Sur la péninsule de Port-au-Port, sur la côte Ouest de l’île de Terre-Neuve, comme partout, on aime voir les personnes à la retraite, âgées ou, si vous préfèrez, “de l’âge d’or”, sortir de chez elles et s’impliquer dans la vie de leur village. C’est bon pour leur moral, leur santé, bon aussi pour les plus jeunes générations qui ont bien des choses à apprendre de leurs aînés.
À l’assaut du numérique
On le sait, l’ordinateur, le web, le numérique ne sont pas toujours faciles à maîtriser (peu importe l’âge!) et à l’Association régionale de la côte ouest, l’ARCO comme on dit familièrement, on n’a pas froid aux yeux!
On a donc eu la bonne idée de proposer une formation pour les aînés en photographie numérique. Les résultats ont fait, durant tout le mois de la Francophonie, l’objet d’une exposition – Expo 50+ – qui, vous l’aurez compris, propose 50 photos réalisées par 50 artistes différents, dont 40 ont plus de 50 ans.
L’idée est née au sein du personnel de l’ARCO et elle entrait pleinement dans un programme du gouvernement canadien, Nouveaux Horizons, qui a pour but de sortir les personnes âgées de leur isolement et d’encourager les projets intergénérationnels.
Grâce à une subvention, et à l’assistance de la Fédération des Francophones de Terre-Neuve et du Labrador, le projet a débuté au début de décembre 2018.
Un succès sans précédent
L’ARCO visait la participation maximum de 25 personnes, encadrées par une équipe de 10 personnes (bénévoles et employés). Mais, comme l’explique Catherine Fenwick, sa directrice générale, l’intérêt a été tel qu’il a fallu étirer le projet pour accepter les 40 personnes qui réclamaient une place. Qu’à cela ne tienne, on se serrerait les coudes!
Certaines personnes qui se sont inscrites à la formation pour les aînés, n’avaient jamais participé à aucune de nos activités avant. Il y a même eu deux personnes qui sont venues toutes les semaines de Stephenville jusqu’à l’Anse à Canards, en plein hiver!
Une logistique compliquée
Organiser une formation pour les aînés avec des gens issus de différentes communautés de la péninsule de Port-au-Port, requiert de la flexibilité puisque les participants pouvaient venir des villages de la Grand’Terre, de Cap Saint-Georges ou de l’Anse à Canards, séparés les uns des autres par d’assez grandes distances.
Durant les 10 semaines qu’a duré la formation, l’équipe a donc donné 6 ateliers par semaine, dans les trois villages, et à des heures différentes, pour convenir à tout le monde.
Les participants s’engageaient à prendre part aux dix sessions et à donner une de leurs oeuvres pour l’exposition, moyennant quoi ils recevaient tous un petit appareil, format poche, pour effectuer leur travail.
Un engagement total
Tous, sans exception, ont tenu leur promesse et pris part à tous les ateliers, ce qui ne surprend pas du tout Catherine Fenwick: “Il y a une appréciation, une motivation et un niveau d’engagement formidable chez les aînés”, assure-t-elle.
Beaucoup de gens sont aussi immensément fiers de leur coin de pays – le pays du Bon Dieu, comme ils aiment le dire – et ils avaient envie de l’exprimer en photos. D’autres préféraient leurs animaux de compagnie, leurs maisons, mais tous et toutes avaient quelque chose de cher à immortaliser.
L’Expo 50 +
Pour exposer les réalisations de chacun, l’ARCO a eu la bonne idée d’associer à chacune des photos (40 viennent des participants et le reste de l’équipe de formation), le portrait de leur auteur, son nom et parfois un petit commentaire, ce qui permet de découvrir à la fois les gens qui habitent cette péninsule du bout du monde et leur façon de voir et d’exprimer leur environnement.
Que l’on connaisse certaines personnes (c’est mon cas) ou pas, la combinaison des deux photos contribue à donner un aspect encore plus sympathique et touchant à cette exposition.
Et maintenant… la suite
La formation photo a eu tellement de succès, que les participants réclament maintenant une suite. Pour l’ARCO, dont le mandat est d’assurer l’épanouissement et le bien-être de la communauté francophone de la péninsule de Port-au-Port, le principe de formation pour les aînés va de soi.
Alors que faire? Deux idées germent en ce moment: initier les gens au vidéo et offrir une formation pour numériser les anciennes photos (y compris comment y ajouter des métadonnées de façon à ce que chaque photo soit correctement identifiée et commentée). L’ARCO envisage même d’offrir ces formations jusqu’à Stephenville où vivent beaucoup de francophones ou descendants de francophones et d’Acadiens de la péninsule.
Et le français, dans tout ça?
Catherine Fenwick ne s’en chache pas: les sessions de formation sont bilingues, c’est à dire que chacun utilise la langue de son choix. Sur la péninsule de Port au Port, c’est indispensable: jusque dans les années 1970, il n’y avait aucun enseignement en français et bon nombre de personnes n’ont jamais pu apprendre ni garder et encore moins retrouver la langue de leurs parents.
Si beaucoup de gens connaissent le français suffisamment pour le parler, beaucoup n’osent pas le faire en plublic, tant on leur a répété qu’ils parlaient mal! Bref, contrairement à la dynamique habituelle qui fait que si une personne parle anglais dans un groupe tout le monde passe à l’anglais, sur la péninsule de Port au Port le fait de retirer l’obligation de ne parler que français, permet la participation de tous, valorise l’utilisation de la langue française et encourage les gens à parler leur langue. Comma ça, assure Catherine Fenwick, “on rapproche les deux groupes linguistiques.”
Toutes les oeuvres et tous les portraits de l’équipe de formation et les participants du projet 50 + sont disponibles, dans le vidéo ci-dessous, avec en prime de la musique traditionnelle locale. Si vous avez toujours voulu découvrir la péninsule de Port-au-Port, vous allez être servi!
Péninsule de Port-au-Port, Terre-Neuve
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