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Baignade nordique, baignade en eau(x) froide(s), nage nordique … les appellations varient mais le concept reste le même : s’immerger volontairement, et avec le sourire, dans une eau froide, voire gelée. 

En Scandinavie c’est une pratique banale. Ici, c’est plutôt contre-nature, pourtant, vous allez le voir, l’idée fait son chemin.

Allez, on s’immerge ensemble ! Je vous parie que cet article va faire vaciller vos certitudes. Espérons que vous avez un accès à l’eau pas trop loin de chez vous.

Une petite précision ...

Cet article est le second d’un dossier consacré aux Îles-de-la-Madeleine. Pour ne rien manquer de la suite, abonnez-vous à L’Heure de l’Est !

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Le contexte

Je suis en voiture avec Marie-Eve depuis l’aéroport de Havre-aux-Maisons jusqu’à sa maison sur La Grave à Havre-Aubert, tout au sud de l’archipel des Îles-de-la-Madeleine. Trente minutes de route bien tassées. On papote. Marie-Eve me raconte sa vie de chanteuse loin de Montréal (on en reparlera), son amour des îles, ses implications, sa toute nouvelle résidence d’artiste où je vais être logée. Je prends des notes mentalement.

Finalement, garée devant La Maison Verte, patrimoniale à souhait et mon chez-moi pour la semaine, elle me lance en guise d’au revoir «  En face de la maison, avec d’autres femmes, on se baigne tous les matins, ça te tente de venir demain ? ».

Non, ça ne me tente pas de venir demain.

Pour discuter oui, mais ne comptez pas sur moi pour quoi que ce soit qui impliquerait un contact avec de l’eau. On est fin septembre et je ne quitte déjà plus mon foulard !

Le lendemain, me voilà assise sur la Grave en train de regarder six « Baigneuses de la Grave » se mettre à l’eau, visiblement à l’aise et très enthousiastes. Les Joyeuses de la Grave !

Je pense que c’est Nicole Grégoire qui me dit que pour obtenir des réponses à mes questions sur la baignade nordique il va falloir que je me mette à l’eau moi aussi.

Forcément …

Marie-Christine Lavoie a ajouté « Tu verras, on devient accro. » Bon, très bien. Pas le choix.

Le rendez-vous est donné pour le lendemain à La Gabarre, sur la Grave, pour un petit déjeuner d’avant baignade, en groupe. Bacon and eggs ? Euh non non … je suis déjà en train de me préparer au choc « aquatique-thermique » à venir. L’estomac un peu noué.

« Quand je ne me baigne pas, il me manque quelque chose »

Il y a une quinzaine de femmes de tous âges autour de la table. Un seul homme, pour lui, c’est double immersion.

Comment a commencé cette “histoire de baignade” ?

« C’est Pauline ! »

Pauline-Gervaise Grégoire revient sur les débuts des Baigneuses de la Grave :

« Aux Iles-de-la-Madeleine, il y a Fernande et Lucie, aujourd’hui octogénaires, qui se baignent toute l’année du côté de l’Etang-du-Nord, depuis … des lustres. J’ai toujours été à la fois admirative et tentée de les imiter. Et puis le Covid est arrivé. Malheureusement, pour moi ça a été un covid long. J’ai été très très mal, très longtemps. Moi qui suis très sportive, j’étais devenue incapable du moindre effort physique ou mental. En octobre 2022, pour tenter de sortir de cette maladie et de reprendre le dessus j’ai eu l’idée de me mettre aux bains en eaux froides. J’avais un peu lu sur le sujet de la baignade nordique, notamment avec Wim Hof, je voulais tester ses bienfaits et je n’avais rien à perdre. »

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Pauline, instigatrice des Baigneuses de la Grave

C’est un entrainement, je ne me suis pas vraiment rendue tellement compte

que l’eau devenait de plus en plus froide

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Marie-Hélène un jour de grand vent. Photo Pauline-Gervaise Grégoire

Octobre, la fin de l’automne, l’hiver, les glaces, la baignade dans les glaces … tout ça s’est enchainé. Marie-Hélène, complice depuis le début est d’accord: le corps s’adapte, c’est progressif. Le froid s’apprivoise.

Ou est-ce que c’est notre corps qu’on apprivoise et qu’on maitrise au point de lui imposer une immersion dans une mer très froide ?

C’est évident que la baignade c’est comme un fil invisible qui relie tout le groupe. Il y a de l’enthousiasme qui déborde de partout :

«  C’est un besoin, c’est devenu indispensable »

«  J’ai de gros effets secondaires liés à mon traitement post-cancer, il n’y a que l’eau froide qui parvient à réguler mon système »

«  Quand je me baigne le matin, je me sens bien tout le reste de la journée. »

«  Oui il y a un inconfort, au début, mais l’inconfort, ça fait partie de la vie ! »

«  La chaleur, elle est là, entre nous. C’est le groupe qui nous porte. »

« La nage nordique prouve qu’on se met des limites mentales. Quand on décide de les franchir, on est surprise de découvrir que c’est possible. Ça peut servir pour tout dans la vie, c’est une leçon ! »

10 minutes plus tard je faisais la planche parmi mes copines de nage.

