes, c’est sa dimension inclusive et festive qui déborde largement la seule communauté francophone du Nouveau-Brunswick. Organisée aux deux ans par l’Association acadienne des artistes professionnel.le.s du Nouveau-Brunswick (AAAPNB) cette célébration de l’excellence artistique est unique en son genre. Plutôt que de récompenser les différentes composantes d’une seule discipline, les Éloizes sont décernés à différentes formes d’art, ainsi qu’à des organismes ou des individus qui les produisent ou les soutiennent.
Samedi dernier (5 mai), se tenait en soirée la vingtième édition de ce gala de remise de prix. Mais cette cérémonie, diffusée pour la première fois à l’échelle nationale à la télé de Radio-Canada, n’est que la proverbiale pointe de l’iceberg d’une pleine semaine d’activités. Les finalistes des différentes disciplines s’étaient donnés rendez-vous dans la région hôtesse, le Madawaska, plus précisément à Edmundston, pour des ateliers, des performances, des animations scolaires, des spectacles, des résidences de création, alouette!
Des éclairs de génie … qui nous rapprochent
La ville industrieuse et industrielle autrefois appelée « P’tit-Sault » s’est transformée, pour l’occasion, en véritable laboratoire d’expérimentation et de diffusion de la culture (ou plutôt, des cultures) francophone de l’Atlantique.
Car comme je le mentionnais plus haut, les finalistes ne sont pas nécessairement néo-brunswickois : preuves en sont les Éloizes remportées par des Néo-Écossais comme Phil Comeau et Arthur Comeau, et même des Québécois, comme Annie-Claude Thériault dans la catégorie « Artiste de l’Acadie du Québec ».
Née d’une entente entre la «Belle Province» d’à côté et la Société nationale de l’Acadie, ce prix décerné à un ou une artiste du Québec qui entretient des liens avec l’Acadie peut surprendre. Pourtant, on pense (à juste titre) à nos ami.e.s madelinots qui s’y retrouvent souvent finalistes, et on comprend mieux. Des liens entre le Québec et l’Acadie, il y en a plusieurs en Atlantique nord.
Quand Edmundston devient capitale culturelle
Durant mon passage à Edmundston pour les Éloizes, j’ai vraiment senti la ville vibrer et s’intéresser à ces artistes aux accents et aux talents extrêmement variés. J’ai assisté à des performances magnifiques, comme par exemple la soirée « Pleins feux à la cathédrale », lors de laquelle des musiciens, des chanteurs, des poètes, des artistes de la scène ont performé sous la houlette du metteur en scène Marc-André Charron.
De toute beauté ! À souligner : le respect avec lequel chaque performance succédait à la précédente, sans urgence, ainsi que les aspects iconoclastes et inventifs de la soirée, comme l’arrivée spectaculaire en vélo dans la nef.
Les Eloizes 2018 : Un gala qui se prend pour un festival
… et où le public, durant une semaine, peut découvrir les artistes en train de créer : comme l’auteur Daniel Dugas et le peintre Mario Doucette à l’excellent café Le Lotus Bleu. Ou en train de performer, comme la danseuse contemporaine Jalianne Li et la célèbre Jass-Sainte Bourque, en plein centre commercial L’Assomption. Ça injecte une solide dose de beauté dans la vie quotidienne! De plus, il y a tous ces artistes qui, comme l’illustrateur Paul Roux ou le cinéaste Phil Comeau, sont allés dans les écoles de la région pour donner des ateliers. Jeunes et moins jeunes sont donc exposés à ce qui se fait de mieux dans les disciplines artistiques des Maritimes. Démocratiser sans compromis sur la qualité : on aime!
J’aimerais revenir sur le gala comme tel. Diffusé à travers le pays. Ce n’est pas rien! On a la chance d’avoir des
musiciens qui percent parfois le marché montréalais. Mais les autres ? Car il y en a beaucoup, des artistes bourrés de talents et de choses à dire. J’en discutais avec un de mes amis, Pierre Guitard, musicien qui est promis à une grande carrière (selon moi et ses fans de plus en plus nombreux). Il me disait à quel point il était surpris de découvrir aux Éloizes des gens qui se démarquent dans d’autres disciplines que la sienne.
Même son de cloche chez plusieurs finalistes, dont la grande poète Hélène Harbec, qui était en résidence de création jumelée avec une artiste visuelle de la région, Vickie Lenz, et Annie-Claude Thériault : le brassage des pratiques artistiques tend à créer une émulation et une camaraderie qui stimulent les artistes entre eux. Au point où les finalistes qui se seront malheureusement inclinés auront pu repartir en se sentant, en un sens, et avec raison, quand même gagnants.
Oh, et pour celles et ceux qui se demandent encore ce que peut vouloir dire « Éloize » : ce vieux mot français, qui n’a rien à voir avec le prénom Éloïse, veut tout simplement dire «éclair».
Montaigne lui-même l’utilise dans ses Essais :
«Pourquoi prenons-nous titre d’être, de cet instant qui n’est qu’une éloize dans le cours infini d’une nuit éternelle… » (Apologie de Raimond Sebon, livre II, essai 12).