Astre béni du marin conduis ma barque au rivage …
Les premières mesures du cantique de la Fête des Marins s’élèvent à travers les volutes d’encens répandues par un prêtre en tenue de grande cérémonie. C’est le signal qui lance le début de la procession. Elle se forme déjà dans la travée suivant une chorégraphie cent fois répétée. Précédés par une statue de la Sainte-Vierge dans un doris, les maquettes et leurs quatre porteurs respectifs, s’avancent solennellement vers la sortie de la cathédrale de Saint-Pierre, Saint-Pierre et Miquelon.
Garde-moi de tout naufrage, blanche étoile du marin …
Parmi les maquettes de chalutiers et de navires commerciaux, une vedette moderne, appelée JARO 2, portée par quatre femmes vêtues de parkas orange. Orange-survie, Orange-courage, Orange-service.
Ce sont quatre représentantes de la Société Nationale de Sauvetage en Mer, la SNSM.
L’organisation du sauvetage en mer, une exception française
En 1967, la SNSM est née de la fusion de plusieurs associations de sauvetage. Depuis le 1er octobre 1989 elle a une antenne à Saint-Pierre et Miquelon. Bientôt 30 ans !
Dans notre petit archipel français qui détient le record national du ratio d’immatriculations de navire par habitant la SNSM est un acteur important de la vie locale.
Quand on y réfléchit, c’est une singularité nationale, assez remarquable il faut bien le dire : en France, l’organisation du sauvetage en mer est à la charge de bénévoles.
Oui ! vous avez bien lu : ce sont des bénévoles qui, 365 jours par an, H24, répondent aux appels des navires en difficulté et leur portent assistance, au péril de leur vie comme le drame des Sables d’Olonne nous l’a rappelé cet été.
Deux pays, deux approches
Au Canada, notre très proche voisin, le sauvetage en mer est une compétence fédérale; ce sont les agents salariés de la Garde Côtière, ainsi que, dans notre région, les sauveteurs de l’Armée Canadienne qui interviennent en cas de besoin, sur mer ou dans les airs.
En France, le sauvetage en mer est confié par les pouvoirs publics à une “association loi 1901” (OBNL). Les Affaires Maritimes et les gendarmes gardent une part
dans l’action de sauvetage : ils sont présents sur les grosses opérations et coordonnent les secours en cas d’action d’envergure.
Il n’en reste pas moins qu’en première intention, les personnes ayant besoin d’être secourues doivent contacter le 55 55 00, la SNSM.
L’une des quatre porteuses de la fête des marins est Kareen Hacala, l’unique femme sauveteur en mer de Saint-Pierre et Miquelon. Signes particuliers : Sourire permanent, yeux bleu-gris comme les vagues qu’elle affronte avec ses collègues et zéro mal de mer. Je l’ai retrouvée quelques temps après la fête des marins du mois de juin pour en savoir un peu plus sur cette organisation très spéciale.
– Des bénévoles en charge de vie humaine ! C’est tout un engagement !…
Oui c’est vrai, c’est une mission importante. Je suis une mordue de la mer et des bateaux depuis que je suis gamine. Je suis sur l’eau le plus souvent possible, c’est mon élément. M’investir dans cette mission de sauvetage, c’est tout naturel pour moi.
Chez les Hacala, ce sont leurs racines d’anciens pêcheurs basques qui l’emportent : la mer c’est toute leur vie ! Son mari Philippe ? même profil, lui aussi passionné par la Grande Bleue et par le secourisme – il est également pompier volontaire. C’est l’un des plus anciens membres de la SNSM de Saint-Pierre et Miquelon.
Quand Philippe était appelé pour aller sur une situation de détresse, je ne savais jamais rien de la gravité de l’appel. Tous les équipiers sont tenus au secret et lorsqu’ils sont appelés c’est le minimum qui est dit, on ne vous donne pas de détail. Vous quittez tout et vous y allez vite, c’est tout. Souvent, il restait parti de longues heures, c’était stressant.”
Kareen, qui n’a pas la patience des femmes de marins, a rejoint son mari dans l’organisation pour devenir “sauveteur embarquée” il y a 10 ans maintenant.
