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Icebergs

Conche 2018 – Crédit photo: Gerald Woodford

Le printemps n’est pas la saison la plus généreuse à Terre-Neuve-et-Labrador: période brumeuse et souvent glaciale, elle réserve cependant à ses braves résidents un spectacle unique au monde dont ils ne se lassent jamais: la lente dérive des icebergs, ces voyageurs du Grand Nord qui viennent lentement mais sûrement fondre sous nos yeux.

Si, cette année, les Terre-Neuviens seront les seuls à profiter du spectacle en personne, suivez-nous tout de même le long de Iceberg Alley (l’allée des icebergs).

 

Une épopée

Lorsque les premiers icebergs pointent leur nez le long de la côte Est de l’île de Terre-Neuve, ils sont arrivés pratiquement au bout d’un très long périple, à la fois sur terre et sur mer. Oui, vous avez bien lu, sur terre et sur mer!

Iceberg Alley

Iceberg Alley – Ministère du Tourisme de TNL

Les icebergs sont des morceaux de glaciers terrestres. 90% d’entre eux proviennent de la côte Ouest du Groenland, le reste est issu de l’Arctique canadien. Ils “naissent” donc sur terre – contrairement à ce que beaucoup de gens pensent – sur des glaciers qui sont en perpétuel mouvement. Les glaciers du Groenland sont les plus rapides au monde (tout est relatif!), ils se déplacent de 7 kilomètres par an! Finalement, des morceaux se détachent et tombent à l’eau. Ainsi commence le long périple des icebergs, un voyage identique à celui des Vikings à la recherche de Vinland!

Une longue gestation

Bien sûr, la vie d’un iceberg commence bien avant son ultime voyage! En fait, la longévité des icebergs défie un peu l’entendement: Ils ont environ 10 000 ans. C’est le temps nécessaire pour que la neige se compacte jusqu’à former ces amas d’une glace bien plus dure d’ailleurs que les glaçons de votre congélateur.

produits iceberg

Vodka et bière d’iceberg

Et qui dit neige, dit eau douce. Pas un grain de sel dans les icebergs! Rien que de l’eau douce et complètement pure, puisqu’elle remonte loin en arrière, bien avant avant l’industrialisation et la pollution humaine.

Cette eau est d’ailleurs si délicieuse à boire qu’on récolte localement des morceaux d’icebergs pour fabriquer quelques boissons rafraîchissantes! La Commission des alcools de la province produit de la vodka et une microbrasserie de Saint-Jean Quidi Vidi Brewery offre une bière faite avec l’eau d’iceberg dont la bouteille bleue est devenue iconique.

Dans certains restaurants de Terre-Neuve, on agrémentera aussi votre boisson de petits glaçons d’iceberg. Original!

L’iceberg est le roi de la démesure

Et il n’y a pas que l’âge d’un iceberg qui est hors normes! Tout le monde le sait, sa taille est souvent gigantesque.

icebergs Terre-Neuve

Icebergs au large – Photo: F. Enguehard

Les icebergs de l’hémisphère Nord ne sont pas aussi gros que ceux de l’Antarctique mais quand même. Le plus gros jamais enregistré dans l’Arctique l’a été en 1881, au large de la Terre de Baffin: il faisait 13 km de long par 6 km de large, s’élevait jusqu’à 20 mètres au-dessus de l’eau. On estimait son poids à quelque 9 milliards de tonnes, ce qui représentait assez d’eau potable pour la population du globe pour une période de 4 ans!

Souvent, vus de loin, les icebergs ne semblent pas impressionnants, mais ceux que vous voyez ici au large de la péninsule d’Avalon sont gigantesques. La grosseur moyenne d’un iceberg lorsqu’il arrive sur les Grands Bancs est d’entre 10,000 tonnes à 20,000 tonnes, ceux qu’on appelle les icebergs “cathédrale” peuvent s’apparenter à la taille d’un bâtiment de 15 étages.

Même leurs petits morceaux sont imposants. Les “bergy bits” – littéralement “bouts d’icebergs” peuvent être aussi gros qu’une maison et les “growlers” les plus petits morceaux plats et à fleur d’eau ont à peu près la taille d’un piano à queue. De quoi faire des glaçons pendant longtemps!

