À Mont-Carmel, dans la région Évangéline à l’Île-du-Prince-Édouard, tout l’indique, on est en Acadie! Vivre dans ce petit village, c’est affirmer son patrimoine au quotidien. Mais pour Anastasia Desroches, musicienne émérite et engagée, la fierté d’être acadienne prend une dimension tout à fait remarquable.
Retrouver son patrimoine
On pense – souvent à tort! – que ceux et celles qui se battent pour préserver leur langue, leur culture ou leur patrimoine, sont “tombés dedans” quand ils étaient petits, comme Obélix dans la potion magique. Et donc, que l’engagement d’une personne est directement proportionnel à l’environnement dans lequel elle a grandi et à la fierté qu’elle en a tiré.
Ce n’est pas nécessairement vrai… Et pour le prouver, laissez-moi vous présenter Anastasia Desroches!
Des talents multiples
D’abord et avant tout, Anastasia est musicienne et une violoneuse acadienne bien connue. Elle est aussi la directrice générale de la Fédération des parents de l’Île-du-Prince-Édouard, une organisation qui “représente les parents engagés dans la promotion et la défense du droit à l’éducation en français langue première.” (note de l’auteure: ce qui est évident en France, au Québec ou à Saint-Pierre et Miquelon, ne l’est pas dans le reste de la région de l’Heure de l’Est où l’apprentissage de la langue et l’accès à l’école française exigent encore beaucoup de vigilance et de militantisme).
Membre de la famille Gallant, de par sa mère, et Desroches, de par son père, vous avez toutes les raisons de croire qu’elle a appris le répertoire musical traditionnel et le violon au sein de sa famille et, qu’au même moment, ses parents lui inculquaient une bonne dose de fierté acadienne et d’engagement communautaire. Eh bien…. non!
Acadienne par choix
Comme son père n’avait jamais appris le français, chez les Desroches on parlait uniquement anglais. Anastasia et ses deux sœurs ont fréquenté l’école d’immersion française à Summerside comme bon nombre de leurs camarades anglophones. Un point c’est tout.
Quant à la musique, Anastasia a commencé à 5 ans par la danse traditionnelle – la gigue pour être précis – mais sans connotation culturelle particulière, “on dansait avec des costumes différents selon les morceaux de musique”, précise-t-elle. C’est alors qu’elle découvre qu’il y a des danseuses acadiennes à l’Île qui portent de beaux costumes et qui parlent français (une combinaison irrésistible à ses yeux, à l’époque).
À 15 ans, grâce aux violoneux anglophones de sa province, les PEI Fiddlers, elle découvre le violon et c’est l’amour fou. Elle économise ses sous pour s’acheter son premier violon, prend quelques cours au College of Piping à Summerside, où on enseigne les arts celtiques, puis rejoint les violoneux du Comté de Prince avec lesquels son apprentissage musical se fait plus théorique et plus structuré. Aujourd’hui, forte de plus de 30 années d’expérience à la fois comme musicienne et enseignante de musique, elle n’a rien perdu de son enthousiasme. Voyez plutôt…
Une revanche sur le passé
Lorsqu’elle termine ses études à l’école d’immersion de Summerside, il est clair pour Anastasia qu’elle ira étudier la musique, en français. Mais pour ça, elle en est bien consciente, son niveau de français ne suffira pas.
Elle décide alors, à la consternation familiale, de reprendre sa dernière année d’étude (12ème année ou terminale, c’est selon!), à l’école française Évangéline, dans la région acadienne du même nom. Ses cours seront centrés autour de la langue, tel est son souci de “bien s’exprimer en français comme en anglais”.
Bien armée pour ses études supérieures, elle part à l’Université de Moncton, puis revient à l’île dans cette région à laquelle elle est maintenant très attachée.
Première jeune à se mettre au violon dans les alentours, elle enseigne la musique à l’école Évangéline, fait partie de groupes musicaux comme Gadelle et le trio DOC.
Éventuellement, en plus de continuer à donner des cours avancés de violon, elle se retrouve à la direction générale de la Fédération des parents où elle a le bonheur d’encourager les parents à donner à leurs enfants l’opportunité linguistique qu’elle n’a pas eue.
Je me considère chanceuse: la vie me permet de m’investir dans ma musique et dans mon travail
Dans tout ce que fait Anastasia, on est frappé par sa détermination de faire le maximum pour sa communauté. Seule enfant de la famille à encore parler français, elle a aussi à cœur d’encourager ses neveux et nièces à garder leur langue. Elle qui comprend, mieux que quiconque, comme il peut être facile de s’assimiler.
Du temps pour les loisirs
Quand on habite Mont-Carmel et qu’on travaille juste à côté, la vie coule doucement, sans embouteillages, sans transports longs et pénibles de la maison jusqu’au travail, ce qui laisse amplement de temps pour les loisirs.
En plus de la musique, Anastasia pratique donc, avec ferveur, un sport dont je n’avais jamais entendu parler qui s’appelle “le Pickleball”, (oui, oui, allez voir le lien, ça vaut la peine!) Il semble que ce soit un sport très couru à l’Île-du-Prince-Édouard…
Et puis – quelle découverte! – il y a son amour des Legos. Pas n’importe quels Legos, des Legos pour les grands, les Legos Creator-Expert (la compagnie n’a pas jugé bon de traduire, mais, nous, on vous a trouvé l’information en français).
Anastasia retrouve là les plaisirs de son enfance. “On n’était pas riche,” explique-t-elle, “mais ma mère voulait de la qualité dans les jouets, donc on avait des Legos.”
Armée du livret d’instructions qui fait souvent des centaines de pages, elle assemble ses maisons, parfois des quartiers au complet, du rez-de-chaussée jusqu’au grenier, intérieur comme extérieur, décoration et ameublement compris. Je vous assure, ça vaut le détour.
Et, vous vous en doutez, dans ses loisirs, comme dans tout le reste, Anastasia Desroches ne se satisfait que de l’excellence.
Un petit air de musique traditionnelle pour finir?
Mont-Carmel, Région Évangéline, IPÉ
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Bravo Anastasia! Tu es un exemple pour les francophones, mais aussi pour toutes les minorités qui défendent leurs droits!
Un honneur bien mérité. Et un article bien rédigé