Une mécanique bien huilée et hyper efficace
En jeu, on a la vie de marins, de plaisanciers et celle des sauveteurs eux-mêmes, rien de moins. L’improvisation n’a pas sa place à la SNSM.
– Concrètement, comment ça marche ? Kareen explique :
” C’est notre président de station, Enriqué Perez, qui a le téléphone d’urgence et qui répond aux appels de détresse tous les jours, en tout temps. Il est toujours de service.”
Sous ses ordres, il a deux patrons , eux-mêmes chacun aux commandes d’un équipage de 12 personnes. Au besoin, Enriqué contacte le patron de service. Pour sortir, il est impératif que le patron ait réuni un sous-patron qui le secondera pendant les actions de sauvetage et un mécanicien. C’est le trio de base. Arrivent ensuite les matelots, qu’on nomme “canotiers” à la SNSM, un minimum de 3, parfois plus.
Ils se retrouvent sur leur vedette, le Jaro 2, toujours opérationnelle.
– Et si vous êtes au travail ?…
– La SNSM est reconnue d’utilité publique; elle est très largement soutenue. Nous, les membres actifs, nous avons une convention avec notre employeur. Elle nous permet de nous absenter pour participer aux missions de sauvetage. Les employeurs sont généralement très sensibles à cet investissement et sont heureux de participer à leur façon en nous permettant ces absences. Moi j’ai dû quitter le travail une dizaine de fois depuis que je suis à la SNSM. Si nous sommes en mission toute la nuit, comme ça arrive de temps en temps, nous avons la possibilité de débuter le travail plus tard le lendemain. Personnellement, je pense que mon employeur, la Caisse d’Épargne CEPAC, est fière de prendre part de cette façon à notre action.”
Les membres sont appelés pour les urgences et aussi pour les exercices qui se pratiquent une ou deux fois par mois, en toute saison.
Le soutien de la population: le pain quotidien de la SNSM
C’est l’autre originalité de la formule : La SNSM est financée par des dons que ce soit à l’échelon national ou localement, dans les stations.
La population est appelée tout au long de l’année à participer à son financement. Ici, ça fonctionne très bien tant les Saint-Pierrais et Miquelonnais sont sensibles à cette cause. Que ce soit
- par les petits troncs en forme de bateaux mis dans les boulangeries,
- par les ventes de vêtements (qui ont un succès fou)
- par les dons en nature,
- par le bulletin de soutien que vous pouvez remplir à n’importe quel moment (par exemple, juste après avoir lu cet article)
L’argent arrive de la population et d’institutions pour faire vivre l’antenne locale de la SNSM. Grâce à cette générosité légendaire des gens de l’archipel, les moyens sont là pour que la station tourne sans souci.
Parfois les sommes offertes sont considérables: saviez-vous que 50 % de la vedette de la SNSM de Saint-Pierre et Miquelon, le Jaro 2 a été financé par un donateur métropolitain ? Malheureusement anonyme … on aimerait tellement le remercier. Et le téléphone satellite dernier cri qui manquait cruellement à la station ? Il a été offert par un donateur de l’archipel. La liste est longue, mieux vaut l’arrêter ici de peur d’en oublier !
Les coûts de fonctionnement sont naturellement très élevés : l’entretien de la vedette et de l’annexe, le carburant, les achats ou les révisions du matériel de sauvetage dernier cri, les tenues des équipiers. C’est un gros budget mais un service qu’on est tous amené à contacter un jour, peut-être.
Voici le lien pour accéder au bulletin de soutien et faire un don à l’association. Merci d’avance !
“Voilà nos héros !”
Dans notre petit archipel où la météo est souvent très “compliquée” la SNSM a aussi un rôle d’ambulancier. L’association est officiellement mandatée pour assurer ce service entre le village de Miquelon et Saint-Pierre, là où se trouve l’aéroport qui permettra une évacuation sanitaire aérienne vers l’hôpital de Saint-Jean de Terre-Neuve.
En cas de coup dur à Miquelon, il n’est pas toujours possible de compter sur l’avion. Le petit aéroport miquelonnais ne permet aucun trafic aérien en cas de brouillard ou de vent très fort, alors que le Jaro 2, super puissant, est apte à la navigation par tous les temps. Comme on dit ici, quel que soit le temps, “il passe”.