La face cachée de l’iceberg

iceberg

Conche 2019 – Crédit photo: Scott Carroll

Il y a une chose sur les icebergs que tout le monde connaît: 90% de sa masse se trouve sous l’eau. C’est bien pour ça qu’on a inventé l’expression “ce n’est que la pointe de l’iceberg”.

Prenez par exemple, celui-ci à gauche. 90% de sa masse est sous l’eau. On ne sait rien de la forme de cette masse cachée mais, en moyenne, on sait qu’elle peut être de 20% à 30% plus large que ce que l’on voit en surface et que son tirant d’eau (sa profondeur sous l’eau) est approximativement la même qu’en surface.

Ce sont ces caractéristiques qui dictent la plus grande prudence au moment des les approcher. On ne sait pas vraiment jusqu’où ils s’étendent sous l’eau. En plus, plus ces icebergs sont élevés, plus ils sont instables. Il suffit d’une goutte d’eau  pour que le centre de gravité change et que l’iceberg se soulève, bascule et s’écrase de nouveau dans l’eau sous une forme complètement différente. Mieux vaut ne pas être trop proche en une telle occasion! Regardez ce vidéo de CBC/Radio-Canada Terre-Neuve et Labrador.

Un spectacle partout

Des quelque 40 000 icebergs qui tombent chaque année de leur glacier d’origine, seuls quelques-uns défilent le Détroit de Davis, puis suivent le courant du Labrador jusque dans les eaux “plus chaudes” (là encore, tout est relatif!) des Grands Bancs et des côtes de Terre-Neuve. Entre 400 et 800 icebergs seulement participent au spectacle annuel.

Leur parcours dépend des vents, des courants, de la température. Souvent, ils sont prisonniers de la banquise et ne recommenceront leur dérive que lorsque la glace océanique sera partie. Une fois qu’ils dérivent, le vent peut aussi les pousser vers l’intérieur des baies où ils viendront s’échouer et resteront fondre pour de bon.

Certaines années, ils s’installent juste à nos portes, d’autres fois les vents les poussent au large et on ne les voit pas de la terre, sauf dans la Péninsule du Nord, comme à Conche par exemple, où ils s’arrêtent tous les ans sans exception.

Un attrait touristique unique …

Si les icebergs ont toujours attiré l’attention, depuis le film Titanic, c’est l’affluence. En 1997, lorsque le film est sorti, j’ai eu l’occasion de suivre des touristes venus spécifiquement pour voir les icebergs. Le groupe le plus extraordinaire était un petit groupe de Français venus en Concorde, nolisé pour l’occasion!

Et que dire des hordes de touristes canadiens et américains qui, suite au film, ont pris d’assaut les petits bateaux des ports pour aller se faire photographier à côté d’un iceberg, les bras écartés à la proue du navire comme l’héroïne du film. Un capitaine qui n’avait manifestement pas vu Titanic m’avait confié, excédé, qu’il avait beaucoup de mal à s’assurer que ses clients ne tombent pas à l’eau!

Aujourd’hui, fort heureusement, les choses se sont un peu calmées.

… Mais un danger permanent

Depuis le naufrage du Titanic (le vrai!), et depuis 1914, l’Atlantique Nord et ses icebergs font l’objet d’une haute surveillance. Une organisation internationale, la patrouille internationale des glaces, veille. Par des survols aériens, elle produit des cartes marines indiquant la présence d’icebergs aux navires de la région. C’est ainsi que depuis ce fatidique naufrage, on ne déplore aucun autre naufrage dans la région dû aux icebergs.

Sur terre, nous serons encore nombreux cette année, à scruter l’horizon pour les apercevoir, autant pour leur majesté et leur beauté que parce qu’ils annoncent, enfin, sans aucun doute, l’arrivée des beaux jours.

 

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Françoise Enguehard

Native de Saint-Pierre et Miquelon, Françoise est établie à Saint-Jean de Terre-Neuve depuis plus de quarante ans. Journaliste (anciennement à Radio-Canada, aujourd’hui chroniqueuse pour l’Acadie Nouvelle) , auteure reconnue, bénévole de la communauté francophone de l’Atlantique (Présidente de la Société Nationale de l’Acadie de 2006 à 2012 et de la Fondation Nationale de l’Acadie depuis 2014), elle connaît intimement la région de l’Heure de l’Est, ses gens et les défis qu’ils relèvent au quotidien. Femme d’affaires, elle dirige VIVAT Communications, une firme spécialisée dans la traduction et les communications.

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