Depuis ce matin là, je me baigne presque tous les jours (si le temps le permet). Quand Marie-Christine a dit qu’on devenait accro je ne pensais pas que c’était immédiat.

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Un beau matin à 9°. Photo Marie-France Cormier (photo de gauche)
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Quand il faut aller, … on y va !

La baignade nordique : petit mode d’emploi

Les Baigneuses de la Grave, désormais expérimentées, ont leurs techniques et elles les partagent :

L’équipement

Il y a plusieurs écoles, disons que par ici, c’est “l’équipe maillot de bain”.

Au delà du maillot, 3 accessoires font une grosse différence :

  • les chaussons en néoprène,
  • les gants en néoprène,
  • un bonnet de laine

Puis un thermos bien chaud pour la sortie de l’eau. Boire et manger chaud après la baignade, ça facilite la récupération.

Oui, alors pourquoi des gants et un bonnet ??? Je sais, ça parait bizarre d’être en maillot avec des gants. Et pourtant, vous n’imaginez pas la différence que ça peut faire.

Le corps perd sa chaleur par ses extrémités: les pieds, les mains et la tête. Avec vos mains dans l’eau, le froid fait rapidement chuter la température du sang dans vos mains. Ce « sang froid » circule ensuite vers le tronc, et voilà ce qui va vous glacer à toute vitesse. Si vous protégez vos mains du froid, cette déperdition est beaucoup plus lente et le confort dans l’eau s’en ressent énormément.

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Respiration, concentration, symbiose

La baignade en eaux froides, ça peut se comparer à une forme de yoga, ou à un exercice de pleine conscience, le froid en plus. La respiration a un rôle central.

Plus l’eau est froide, plus la pratique est régulière et plus elle est l’occasion d’un moment avec soi-même, dans l’instant.

Ça demande de la concentration et un travail de la respiration. Des expirations lentes et calmes aident à franchir ce mur psychologique. Il faut toujours se souvenir que personne ne nous force à le faire et que c’est l’acceptation de cette expérience qui en fait aussi son intérêt.

« Il y a une fierté à sortir de la routine et à pratiquer quelque chose qui est un peu extraordinaire. On est fier de soi et c’est un sentiment qui nous renforce. On vit avec cette sensation positive de nous même tout au long de la journée.» confie Pauline.

Mais attention, c’est loin d’être d’être facile, comme me le rappelle Marie-Christine Lavoie :

« Tu nous voies en train de rire et de discuter en nous baignant, mais quand il fera froid, ça ne sera plus pareil. Ça sera silence et concentration et chacune sera dans sa prouesse personnelle. On se concentre sur l’acceptation de ce que l’on est en train de vivre. Il est possible que la respiration se bloque, que le cœur s’emballe, que l’on ressente des picotements. Il faudra absolument rester à l’écoute de son corps ».

Vous l’avez compris, plus c’est froid, plus c’est mental et plus c’est votre force de caractère qui vous envoie à l’eau. L’esprit de corps qui se crée entre les baigneuses consolidera la pratique de chacune des baigneuses quand l’hiver arrivera.

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Les bienfaits de la nage en eaux froides

Pourquoi tout ça ? Mais pour le plaisir mon ami(e), pour le plaisir. Pour le bien-être et la santé.

Annie Vigneau l’affirme : « la première minute passée, le plus dur c’est de ressortir de l’eau. Parce tant qu’on est dans l’eau, qu’est-ce qu’on est bien ! ».

Pour comprendre pourquoi on se sent si bien, je vous recommande la lecture de « Fendre les eaux, apprivoiser la baignade nordique » de la Québécoise Vanessa Bell, paru aux Editions de l’Homme. couverture livre fendre les eaux vanessa bell

L’auteur y explique ce qui la pousse à s’adonner à la baignade en eaux froides et recense de nombreuses données scientifiques autour de cette pratique vivifiante.