Quand il le faut, les Miquelonnais font appel aux équipiers en orange, renforcés d’une équipe de médecin et infirmiers urgentistes si nécessaire. En retour, à Miquelon, on leur voue une grande reconnaissance. Kareen se rappelle d’une action récente pour lever des fonds dans le village et de l’accueil extraordinaire qu’ils y ont reçu. ” Je n’ai jamais vu ça, tout a été vendu en quelques minutes, les gens nous répétaient à quel point notre action est importante pour eux. Ils nous appellent leurs héros !!! Ça nous a fait très très plaisir !”
SNSM – Armée Canadienne – Garde-Côtière Canadienne, une alliance de choc
La SNSM n’est pas seule pour veiller sur notre zone, les eaux canadiennes sont à quelques tout petits miles nautiques de nos côtes. Il est très fréquent que les sauveteurs français œuvrent avec leurs homologues canadiens pour porter assistance aux personnes en détresse. Les exercices effectués de façon régulière entre Saint-Pierre et Miquelon et le 103ème escadron de Recherche et Sauvetage basé à Gander permettent à chacun d’atteindre une grande efficacité et de garder les bons réflexes. En plus, les sauveteurs canadiens disposent de moyens aériens que Saint-Pierre et Miquelon n’a pas.
Une image vaut mille mots, voici quelques superbes clichés pris à l’occasion d’exercices conjoints.
Une opération d’entrainement franco-canadienne,ça peut ressembler à ça :
Bonjour,
“Conduis ma barque au rivage” ?
La première fois que j’ai entendu cette version, c’est à l’Île aux Marins, lors du tournage de “Entre terre et mer” dans lequel j’étais figurant. Ça m’avait surpris.
A une époque la fête des Marins était importante, là je parle de Miquelon, époque où il y avait des dizaines de doris. Donc à cette occasion on chantait bien sûr : “Astre béni du Marin” dont la seconde phrase était “Conduis-moi vers le rivage”
En fouillant un peu sur le web, j’ai effectivement trouvé au moins deux versions.
Un autre détail, j’ai trouvé “quand les flots en furie” et “quand les flots en courroux” c’est cette 2e version qu’on chantait aussi à Miquelon. Elle me semble plus correcte, car elle rime avec “doux en fin de strophe.
Je pense qu’à Saint-Pierre on chante la même version qu’à Miquelon, sinon je n’aurais pas été surpris par la version du film.
Bonjour Roger, Voici la version de ce chant de la Fête des Marins dans la vieille version du livre de chants de la Fête des Marins que m’avait donné Monseigneur Maurer quand je préparais “Les litanies de l’Île aux Chiens”. À noter que le titre du chant est “Étoile du matin“:
Refrain: Astre béni du marin/Conduis-moi vers le rivage/Garde-moi de tout naufrage/Blanche étoile du matin.
1. Lorsque les flots en courroux/Viendront menacer ma tête/Calme, calme la tempête/Rends pour moi le ciel plus doux.
2. Combien d’écueils dangereux/Sur cette mer inconnue!/Découvre-les à ma vue!Phare toujours lumineux.
3. Mais, si jamais, Ô douleur/Sombrait ma barque légère/Que je puisse à ta lumière/Saisir un débris sauveur!
4. Fais briller un ciel d’azur/Dissipe tous les nuages/Et que malgré les orages/Mon cœur reste toujours pur.
5. Quand viendra mon dernier jour/Éclaire, étoile chérie/Mon départ de cette vie/Pour un plus heureux séjour.
Un bel article qui met en lumière cette fantastique association qu’est la SNSM ! Je donne régulièrement et j’espère que les personnes secourues donnent également…. ce qui semble la moindre des choses… Merci Patricia pour ce texte !
Je souhaiterais adresser mes félicitations pour cette très belle initiative, une opportunité à parler de son activité et à découvrir énormément de choses.. de ma Guyane on dirait “Tchimbe red” Bonne Continuation.
bien évidement un clin d’œil à Kareen
Vous avez raison, c’est très spécial !
Ça c’est du stuff!!!!! Bravo Patricia
merciii ! as-tu fait ton don à la SNSM cette année ?