Elle insiste par exemple sur les hormones libérées lors de la baignade en eaux froides. Elles sont les mêmes qu’au cours d’un entrainement sportif :

  • la dopamine, addictive, c’est l’hormone du plaisir immédiat
  • l’endorphine, qui met de bonne humeur et apaise les douleurs
  • la sérotonine, régulatrice de l’humeur
  • l’ocytocine, produite en cas de douleur
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Un sanatorium à ciel ouvert

Vanessa Bell expose de façon très spirituelle et poétique les bienfaits de l’eau froide, tant physiques que mentaux. Une liste que toutes les baigneuses et baigneurs doivent aimer relire de temps en temps …

  • amélioration de la concentration, de la mémoire et du sommeil,
  • sentiment de plénitude et d’accomplissement
  • amélioration de la circulation lymphatique et du système nerveux parasympathique
  • amélioration du système immunitaire (moins de rhume en hiver !)
  • soulage les inflammations
  • favorise la circulation et soulage les varices

Et une tonne d’autres bienfaits qu’on ne retrouve peut-être pas chez toutes les personnes qui pratiquent cette activité mais toutes les baigneuses que j’ai pu interroger étaient d’accord pour trouver mille avantages à leur pratique.

Une autre chose me parait essentielle, c’est cette autre façon de vivre sur son territoire.

On a tendance à cloisonner. À se dire, “cette activité c’est pour cet endroit à cette période”, la baignade c’est à l’Anse des Laveuses en juillet et août. Mais jamais il ne me serait venu à l’esprit que ça pouvait être à l’Anse à Ravenel en novembre.

Finalement, ça balaie des idées préconçues, on appréhende les endroits autrement.

On se dit « Pourquoi pas, allons tester. »

Se baigner en eau froide, des variantes locales

Les Baigneuses de la Grave de Havre-Aubert ont maintenant une « branche » Saint-Pierre et Miquelon. Facebook nous permet de garder le contact.

À Saint-Pierre, nous sommes quatre « Naïades Boréales » à nous baigner aussi souvent que possible, presque tous les jours. Nous croisons de nombreuses personnes qui aimeraient nous rejoindre, qui y pensent depuis longtemps, qui voudraient essayer. Tout le monde est bienvenu, c’est plus facile en groupe, mais c’est mieux de ne pas débuter dans une eau trop froide, alors n’attendez plus.

Jusqu’à quand irons-nous ? On n’en sait rien, c’est une découverte pour chacune de nous. Pour le moment la baignade est «confortable» et nous sommes toujours surprises de nous voir sortir de l’eau, en maillot par 8° avec du vent et de ressentir de la chaleur au lieu d’un froid mordant. C’est bluffant tout ça, vraiment.

Depuis très longtemps des pratiques voisines de la baignade nordique existent à Saint-Pierre et Miquelon :

  • le longe-côte se fait à Miquelon et Langlade. En combinaison et immergé jusqu’à la poitrine, on marche, ou court, en engageant le haut du corps. C’est très cardio et excellent pour tous les muscles sans les impacts de la course à pieds.
  • l’association de nage en eaux libres de Saint-Pierre, NEMO, orientée vers la pratique sportive, la nage et le longe-côte. Le groupe très dynamique a à son actif de nombreux parcours autour de Saint-Pierre et l’Île aux Marins.

Il existe des baigneuses dans toute la région c’est certain. N’hésitez pas à nous signaler l’endroit où vous pratiquez pour qu’on puisse établir une petite carte de la baignade en Atlantique.

 

Photo de couverture : Pauline-Gervaise Grégoire

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Patricia Detcheverry

Après 10 ans en régie publicitaire, je me suis lancée dans l'hôtellerie et j'ai vécu (encore) 10 ans au rythme des saisons touristiques. Freelance depuis 2017 j'allie mon regard de femme de l'Atlantique et mes compétences en communication pour faire connaitre ma région. Ce que j'aime par dessus tout ? Faire découvrir les petits endroits paumés où personne ne va, les petites routes ignorées, les bouts du monde et les gens, toujours les gens !

3 Comments

  • Fleury gerard dit :

    Bonjour a tous, très bien vos reportages, cela donne envie de voir par soit même. Gerard fleury

  • Je suis regulierement Patricia (follower comme disent les Anglsis) depuis son passage ici en Clare il y a maintenant presque 5 années (avant cvd) j’ai même songé un moment à lui écrire des articles pour son excellent blog mais ici en baie Ste Marie, depuis mon arrivée en 2015, je me suis engagé dans tout un tas d’activités (Cab, Rane. Radio Cifa, la boule acadienne et d’autres petites actions de bénevolat que le temps s’est mis petit à petit à me manquer… cependant au fil du temps je me désengage et il est possible que je consacre plus de temps à mon blog personnel qui est consacré essentiellement à mes émissions Cifa “paroles et lettres francophones” et que j”y associe des séquences dédiées à cette très bonne et attachante “heure de l’Est” l’idée fait son chemin..Merçi Patricia pour cette belle écriture.
    alain-philippe

  • Jeanne Lebel dit :

    Avec Fernande et Lucie il y avait aussi tante Irène qui est maintenant décédée 🙏🏻❤️😇

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